Je n'ai pas terminé, monsieur le président, il me reste cinq minutes. Empêché, Pierre Cohen m'a demandé d'être son porte-parole ; je vais donc vous donner fidèlement lecture de son intervention :
« D'une manière générale, je fais partie de ceux qui pensent qu'il y a réellement une différence entre la gauche et la droite. Rechercher le consensus à tout prix me semble à la fois inutile et suspect. Je souhaite néanmoins vous dire, monsieur le secrétaire d'État, que, sur ce sujet, il y avait de quoi réaliser une belle et grande réforme.
« Comme François Mitterrand et Gaston Defferre avant vous, vous auriez pu vous inscrire dans la belle histoire de France de la décentralisation, une décentralisation reposant sur une véritable notion de territoire et confirme le rôle de la puissance publique, conçue comme un ensemble État-collectivités territoriales où chacun assume des missions clairement définies, avec une fiscalité adaptée et une démocratie renforcée.
« En lieu et place, et contrairement à ce que vous soutenez, vous vous êtes positionné de manière idéologique, politicienne et à contresens de l'histoire.
« Votre position est idéologique parce que vous voulez réduire le rôle de la puissance publique. Vous le faites de manière systématique pour l'État et vous vous attaquez aujourd'hui aux collectivités territoriales. L'une des avancées les plus marquantes des lois de décentralisation de 1982 a justement été la formidable mutation de la puissance publique : auparavant essentiellement étatique, elle est depuis largement partagée avec les collectivités locales, qui ont assumé, avec compétence et efficacité, de nouvelles missions de service public comme la petite enfance, l'éducation, le transport, le logement, les loisirs, la culture, le sport, l'économie, le social, la lutte contre les exclusions...
« Les villes, les départements et les régions ont assumé ces nouvelles compétences avec des personnels qualifiés et une qualité de service qui n'a rien à envier au secteur privé ni à l'État. Or votre obsession est aujourd'hui de restreindre les ressources des collectivités territoriales alors que l'État n'a de cesse de les faire payer. Vous réduisez leurs capacités en cassant une fiscalité assise sur l'activité économique et qui pèsera désormais sur les ménages. Vous réduisez leurs investissements alors qu'en cette période de crise, ils représentent une partie essentielle du développement local.
« Votre position est non seulement idéologique, mais elle est politicienne. Si l'on analyse le fossé qui existe entre les ambitions du rapport Balladur et le projet de loi, on peut en déduire sans caricaturer que ce dernier a pour objectif essentiel de modifier le mode de scrutin pour deux des trois collectivités territoriales : le conseil général et le conseil régional.
« La création du conseiller territorial semble avoir pour seule ambition de donner à la droite une chance de récupérer des majorités qu'elle perd de plus en plus. Elle ne va pas dans le sens d'une nécessaire évolution de l'élu local. Le même élu cumulera structurellement deux fonctions : celle de conseiller régional et celle de conseiller général. Il pilotera des « super-cantons » au détriment d'une politique régionale globale, cohérente et efficace. Et quand je dis « il », c'est effectivement parce que le mode de scrutin affaiblira la parité.
« Votre position est idéologique, elle est aussi politicienne, mais elle va surtout à contresens de l'histoire. Où se trouve la dimension européenne dans votre projet de loi ? Qu'advient-il des régions, collectivités sans fiscalité propre et qui constituent pourtant un échelon essentiel pour l'aménagement du territoire ? Comment peuvent-elles prendre leur place dans le concert européen ? Face à des collectivités affaiblies, comment l'État pourra-t-il répondre aux défis du XXIe siècle ?
« Vous avez, monsieur le secrétaire d'État, manqué votre rendez-vous avec l'histoire en ne donnant pas aux métropoles les moyens de leurs ambitions.