Monsieur le secrétaire d'État, pour justifier votre réforme, vous avez mis en avant la simplification et l'amélioration de la compréhension qu'ont nos concitoyens du fonctionnement des collectivités territoriales. Or la lecture du texte, article après article, montre surtout que vous ajoutez de la complexité à la complexité. C'est particulièrement flagrant pour l'articulation à la carte entre les métropoles, les départements et les régions : dans ces départements dotés d'une métropole, quel citoyen, quel élu saura précisément qui fait quoi ? C'est également le cas pour les communes nouvelles, leurs communes déléguées et le renforcement de l'intercommunalité : quel citoyen saura distinguer ces trois échelons de responsabilités locales ?
Vous souhaitiez que nos concitoyens sachent mieux qui décide de quoi et vous prétendiez que votre texte allait apporter de la clarté. Or il aboutit au résultat inverse, avec son flot de messages complexes, très technocratiques, qui troubleront considérablement les élections de 2014. Vos chiffres sur le nombre de conseillers territoriaux siégeant aux conseils régionaux laissent percevoir une augmentation, alors que vous aviez annoncé une diminution du nombre des élus. En Bretagne, par exemple, les élus siégeant au conseil régional passeront de 83 à 191. Nos concitoyens n'y comprendront rien.
Chacun aura noté que, depuis 2001, les élections locales sont marquées par une forte montée de l'abstention : hélas, vous n'allez qu'amplifier ce phénomène.
Le comble du bricolage électoral est atteint avec la création du conseiller territorial. Vous avez inventé ce nouvel élu en le présentant comme la pièce majeure de votre réforme, décrivant ce que seraient, sur le papier, les avantages de l'interlocuteur unique pour nos concitoyens. J'ai la nette impression que nous sommes face à un montage théorique construit en cabinet, qui sera inopérant et, de surcroît, insupportable pour les élus eux-mêmes.
Tous ceux qui ont siégé dans un conseil général ou un conseil régional – je veux parler de ceux, nombreux, qui y ont vraiment siégé –, tous ceux qui assistent aux réunions des commissions permanentes et thématiques et des comités techniques, tous ceux qui remplissent les obligations liées aux délégations que leur a confiées leur assemblée dans de très nombreuses institutions, tous ceux qui répondent aux nombreuses sollicitations de rendez-vous liés à leur mandat savent qu'il est impossible d'être à la fois conseiller général et conseiller régional, à moins d'exercer ces fonctions à temps plein et de renoncer à toute activité professionnelle. Si tel est le cas, il faut dire clairement que le conseiller territorial nouvellement élu deviendra un professionnel de la politique ou que seuls des professionnels de la politique pourront se présenter à cette élection.
Pourtant, vous êtes très flou sur le statut de ces futurs conseillers territoriaux. Tout juste évoquez-vous une légère augmentation de l'indemnité. Rien n'est dit de leur statut social. Dans ces conditions, en dehors des retraités, qui pourra accepter d'être conseiller territorial à temps plein ? En d'autres termes, qui pourra assumer ce mandat ? Un maire ou un président de communauté de communes qui cumulera les indemnités pour financer lui-même sa protection sociale et qui s'appuiera sur le travail de son cabinet pour faire face aux obligations de pas moins de quatre assemblées délibérantes – municipale, intercommunale, départementale, régionale ?