Il convient d'abord de prévoir, à tout le moins, la possibilité d'une présentation rectificative. Imaginez, en effet, que cette règle ait existé à l'été 2007, quand, pleine d'enthousiasme, la majorité de cette assemblée votait le paquet fiscal alors que la crise avait, en réalité, déjà commencé aux États-Unis et qu'en dépit des manifestations, des propos et des avertissements donnés par certains, le Gouvernement prétendait que cette crise ne toucherait qu'un secteur et que les États-Unis et que jamais, en tout cas, elle ne traverserait l'Atlantique !
Qu'aurait fait le Gouvernement au moment de l'éclatement de la crise financière lorsque la banque Lehman Brothers a fait faillite ? Imaginez que cette règle ait empêché le Gouvernement de mettre en oeuvre le plan de relance et d'abord le plan de sauvetage du secteur financier. Comment aurions-nous pu, en France, prendre notre part dans le sauvetage d'une économie affectée sur le plan mondial si une telle trajectoire avait été définie de façon constitutionnelle et si toute loi de finances soumise au Conseil constitutionnel se devait de la respecter ?
Il me semble que l'histoire est tout de même très récente, qui doit nous convaincre que, si un effort est clairement à engager, si le niveau constitutionnel n'est pas à rejeter a priori, si l'idée d'une trajectoire quinquennale en début de législature est plutôt une bonne chose, ne serait-ce que pour mettre de la transparence entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, nous devons au moins prévoir quelques échappatoires dans l'hypothèse où ce serait nécessaire à la préservation de l'intérêt général.
Le rapporteur général a défendu cette règle avec sincérité, je crois, et enthousiasme. S'il est envisageable d'adopter ce type de mesures, n'injurions tout de même pas trop l'avenir et anticipons, le cas échéant, des situations délicates qui nous contraindraient à ne pas les respecter scrupuleusement.
Pour le reste, faut-il vraiment constitutionnaliser le fait que toute disposition de finances doit être réservée aux lois de finances ? Mes chers collègues, nous savons que ce ne sont pas les parlementaires qui, même s'ils votent, prennent les décisions. Les dispositions fiscales les plus coûteuses furent rarement prises à l'initiative de parlementaires qui, par ailleurs, sont tenus de respecter l'article 40. Elles ont presque toujours été prises à l'initiative des gouvernements, qui ont les moyens de contraindre leur majorité à les voter. Celles-ci ne se font d'ailleurs pas trop prier parfois. Je me souviens ainsi de la baisse de la TVA dans la restauration, mesure coûteuse, 3 milliards d'euros, et intégralement financée par l'endettement.