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Intervention de François Baroin

Réunion du 31 mai 2010 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2010

François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état :

Les plus pessimistes – dont, à l'évidence, vous faites partie, monsieur Brard – la considèrent certainement comme un obstacle majeur, voire la preuve d'un échec de la construction européenne. Ceux dont je fais partie, et dont le Gouvernement fait partie, pensent, au contraire, que cette épreuve est l'occasion d'un resserrement durable des liens entre les pays européens.

Faire le constat des incertitudes et des faiblesses de l'Europe ne doit pas nous décourager. Au contraire, nous devons saisir cette occasion pour prendre conscience des difficultés et avancer. L'Histoire est jalonnée d'une succession de crises qui ont permis des progrès.

Nous souhaitons, par le mécanisme qui vous est proposé, mettre un terme aux tensions sur les marchés financiers car celles-ci menacent la stabilité, l'unité et l'intégrité de la zone euro. Nous agissons de façon solidaire car, comme je l'ai déjà dit il y a quelques semaines dans cet hémicycle, attaquer un pays de la zone euro, c'est s'en prendre aux États membres dans leur ensemble et s'exposer à une réponse ferme et déterminée.

Les difficultés rencontrées par la Grèce ont notamment été révélatrices de l'absence d'un dispositif de nature à aider à un État membre de la zone euro en difficulté financière. Certes, il existe un dispositif communautaire opérationnel d'aide aux États membres de l'Union européenne, mais il ne concerne que les États n'appartenant pas à la zone euro.

Les États de la zone euro ont donc voulu se prémunir contre l'éventualité d'une spéculation des marchés sur une possible contagion de la crise grecque à d'autres États membres, le fameux effet domino. La réponse des États ne pouvait que dépasser la logique du cas par cas au profit d'une approche globale, coordonnée et rapide.

Les chefs d'État et de Gouvernement européens ont agi avec rapidité, détermination, sens de la responsabilité et volonté d'exemplarité et ont choisi, début mai, de doter l'Europe de moyens financiers conséquents, mobilisables par l'ensemble des pays membres de la zone euro en cas de besoin.

Cette réponse européenne fait d'ailleurs partie d'un plus vaste ensemble de résolutions qui visent à tirer de façon durable les leçons, en particulier, de la crise grecque et, plus généralement, de la crise mondiale que nous traversons depuis de nombreux mois.

Les États membres sont ainsi convenus d'assurer rapidement la consolidation des finances publiques et la mise en oeuvre de réformes structurelles. Au-delà, l'Union européenne s'est engagée à améliorer la gouvernance économique européenne pour éviter qu'une crise de cette nature ne se reproduise.

Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui doit permettre à la France de se doter rapidement des outils budgétaires nécessaires pour pouvoir agir de façon exemplaire.

Pendant une quinzaine de jours, plusieurs épisodes de tensions sur les marchés financiers ont précédé la mise en place de ce mécanisme européen de stabilisation financière.

Ces tensions se sont très fortement accentuées dans les jours qui ont suivi la demande par la Grèce de l'activation du plan d'aide le 23 avril dernier. Elles ont notamment été entretenues par les dégradations, les 27 et 28 avril, de la notation souveraine de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal par Standard & Poor's, qui ont accrédité et aggravé le risque d'une contagion de la crise grecque à d'autres États membres de la zone euro, alors même que les fondamentaux économiques et la sincérité des comptes de ces derniers étaient très différents de ceux de la Grèce.

Ces tensions ont atteint leur paroxysme au cours de la semaine du 3 au 7 mai. Les craintes d'une contagion de la crise grecque se sont alors fortement amplifiées, tandis que les écarts de rendement des obligations souveraines d'autres États – la Grèce, le Portugal, l'Espagne, l'Irlande et l'Italie – avec l'Allemagne atteignaient des niveaux historiques.

Ces tensions se sont propagées aux marchés interbancaires ainsi qu'aux marchés d'actions, qui ont fortement chuté au cours de cette semaine, à l'instar de la place financière parisienne. Le CAC 40 a effectivement chuté de 11 %.

Sur le marché des changes, l'euro s'était fortement déprécié au cours de la même période face au dollar. Une baisse de 4 % avait ainsi été enregistrée.

Les rendements exigés par les marchés ont alors placé ces États de la zone euro dans une position où le coût de refinancement de leur dette leur fermait quasiment l'accès au marché. Oui, c'est bien cela qui s'est produit.

Au cours de la semaine du 3 au 7 mai, le Portugal et l'Espagne ont été contraints d'émettre des obligations à des taux entre deux et quatre fois supérieurs à ceux de leurs émissions précédentes au mois de mars.

