C'est un grand honneur de m'exprimer devant votre commission et de porter à votre connaissance ces deux documents accompagnant le projet de loi de règlement pour 2009 : l'acte de certification des comptes de l'État ; le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État.
Je retrouve avec émotion et plaisir d'anciens collègues, avec qui j'ai travaillé activement dans les fonctions qui furent les miennes au sein de cette commission. Je salue chaleureusement chacune et chacun d'entre vous. La Cour entretient des relations de confiance avec votre commission, et mon prédécesseur, Philippe Séguin, accordait une grande importance à ces rendez-vous. À l'occasion de ma première audition parlementaire, j'ai une pensée particulière pour lui et je vous prie de croire que je m'efforcerai de contribuer au maintien de nos relations très étroites, dans le respect de la Constitution.
Je suis accompagné de magistrats que vous connaissez bien : MM. Christian Babusiaux, président de la première chambre, Jean-Raphaël Alventosa, conseiller maître à la première chambre, Patrick Lefas, conseiller maître à la première chambre, Emmanuel Belluteau, conseiller référendaire à la première chambre, Brice Blondel, auditeur à la première chambre, et Laurent Zerah, expert à la première chambre.
Ce rendez-vous est le premier d'une longue série qui me permettra, avant l'été, de vous dresser un tableau d'ensemble de la situation des finances publiques françaises. Vous ne m'en voudrez pas si je réponds incomplètement à vos questions aujourd'hui, monsieur le président, car je m'en tiendrai à l'exécution du budget 2009 et à la certification des comptes. J'entretiens le « suspense », comme le faisait Philippe Séguin dans cet exercice, avant de vous présenter, le 23 juin, le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Je rendrai aussi compte du rapport relatif à la certification des comptes du régime général de sécurité sociale à la commission des affaires sociales de votre assemblée. Enfin, la Cour vous adressera, avant l'été, le rapport sur la mise en oeuvre du plan de relance que votre commission a demandé au titre de l'article 58-2 de la LOLF et, début septembre, le rapport que vous avez réclamé à propos des interventions extra-budgétaires.
Tous ces rapports attestent l'étroite relation qui lie la Cour des comptes au Parlement. Mon souhait est d'aller encore plus loin dans l'assistance que nous vous apportons, afin de donner toute sa portée au nouvel article 47-2 de la Constitution. Je m'exprimerai d'ailleurs la semaine prochaine devant votre comité d'évaluation et de contrôle à propos de la manière dont la Cour entend contribuer au développement de l'évaluation des politiques publiques.
L'assistance que la Cour vous apporte dans le contrôle de l'exécution de la loi de finances est, je crois, particulièrement utile cette année. En effet, 2009 a été à bien des égards un exercice exceptionnel, en raison des effets de la crise économique et financière mondiale, et des diverses mesures qui ont été prises par l'État pour en réduire les effets. Les trois résultats financiers de l'État, prévus à l'article 37 de la LOLF, en portent témoignage.
L'exécution budgétaire s'est achevée par un déficit de 138 milliards d'euros, soit deux fois et demi celui constaté en 2008. Celui-ci avait pourtant déjà atteint, avec 56 milliards, un niveau record dans notre histoire moderne. Le déficit 2009 représente près de la moitié des dépenses nettes du budget général, et plus des deux tiers de ses recettes fiscales nettes.
Il est vrai que l'année 2009 a connu une dégradation marquée de la situation économique : alors que le budget avait été préparé sur une hypothèse de croissance du PIB de 1 %, la France a finalement connu une récession de 2,5 %. Cette dégradation conjoncturelle majeure a conduit le Gouvernement à réviser ses hypothèses à plusieurs reprises, imposant une mobilisation exceptionnelle du Parlement mais aussi des administrations pour adapter le budget de l'État. Votre commission a été bien sûr en première ligne tout au long d'une année qui a vu, fait exceptionnel, le vote de trois lois de finances rectificatives, en février, avril et décembre. Signe que cette crise profonde n'est pas terminée, ce rythme inhabituel se poursuit en 2010 : deux lois de finances rectificatives ont déjà été promulguées aux mois de mars et de mai, et une troisième a été déposée devant l'Assemblée nationale le 19 mai dernier.
