Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après le texte sur le Grand Paris, adopté hier après-midi, et la réforme remplaçant la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale, votée en loi de finances initiale pour 2010, il me paraît nécessaire de dénoncer, à l'occasion de l'examen du projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, la volonté bien réelle de ce pouvoir de mettre en oeuvre une vaste opération de recentralisation.
Pourtant, depuis près de trente ans, les Français ont pu mesurer les effets positifs de la décentralisation sur leur vie quotidienne, notamment au regard de la qualité des services publics et de la proximité. Sans la décentralisation, que serait en effet le transport ferroviaire régional ? Où en serait l'apprentissage ? Dans quel état seraient nos lycées et nos collèges ?
Par les lois de décentralisation – celles de 1982 et 1983, initiées par Pierre Mauroy, puis celles de 2003, voulues par Jean-Pierre Raffarin, qui fit même inscrire dans la Constitution que la France est une République décentralisée –, le pouvoir, au travers de transferts de compétences, a été donné aux élus locaux. Ces élus sont les mieux placés pour dessiner l'avenir de leurs territoires, eux qui, chaque jour, se confrontent à l'épreuve du terrain, sont à l'écoute de leurs concitoyens et sont les plus compétents pour décider des projets à entreprendre et des mesures à mettre en oeuvre.
Bien entendu, comme le Gouvernement ne peut pas reprocher à ces collectivités territoriales de réaliser près de 75 % des investissements publics ou d'être bien meilleures gestionnaires que l'État – leur dette est dix fois moins importante que la sienne –, il stigmatise les élus, qui seraient trop nombreux et coûteraient trop cher. Par son projet de loi, il propose d'affaiblir les collectivités territoriales face au pouvoir d'État et d'opérer ainsi une recentralisation. Ainsi que l'indiquait Pierre Mauroy, « qui peut croire que le futur corps hybride des conseillers territoriaux, appelés à remplacer les conseillers généraux et régionaux, pourra faire vivre dans le même mouvement ces deux assemblées aux compétences et à l'esprit différents ? Ni l'une ni l'autre n'en sortiront indemnes. »
Il est à craindre que les centralisateurs ne soient à l'oeuvre pour mettre en cause le schéma territorial français, composé de deux niveaux fondamentaux : le premier, celui de la stratégie, va de l'Europe à la région, en passant par l'État ; le second, celui de la proximité, va du département à la commune, en passant par les intercommunalités. Or, vous allez faire de la région un congrès de départements. Ainsi, vous écrirez l'histoire à l'envers, revenant trente-cinq ans en arrière, à l'époque des établissements publics régionaux.