Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, nous sommes ici depuis plusieurs jours en tant qu'élus locaux et nationaux. Nous avons tous à peu près le même parcours et nous essayons de trouver un mode d'organisation de nature à redonner de l'élan à un pays qui n'en a plus et qui se trouve confronté à des difficultés – nous les ressentons tous.
La France est un pays singulier qui réunit des peuples, des patries et des nations, ce qui a sans doute fait beaucoup pour son universalisme. Après l'Ancien Régime et la Révolution, elle a institué l'État comme élément de référence absolue pour tous ses citoyens, car l'État, symbole de l'égalité des chances, pouvait envoyer des instituteurs dans tous les villages, fussent-ils petits. Les Français ont cru, même s'ils ont été très réticents, que c'était une bonne chose que nos Constituants forgent un territoire de destins.
Dans le même temps, il y a la contrepartie historique de l'apport des provinces. Les provinces ont en effet apporté depuis toujours, sans jamais y renoncer, pas plus que les commissaires de la République, leur part d'identité emportant avec elle toute la résonance de nos territoires ancestraux. Le mariage des deux s'est avéré plutôt réussi au cours des deux cents dernières années. Nous avons en effet surmonté deux guerres mondiales tragiques – et la troisième qui l'était presque autant…
Aujourd'hui, nous connaissons à nouveau une période très difficile. N'étant pas aussi expert que la plupart d'entre vous de la question dont nous débattons aujourd'hui, je suis obligé de suivre un plan simple.
D'abord, je crois que nous ne savons plus qui nous sommes, nous, les élus, et ce que nous représentons aux yeux de nos concitoyens. Je l'ai encore vérifié à l'occasion de ma campagne pour les élections régionales au cours de laquelle j'ai eu l'honneur de me mesurer à M. Rousset. Je n'ai constaté chez nos concitoyens ni méchanceté ni agressivité à notre égard, comme cela a pu arriver à d'autres moments. Lorsque je les rencontrais sur le marché, par exemple, ils manifestaient une certaine indifférence, me considérant comme un mal nécessaire. Quant aux jeunes, ils me demandaient tous de leur donner des raisons de voter !
Si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est d'abord pour tenter de faire quelques économies. Notre grand pays, pour de multiples raisons qui lui sont propres, et parce que le monde a complètement basculé au cours des trente dernières années, a perdu le fil de son histoire. Nous avons complètement perdu le contrôle de la finance, qui est aujourd'hui entre les mains d'une mafia internationale. Il est totalement incompréhensible, pour quelqu'un qui réfléchit un tant soit peu, que les États les plus riches de la planète soient les plus endettés. Nous n'avons pas un sou devant nous. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, nous avons perdu l'initiative, que nous avons abandonnée à une technostructure. Nous avançons au rythme du PIB et des taux de change !
Ce n'est pas plus la faute d'un gouvernement que d'un autre, car ils ont été nombreux à se succéder. Je suis à peu près certain que, dans l'état de dépendance qui est le nôtre, ceux qui protestent aujourd'hui contre cette loi, monsieur le secrétaire d'État, pourraient l'avoir proposée – car, malheureusement, je ne crois pas que nous en soyons à l'initiative. Ce que je souhaite, c'est que notre grand pays, en prenant langue avec l'Allemagne, l'Angleterre et les États-Unis, tous dans l'embarras comme nous, décide de mesures fortes nous permettant de reprendre en mains ses finances. Il est anormal que les choses les plus élémentaires de la vie passent aujourd'hui par l'intermédiaire de groupes privés. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas aimé toutes ces lois se succéder ; elles ne semblaient pas avoir de fil conducteur et nous ont conduits à de grandes difficultés. Je n'ai pas aimé non plus que nous modifiions la Constitution, qui, à force de révisions, ne représente plus à mes yeux ce qu'elle devrait représenter.
Nous sommes arrivés, contre toute attente, à réveiller deux morts, qui se sont révélés être deux survivants tragiques : nous avons croisé le capitalisme américain avec la technocratie soviétique (Rires), avec une double tentation, aussi féroce d'un côté que de l'autre : la concentration humaine toujours plus forte – problème mondial, non spécifiquement français – et une espèce de démission qui conduit à la désertification de pans entiers de nos territoires. Notre problème est là.
Cet état de fait nous amène à appréhender cette loi sans enthousiasme, même si je reconnais, monsieur le secrétaire d'État, que vous n'avez pas ménagé votre peine, non plus que vos collègues et que notre rapporteur. Comment pourrait-il y avoir de l'enthousiasme chez nos concitoyens, alors que nous disons nous-mêmes que ce que nous faisons ici aujourd'hui, nous le déferons dans deux ans ? Comment voulez-vous qu'ils s'y retrouvent ? Je pense qu'il faudrait pouvoir remettre l'État à sa place afin qu'il puisse jouer son rôle de modérateur, donner à tous l'égalité des chances et se montrer capable d'intervenir dans les secteurs les plus retirés, sans pour autant les transformer en parcs nationaux.