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Intervention de René Dosière

Réunion du 27 mai 2010 à 15h00
Réforme des collectivités territoriales — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Dosière :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Gouvernement a élaboré son projet de réforme des collectivités territoriales suivant les directives du Président de la République dans son discours de Saint-Dizier du 20 octobre 2009.

Ce texte analyse la complexité du système local français du point de vue quasi exclusif des élus, et les nombreuses réactions qui ont suivi montrent que les diverses catégories d'élus ont également parlé pour défendre leurs institutions. Pour ma part, avec les membres de l'association « Le coeur à gauche » que j'ai créée dans ma circonscription, j'ai envisagé cette réforme du point de vue du citoyen.

Que l'on habite en milieu rural ou en milieu urbain les préoccupations du citoyen envers leurs collectivités locales sont les mêmes : disposer de services publics locaux de qualité – école avec garderie et restauration, enlèvement et traitement des déchets ménagers, fourniture d'eau potable pure, évacuation des eaux usées –, disposer d'équipements sportifs, culturels, sociaux pour lui-même et sa famille. Voilà ce qu'il attend de la commune où il réside, besoins que cette dernière, compte tenu de ses moyens financiers limités, n'est pas toujours en mesure de satisfaire.

Ces services sont désormais fournis par des structures qui se sont développées depuis vingt-cinq ans sous l'appellation d'intercommunalités, au point de regrouper aujourd'hui 90 % de la population française, quasiment 100 % dans l'Aisne.

Sous des appellations diverses – communautés urbaines, d'agglomération ou de communes –, ces organismes disposent de gros budgets, 28 milliards d'euros, soit davantage que les régions, et le citoyen, qui ne connaît guère ces structures, est toutefois plus sensible à la fiscalité communautaire, dont l'évolution est, depuis plusieurs années, responsable de la hausse de la fiscalité locale. En 2008, les communautés ont décidé un prélèvement fiscal de 17 milliards d'euros, près de deux fois supérieur à celui des régions, 9 milliards, hors TIPP transférée.

En moins d'un quart de siècle, ces organismes, qui ne sont que des groupements de communes, se sont développés au point de devenir compétents dans tous les domaines stratégiques de l'action locale – développement économique, logement, aménagement de l'espace, environnement, équipements sportifs et culturels –, laissant aux communes l'administration générale, c'est-à-dire l'état civil et les élections.

Chaque année, de nouveaux transferts sont décidés en leur faveur, et le texte qui nous est proposé va encore les encourager, au point que de nombreuses communes sont devenues des coquilles vides.

Désormais, on évoque non plus les seules communes mais le bloc communal, à l'intérieur duquel l'intercommunalité pèse un peu plus chaque année : 12 % en 1996, le double en 2008. Quant aux impôts locaux votés par l'intercommunalité, ils représentaient 11 % en 1996, ils représentent 34 % aujourd'hui.

Cette transformation du système local, le citoyen l'ignore pour l'essentiel, parce que ces structures ont un fonctionnement opaque. Elles sont composées de délégués désignés par les conseils municipaux, qui constituent le conseil communautaire. La dimension des conseils communautaires ne favorise pas les débats : en moyenne, ils comptent soixante membres, mais il n'est pas rare qu'ils atteignent quatre-vingts ou cent membres, voire plus. Les réunions se bornent souvent à entériner les décisions prises au sein d'un organisme plus restreint, le bureau.

La composition de ce bureau vise à préserver les équilibres géographiques, entre communes de taille différente, et politiques, entre élus de sensibilités diverses. Il en résulte que les décisions y sont prises le plus souvent de manière consensuelle, voire unanime. Dans ces conditions, l'assemblée communautaire n'a plus qu'à les ratifier, le plus souvent sans débat, puisqu'il n'y a pas matière à débattre.

C'est ce que la Cour des comptes résume dans son rapport sur l'intercommunalité en soulignant que la recherche systématique du consensus est l'une des caractéristiques de la gouvernance communautaire.

Ces séances, bien que publiques, attirent d'autant moins de spectateurs que l'on ignore souvent leur date et leur lieu. Ainsi, le fonctionnement de l'intercommunalité se traduit par une dépolitisation des questions étudiées, alors même qu'elles concernent des enjeux lourds – politique du logement et du développement urbain, par exemple.

Pour ma part, je considère que ce mode de fonctionnement est dangereux pour la démocratie. Éviter les débats politiques, laisser le citoyen dans l'ignorance, réduire toutes les questions à leurs seuls aspects techniques, bref, dépolitiser l'action locale au nom d'une pratique managériale, ne peut qu'éloigner le citoyen de la conduite des affaires publiques.

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