Première conséquence de la crise économique et financière, les recettes fiscales nettes de l'État se sont effondrées, au point de revenir, à périmètre courant mais en euros constants, à un niveau proche de celui de 1979, alors que, dans le même temps, le PIB augmentait de 68 %. Par rapport à 2008, elles ont diminué de 60 milliards d'euros, dont plus de 24 milliards directement attribuables à la dégradation de la conjoncture.
Seconde conséquence de la crise, pour soutenir l'activité et éviter une aggravation de la récession économique et de ses effets sociaux, le Gouvernement a pris des mesures qui ont réduit les recettes et accru les dépenses.
Au total, les rentrées fiscales ont diminué de 16,3 milliards d'euros, du fait du plan de relance, essentiellement au titre des mesures visant à alléger les besoins de trésorerie des entreprises.
Quant aux dépenses comptabilisées sur la mission provisoire « Plan de relance de l'économie », elles sont estimées à 15,7 milliards d'euros. Ces mesures ont eu bien sûr un effet sur le dynamisme des dépenses nettes de l'État. En prenant en compte la variation du solde des comptes spéciaux, les dépenses nettes ont progressé de 21,5 milliards en crédits de paiement, soit plus 7,7 % par rapport à 2008. Ce chiffrage diffère de celui du Gouvernement, qui calcule l'évolution des dépenses nettes de l'État pour le budget général uniquement, sans intégrer la variation du solde des comptes spéciaux. Or, celui-ci, proche de l'équilibre ou légèrement positif ces dernières années, a connu une dégradation de plus de 8 milliards en 2009, du fait principalement des 6,3 milliards d'euros de prêts consentis aux entreprises du secteur de l'automobile.
En sens inverse, on peut relever l'allègement des intérêts payés par l'État au titre de sa dette, inférieurs de plus de 5 milliards d'euros à ceux acquittés en 2008. Une telle baisse peut paraître paradoxale alors que l'encours de la dette négociable a augmenté de 131 milliards en 2009. C'est que la crise a entraîné une baisse des taux d'intérêt et un ralentissement de l'inflation. Dans ce contexte, l'État a choisi de recourir massivement à des emprunts à court terme.
Au final, la Cour a pu établir que la crise économique et les mesures adoptées pour y faire face ont alourdi le déficit de l'État de près de 63 milliards d'euros par rapport à celui constaté en 2008, soit les trois quarts de son aggravation totale, chiffrée à 82 milliards d'euros.
Néanmoins, le solde budgétaire présenté dans le projet de loi de règlement n'a qu'une signification limitée, car il ne rend pas compte de certaines opérations extrabudgétaires, comme les avances rémunérées souscrites auprès du Crédit foncier de France, et parce qu'il dépend du calendrier des opérations budgétaires, avec les pratiques de report de charges sur l'exercice suivant.
Le résultat de la comptabilité générale de l'État, autrement appelé résultat patrimonial, donne une vision plus complète de la situation économique et financière. L'analyse des comptes permet de dépasser l'horizon annuel de l'autorisation budgétaire. En comptabilité générale, le résultat est en effet exprimé en droits constatés – dès que les dettes et les créances ont acquis un caractère certain –, ce qui permet notamment de mieux appréhender les engagements que l'État devra honorer dans le futur.
Ce résultat patrimonial déficitaire atteste lui aussi l'impact de la crise, puisqu'il a diminué de 28,7 milliards d'euros par rapport à 2008, pour s'établir à moins 97,7 milliards d'euros. Il apparaît toutefois moins dégradé que le résultat budgétaire, en déficit, je le rappelle, de 138 milliards d'euros.
Le solde d'exécution des lois de finances et le résultat patrimonial correspondent à des concepts différents, induisant logiquement de nombreux écarts positifs et négatifs. Par exemple, des dépenses budgétaires d'investissement significatives ne correspondent pas à des charges au sens de la comptabilité générale, mais sont inscrites au bilan de l'État en tant qu'actifs. Ces dépenses accroissent donc le patrimoine de l'État. Ainsi, les 6,3 milliards de prêts aux constructeurs automobiles dans le cadre du plan de relance sont bien des dépenses budgétaires mais figurent à l'actif du bilan de l'État en tant que créances immobilisées.