Compte tenu de ces circonstances exceptionnelles, les chefs d'État et de Gouvernement de la zone euro ont demandé à la Commission européenne de proposer l'instauration d'un mécanisme européen destiné à préserver la stabilité financière.

La présidence espagnole du Conseil de l'Union a réuni un conseil ECOFIN exceptionnel le 9 mai afin d'examiner la proposition de la Commission. Les ministres des finances européens ont alors décidé la mise en place d'un dispositif doté de 500 milliards d'euros – j'insiste sur ce chiffre – pour préserver la stabilité financière. Ce dispositif doit être complété par des financements additionnels du Fonds monétaire international à hauteur de 50 % des montants mobilisés, soit potentiellement jusqu'à 250 milliards d'euros. Ainsi parvenons-nous à un montant global de 750 milliards d'euros. Le G7 et le G20 ont salué ce dispositif. Naturellement, nous nous en réjouissons.

Nous avons également souhaité que le mécanisme européen repose sur deux piliers : d'un côté, un volet communautaire ; de l'autre, un volet intergouvernemental prenant la forme d'un fonds européen de stabilité financière.

L'assistance financière de l'Union européenne permet de mobiliser jusqu'à 60 milliards d'euros. Cette somme doit pouvoir aider un État qui fait face à des difficultés liées à des événements exceptionnels échappant à son contrôle.

Activée dans le contexte d'un soutien conjoint de l'Union européenne et du FMI, cette assistance peut être apportée à tous les États membres de l'Union, y compris les États membres de la zone euro. En pratique, la Commission européenne empruntera sur les marchés financiers avec la garantie du budget communautaire et prêtera ces sommes à l'État en difficulté. Cette première tranche de 60 milliards d'euros est mobilisable immédiatement.

Deuxième élément soumis à votre approbation, cette assistance financière est complétée par la mise en place d'un fonds européen de stabilité financière. Son objet est de permettre le refinancement des États membres de la zone euro en difficulté.

Jusqu'au 30 juin 2013, cet instrument pourra consentir aux États membres des prêts ou lignes de crédits, dans la limite d'un montant de 440 milliards d'euros. Les financements ainsi octroyés devront être remboursés sous cinq ans, avec un délai de grâce de trois ans avant le début des remboursements.

Ce fonds devrait bénéficier, à cet effet, de garanties apportées par l'ensemble des États membres de la zone euro : chaque État membre doit octroyer une garantie proportionnelle à sa quote-part dans le capital libéré de la Banque centrale européenne, les BCE. Les garanties ouvrent droit à rémunération des États membres y participant.

Les modalités juridiques de création et de fonctionnement de ce fonds sont actuellement en cours de finalisation, en lien avec la Commission européenne.

Pour s'assurer que l'assistance et les prêts de ce nouveau fonds permettront à l'État bénéficiaire de faire face aux défis économiques et budgétaires auxquels il est confronté, l'octroi de ces financements s'accompagnera de contreparties exigeantes.

En effet, la solidarité et la confiance n'excluent pas l'exigence et le contrôle. Les pays faisant appel à cette aide devront notamment mettre en oeuvre des réformes structurelles pour retrouver rapidement et durablement l'accès au refinancement de leur dette sur les marchés. Le fonds européen de stabilité financière est avant tout un dispositif de précaution à vocation dissuasive, dont la mise en oeuvre doit rester exceptionnelle. Il ne peut avoir d'impact budgétaire qu'en cas d'appel effectif de la garantie, c'est-à-dire en cas de défaut de remboursement d'un État bénéficiaire.

Il est toutefois nécessaire – et c'est ce qui nous rassemble aujourd'hui – qu'une disposition de loi de finances autorise l'octroi de la garantie de l'État et fixe son régime, conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Tel est précisément l'objet de l'article 3 du projet de loi que je vous présente aujourd'hui. Je tiens d'ailleurs à vous préciser que l'ensemble des États membres est en train de lancer les procédures nationales nécessaires à l'octroi de cette garantie.

Le montant de la garantie maximale apportée par la France correspond – je ne vous apprends rien, car nous avions évoqué ce point en commission des finances et nous l'avons publiquement développé, avec Christine Lagarde, à de nombreuses reprises – à la quote-part de la Banque de France dans le capital libéré de la Banque centrale européenne, majorée de 20 %. Cette majoration est une marge de précaution nécessaire car un État membre de la zone peut ne pas être en mesure d'apporter sa garantie, notamment s'il bénéficie lui-même du dispositif. Il est assez logique et assez normal qu'un État qui rencontre lui-même des difficultés ne soit pas appelé à financer la garantie lui permettant de les surmonter.

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