Nous arrivons au terme de cette discussion générale et puisque je suis l'un des derniers orateurs, je ne reviendrai pas sur les principales critiques que l'opposition a eu raison de formuler contre ce texte.
Je souhaite concentrer mon intervention sur les impacts concrets de ces attaques contre les collectivités territoriales, appliqués à un échelon local qui me tient particulièrement à coeur, celui du Val-de-Marne. Vous comprendrez cependant que cet exemple particulier illustre une réalité qui dépasse évidemment les contours de ce seul département, ainsi que l'a déjà exprimé l'association des départements de France.
Sachant par ailleurs que la réforme des collectivités territoriales s'inscrit dans la logique et la continuité de ces attaques, elle rencontre de fortes résistances dans notre département.
Ainsi le 20 mai dernier, 500 Val-de-marnais, dont de nombreux élus, se sont rendus à Matignon pour remettre au Premier Ministre les 40 000 cartes-pétitions signées autour du thème : « le Val-de-Marne, j'y tiens ».
Depuis plusieurs mois, nous assistons à une mobilisation sans précédent pour dénoncer le chapelet de mesures plus anti-démocratiques les unes que les autres visant à démanteler ces fondements démocratiques que représentent les collectivités territoriales, en particulier les départements : suppression de la taxe professionnelle, Grand Paris pour l'Île-de-France, redécoupage des circonscriptions et, évidemment, réforme des collectivités. Le Gouvernement n'a pas hésité à sortir l'artillerie lourde pour servir l'autoritarisme présidentiel : la concentration des pouvoirs et la casse des services publics.
Le 20 mai dernier, donc, Christian Favier, président du conseil général du Val-de-Marne, et l'ensemble de la délégation présente appelaient l'État à leur allouer des moyens financiers suffisants et à prendre des dispositions législatives afin que les départements puissent poursuivre leurs missions.
Car l'incertitude est grande, et les déclarations de Nicolas Sarkozy à la conférence sur les déficits publics, reprises par la suite par François Fillon, sur le gel en valeur des dotations de l'État aux collectivités ne contribuent pas à l'apaisement, bien au contraire ! Et puisque, apparemment, le Gouvernement peine à entendre les revendications des élus locaux et des populations, qu'il refuse d'ailleurs de recevoir, je vais, monsieur le ministre, vous les rappeler.
Elles s'articulent globalement autour de deux axes : les financements et la répartition des compétences.
Concernant les financements, nous nous trouvons déjà dans une situation très délicate, puisque le Val-de-Marne, comme la plupart des départements, souffre depuis des années du non respect des engagements de l'État en matière de compensation financière liée au transfert de compétences, principe pourtant constitutionnel.
Mon prédécesseur l'a dit, plutôt que de s'attaquer aux élus, la première des réformes à mettre en oeuvre serait d'obliger l'État à payer ses dettes via la compensation à l'euro près de toutes les prestations relevant de la solidarité nationale.
Le rapport Carrez-Thénault a d'ailleurs mis en avant le caractère structurel du problème du financement des collectivités locales avec, d'un côté, l'augmentation linéaire des coûts sociaux et, inversement, la baisse des compensations. Ainsi, dans le Val-de-Marne, pour la période 2004-2010, cela représente la somme astronomique de 500 millions d'euros.
Chers collègues, il faudra, au moment du vote de ce texte, que nous ayons à l'esprit cette considération car comment penser une réforme des collectivités locales efficace si l'État s'obstine à perpétuer l'étouffement financier des départements ? Et cette question demeurera quelle que soit la configuration des territoires issue de cette réforme.
Le deuxième point d'achoppement que j'évoquais plus en amont est la question de la répartition des compétences. Il est inacceptable que le Gouvernement demande aux députés d'entériner la fin de la clause de compétence générale pour les départements et les régions et renvoie à un texte futur la définition de la nouvelle architecture des domaines de compétence. En somme, nous sommes appelés à légiférer dans l'abstraction de lois futures dont on ignore encore la substance.
La seule certitude concerne le sport, le patrimoine et la création artistique qui resteront des compétences partagées. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant : le sport et la culture ont été les premiers budgets à être affectés par les coupes claires opérées par l'État auprès des collectivités. Et si ces domaines ne devaient dépendre que d'une seule collectivité, les résultats seraient dramatiques compte tenu du désengagement de l'État, comme l'a rappelé Patrick Bloche.
Dans le Val-de-Marne, le cas du MAC-VAL – musée d'art contemporain – est en ce sens très significatif. Son existence dans une ville populaire comme Vitry est directement menacée alors qu'il s'agit d'un musée dont la renommée n'a cessé de grandir au point qu'il a accueilli, cette année, des oeuvres du plasticien Luc Boltanski, à l'instar du Grand-Palais. Le conseil général a déjà été contraint de baisser ses subventions, menaçant par là la diffusion culturelle et les emplois du musée.
Plus généralement, le présent texte fait peser de lourdes incertitudes quant à la pérennité des projets départementaux en matière de transports, de politique familiale, d'économie, de jeunesse, de logement... et je pense plus particulièrement à l'accueil de la petite enfance – les crèches –, domaine dans lequel le Val-de-Marne est en tête de tous les départements de France.
L'article 35 du projet interdit à toute collectivité d'intervenir dans un domaine relevant d'une compétence qui ne lui est pas dévolue. L'introduction en commission, par le Gouvernement, d'un article 35 ter, vient aggraver cette disposition en limitant fortement les possibilités de cofinancement entre les départements, les communes et les EPCI et entre les régions et les conseils généraux. Rien n'est prévu pour l'intervention des départements dans des projets ne relevant pas de leur champ de compétence.
Dans un département comme le Val-de-Marne, où le conseil général mène une politique sociale, économique et culturelle volontariste, en adéquation avec les besoins d'une population issue majoritairement des couches populaires, la mise en oeuvre de ce texte signera l'arrêt de nombreux dispositifs qui pourtant ont démontré leur efficacité. En tant que maire et président de l'association des maires du Val-de-Marne, je mesure en permanence l'intérêt des projets co-élaborés, cofinancés par le département et les villes, mais aussi par la région et parfois aussi par l'État.
Vous appelez cela le millefeuille ; j'y vois pour ma part tout l'intérêt de ce qu'ont créé les lois de décentralisation. Et si l'on peut parfois regretter des retards, bien souvent, les collectivités territoriales ne sont pas en tort, au contraire de l'État qui, en général, revient sur ses engagements, ses financements et procède, par un certain nombre de mesures administratives, à la destruction des projets pourtant prévus. On a cité l'exemple de l'ANRU. Notre collègue Pupponi a parfaitement raison !