Il n'en reste pas moins que ce résultat patrimonial en forte dégradation s'explique par la réduction très sensible des produits fiscaux, que j'ai déjà mentionnée, et par la progression de certaines charges, en particulier de transferts aux collectivités et aux ménages.
La situation nette de l'État, qui résulte de la différence entre ses actifs et ses passifs, illustre de manière encore plus significative l'aggravation de la situation financière de l'État. Celle-ci se dégrade en effet de 105 milliards pour s'établir, fin 2009, à moins 723 milliards d'euros.
Cette dégradation très marquée de la situation nette, qui était déjà fortement négative, découle d'une augmentation du passif de l'État de 118 milliards d'euros, due pour l'essentiel à la progression de la dette financière. Cette dernière s'élève, fin 2009, à 1 175 milliards d'euros, en progression de plus de 131 milliards par rapport à 2008. Je précise qu'il s'agit bien de la dette de l'État et non de la dette de l'ensemble des administrations publiques, prise en compte au titre des critères dit « de Maastricht », laquelle s'établit à 1 489 milliards d'euros.
L'augmentation de 13 milliards d'euros de l'actif est principalement liée à la valorisation des immobilisations financières, en hausse de 17,7 milliards d'euros par rapport à 2008. L'essentiel de cette valorisation provient de la quote-part détenue par l'État dans le fonds stratégique d'investissement.
Le résultat du tableau de financement fait apparaître un besoin de financement de l'État sans précédent, de 246,2 milliards d'euros, soit deux fois plus que la moyenne des années 2002 à 2007. Ce besoin de financement a été couvert par l'endettement, l'État faisant le choix d'emprunter de manière croissante à court terme et dans des proportions supérieures à la couverture des variations infra-annuelles du compte du Trésor.
Cette croissance de la dette à court terme, si elle a pu représenter un avantage certain en 2009, présente un double inconvénient : elle renforce la sensibilité de la charge de la dette de l'État à une remontée des taux d'intérêt ; elle réduit pour partie la portée de l'autorisation parlementaire prévue par la LOLF, qui ne porte explicitement que sur la dette à moyen et long terme. C'est pourquoi la Cour recommande instamment d'améliorer l'information du Parlement sur l'évolution de l'endettement à court terme.
Vous l'aurez compris, tous les clignotants budgétaires et financiers sont au rouge. Cela pourrait laisser penser que la dégradation de la situation de nos finances publiques n'est attribuable qu'à la crise économique et aux effets du plan de relance. Ce n'est pas l'avis de la Cour puisque certaines mesures prises avant la crise ont eu des effets en 2009.
Ainsi, les allègements fiscaux consentis en 2007 et 2008 ont engendré des surcoûts de 5,2 milliards d'euros en 2009 : par exemple, le coût de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite « TEPA », a atteint 9,7 milliards d'euros en 2009, soit 2 milliards d'euros de plus qu'en 2008.
En outre, certaines pratiques anciennes, comme l'insuffisante sécurisation des recettes de l'État, ont perduré pendant la crise. De nouvelles mesures fiscales, adoptées en cours d'année, ont généré une baisse des recettes de 1,4 milliard d'euros. Il s'agit principalement, vous l'aurez sans doute deviné, de la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration.
Il n'y a pas lieu, dans le cadre des deux documents que je vous présente aujourd'hui, d'épiloguer sur le caractère surtout conjoncturel ou essentiellement structurel de la dégradation de nos finances publiques, ou d'en apprécier la soutenabilité. La Cour en tirera les conclusions dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.
Le panorama que je viens de dresser est sombre, j'en conviens. Il ne doit pas masquer les progrès accomplis par l'État, d'une part dans l'exécution de son budget, d'autre part pour fiabiliser les comptes.
S'agissant de l'exécution budgétaire, l'exercice 2009 a été marqué par l'apurement d'une partie importante des dettes de l'État à l'égard de la sécurité sociale, pour un total de 3,8 milliards d'euros ; cette mesure a été principalement financée grâce à la diminution de la charge payée au titre des intérêts de la dette. De même, le recours à des ressources extrabudgétaires pour financer des charges du budget de l'État a été réduit ; ainsi, les avances souscrites auprès du Crédit foncier de France pour financer les primes d'épargne logement ont diminué de 300 millions d'euros par rapport à 2008. Enfin, les reports de charges sur l'exercice suivant ont été divisés par plus de deux par rapport à 2008.
La fiabilité et la qualité du compte général de l'État ont incontestablement progressé en 2009, même si la Cour certifie les comptes de l'État pour l'exercice 2009 avec neuf réserves, dont huit que nous considérons comme substantielles, j'y reviendrai. Ces progrès sont l'aboutissement des efforts importants consentis par l'administration pour résoudre des difficultés, dont certaines étaient pendantes depuis plusieurs années.
La Cour a donc décidé de lever trois réserves formulées sur les comptes de 2008, qui portaient respectivement sur la justification des comptes de trésorerie, les participations de l'État dans les principaux fonds multilatéraux, y compris le FMI, et la comptabilisation des actifs sous-jacents des contrats de concession de service public. Cette dernière réserve représente à elle seule un enjeu financier massif, plus de 130 milliards d'euros, au titre des concessions autoroutières, ferroviaires et aéroportuaires. Leur comptabilisation montre qu'il est possible de faire prévaloir le principe d'image fidèle, dès lors que l'on prend le temps de discuter et de s'expliquer.
D'autres progrès importants ont été accomplis mais leur portée ne permet pas encore de lever les réserves substantielles auxquelles ils se rattachent. Le déploiement des dispositifs ministériels de contrôle interne se poursuit dans le cadre d'une méthodologie d'analyse et de maîtrise des risques comptables stabilisée et partagée. La tenue par le ministère de la défense de la trajectoire triennale de fiabilisation de ses actifs mérite d'être saluée ; le recensement des immobilisations et des stocks a été significativement étendu et une méthode fiable de valorisation des immobilisations est en cours de mise en place. Ce ne sont là que deux exemples ; il y en a d'autres, mentionnés dans l'acte de certification qui vous a été transmis.
Des améliorations ont également été apportées à l'annexe aux comptes, qui a été auditée par la Cour. Ce document fournit un ensemble d'informations utiles pour analyser la soutenabilité des finances de l'État et contribuer à leur pilotage et à leur contrôle. Elle gagnerait donc à être davantage utilisée par le Gouvernement ; permettez-moi de dire qu'elle pourrait l'être aussi par le Parlement. Par exemple, à la demande de la Cour, l'annexe présente des projections sur les dépenses et les recettes futures du régime de retraite de l'État ; son besoin de financement cumulé est évalué à 333 milliards d'euros à horizon 2050. Autre exemple, l'administration a accepté d'intégrer dans l'annexe une valorisation du stock des déficits reportables : il s'élève à 279 milliards d'euros et se traduira, à terme, par une perte de 50 milliards d'impôt sur les sociétés.
Ces résultats encourageants valident le bien-fondé de l'approche adoptée par la Cour et l'utilité de la démarche de certification. La certification avec réserves des comptes de l'État permet à la Cour d'accompagner la réforme comptable plutôt que d'en sanctionner l'inachèvement. Cette stratégie, pour être constructive, supposait que des progrès importants soient constatés au terme de chaque exercice, ce qui a été le cas.
En trois ans, huit réserves substantielles ont pu être levées, même si de nouveaux problèmes sont apparus entre-temps. Je souhaite que d'autres difficultés soient résolues dès le prochain exercice. Ce résultat est accessible, pour peu que l'administration se donne les moyens d'aller au bout d'une démarche exigeante et qui a déjà fortement mobilisé ses services.
La certification n'est pas un exercice purement intellectuel, déconnecté des réalités économiques ou de la situation financière de l'État. Bien au contraire, il s'agit d'un outil central pour faire progresser la sincérité et la transparence des comptes publics ; à l'heure où la fiabilité des comptes de certains États membres de la zone euro est mise en cause, c'est une question essentielle. L'acte de certification permet d'apporter une assurance raisonnable sur la conformité des états financiers de l'État à un ensemble de règles et de principes. Il prévient ainsi les risques de manipulation des comptes. La France est un des rares pays de la zone euro où les comptes de l'État sont certifiés. J'entends oeuvrer, dans les enceintes de coopération européenne pertinentes, pour une meilleure diffusion de cette démarche. Je suis aussi de ceux qui pensent que les gouvernements devraient davantage s'intéresser à l'idée de normes établies par des comités d'experts et dont le non-respect peut entraîner des conséquences en matière de notation.
Des marges de progression importantes demeurent pour assurer le pilotage du budget de l'État et la régularité de son exécution, tout comme la fiabilité et la sincérité du compte général de l'État. Dans ces deux domaines, un des enjeux principaux est la refonte et l'adaptation des systèmes d'information financière et comptable de l'État, dans le cadre du progiciel Chorus.
Il s'agit là d'un sujet d'inquiétude majeur pour la Cour : cela a motivé l'envoi au premier ministre, en début d'année, d'un référé, qui vous a été communiqué. Vous connaissez le coût important de cet ambitieux chantier et l'ampleur des réorganisations qu'il implique, en vue d'assurer une bascule au 1er janvier 2011.
La Cour est aussi inquiète de la fiabilité des données qui seront entrées et véhiculées dans Chorus. Le paramétrage semble trop permissif, avec des carences dans la tenue des engagements de l'État vis-à-vis des tiers. En outre, les travaux de conception de son coeur comptable sont insuffisamment avancés, ce qui a déjà conduit à reporter à 2012 la tenue de la comptabilité générale de l'État dans ce progiciel.
Des progrès sont également souhaitables pour assurer une meilleure maîtrise du budget de l'État. Ce dernier se fixe depuis plusieurs années un objectif, une norme de progression des dépenses, destinée à encadrer la préparation du budget puis à mettre sous tension les gestionnaires ministériels lorsqu'ils consomment des crédits. Mais les conditions dans lesquelles l'État utilise cette norme pour rendre compte de l'exécution des dépenses ne sont pas satisfaisantes. Malgré l'élargissement de la norme aux prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales, qui avait été demandé par la Cour, cet outil demeure insuffisant pour assurer un pilotage global des différentes modalités d'intervention de l'État. Une part importante des dépenses reste exclue de la norme, notamment pour une grande partie des comptes spéciaux.
La Cour propose donc que soit mis en place un outil complémentaire. Cela permettrait de mieux suivre l'évolution des remboursements et dégrèvements d'impôts, qui ont atteint 112 milliards d'euros en 2009, et le dynamisme des dépenses fiscales, qui en est la principale source. Les dépenses fiscales ont augmenté de 6,2 % par rapport à 2008, au lieu des 4,8 % affichés en loi de finances initiale, hors plan de relance. La Cour recommande de mettre sous norme non pas l'intégralité de ces dépenses et financements mais la part qui se substitue à des crédits budgétaires.
Cela ne dispense pas d'une réflexion sur la maîtrise des dépenses fiscales ni d'une évaluation systématique de leur efficacité, qui constitue l'une des priorités de la Cour. Je souhaite que nous contribuions, le 23 juin, à clarifier les dépenses fiscales, qui recouvrent des réalités différentes et auxquelles il arrive parfois, d'une année à l'autre, de devenir un mode de calcul de l'impôt. Il importe de préciser leur définition et leur périmètre.
La gestion des autorisations d'engagement, qui devait permettre une approche pluri-annuelle et favoriser un rapprochement de la comptabilité générale et des opérations budgétaires, est également déficiente. Un certain nombre de programmes ne consomment pas ces autorisations, alors que des engagements juridiques ont été pris. C'est donc qu'il n'existe pas encore de véritable comptabilité des engagements juridiques de l'État, contrairement à l'objectif de la LOLF, et que le contrôle interne continue de faire défaut en la matière.
Enfin, l'exécution budgétaire aura été marquée par la persistance de plusieurs entorses aux principes budgétaires, dont l'ampleur reste toutefois limitée et qui sont plutôt moins nombreux que les années précédentes. Vous les connaissez : sous-budgétisations, reports de charges ou anticipations de dépenses, usage inapproprié des comptes spéciaux, ordonnancement de crédits non disponibles, compensation des recettes et des dépenses.
L'exercice 2009 aura également connu un doublement des dépenses effectuées en période complémentaire, ce qui, à la veille de la suppression de cette période, est pour le moins regrettable. La Cour suggère d'avancer le calendrier de vote de la dernière loi de finances rectificative de l'année, afin de permettre l'exécution des dépenses avant le 31 décembre. Ce n'est pas la première fois que nous formulons cette recommandation ; nous souhaitons ne pas avoir à y revenir trop souvent !
En matière de qualité de la comptabilité générale, des améliorations substantielles restent également à réaliser. Le volume des ajustements passés dans les comptes à la demande de la Cour illustre à lui seul le chemin restant à parcourir pour que les états financiers soient conformes au référentiel comptable qui leur est applicable : plus de 10 milliards d'euros sur le solde des opérations de l'exercice et près de 64 milliards sur la situation nette de l'État.
Même à l'issue de ces corrections, un certain nombre de désaccords et de limitations persistent, qui nourrissent les neuf réserves maintenues par la Cour sur les comptes de l'exercice 2009. Entendons-nous bien : si la fiabilité et la sincérité des comptes de l'État ont indéniablement progressé, des marges importantes demeurent pour atteindre le haut niveau d'exigence attendu par la Cour.
Le détail figure dans l'acte de certification qui vous est remis et dans la synthèse jointe, je ne reviens donc pas sur l'énoncé des motivations qui les fondent. Celles-ci continuent de concerner, avec un degré de gravité variable, l'ensemble des postes du compte de résultat et du bilan, ainsi que la qualité de l'information fournie en annexe.
Si l'année 2009 a été marquée par une plus grande fiabilité des comptes de l'État et une plus grande régularité dans l'exécution de son budget, la situation financière s'est à tous égards très sensiblement dégradée par rapport à 2008. La Cour entend jouer un rôle majeur, aux côtés du Parlement et du Gouvernement, pour redresser la situation de nos finances publiques. La nécessité de ce redressement fait aujourd'hui consensus, même si son rythme et ses modalités font à juste titre débat. Nous reviendrons sur ces questions dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.
L'année prochaine, dans le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État pour l'exercice 2010, nous nous efforcerons d'accorder davantage de place à l'appréciation de la performance de la gestion. Sur ce point, de très riches informations vous sont déjà communiquées dans le cadre des notes d'exécution budgétaire et des notes d'analyse de programme. La Cour doit systématiser cette approche et mener, sur plusieurs années, une véritable revue de l'ensemble des programmes budgétaires. Nous souhaitons que le Parlement puisse s'appuyer sur ces notes, notamment lorsqu'il examine les projets de loi de règlement.
En 2011, nous fêterons un double anniversaire : les dix ans de la promulgation de la LOLF et les cinq ans de son entrée en vigueur. À cette occasion, en plus de son rapport annuel sur les résultats et la gestion budgétaire et de l'acte de certification des comptes de l'État pour l'exercice 2010, la Cour rendra public un rapport sur l'application de la LOLF. Ce document examinera les avancées à mettre au crédit de cette réforme majeure mais également ses limites, puisque lui échappent en particulier les interventions de l'État prenant la forme de dépenses fiscales, celles effectuées via des opérateurs de l'État ou encore celles reposant sur la mobilisation d'outils extérieurs au budget.
Les rapports que je vous présente aujourd'hui soulignent que toutes les conséquences des innovations induites par la LOLF n'ont pas encore été tirées ; j'espère donc que cette contribution sera utile. Elle constituera la première marche d'un dispositif plus ambitieux d'évaluation des politiques publiques, qui donnera à la Cour les moyens de mieux appréhender leurs enjeux et leur efficacité.