J'ajoute que si la disparition des départements constitue l'aboutissement final de cette réforme - que beaucoup ont déjà esquissé -, les groupements de communes, mêmes renforcés, auront les pires difficultés à trouver auprès des régions des interlocuteurs comparables à ceux que sont aujourd'hui pour eux les départements. Du dialogue suivi, on passera à l'anonymat.
Un autre aspect de cette inadéquation de la réforme tient aux conditions d'émergence des nouvelles métropoles. On ne peut sans doute pas contester l'existence d'une compétition nouvelle entre grandes métropoles à l'échelle de l'Europe, ni refuser la nécessité de donner un cadre aux agglomérations qu'elles vont rassembler. Mais même si la commission des lois a fait preuve de sagesse en laissant l'initiative aux communes, le projet de loi donne le sentiment de ne pas être allé jusqu'au bout des véritables questions.
D'abord parce qu'il est clair que deux logiques vont inévitablement s'opposer : celle des métropoles et celle des régions. Prenons les compétences économiques, lorsqu'elles sont attribuées aux métropoles : les élus de la métropole seront seuls à décider dans ce domaine, en dehors de la région. Par contre, sur les enjeux économiques de la région, hors métropole, les conseillers territoriaux venus de la métropole auront la possibilité de se prononcer. Ces rapports inégaux seront-ils compatibles avec le principe d'autonomie des collectivités territoriales ?
D'autre part, quel sera demain le cadre prioritaire de la politique d'aménagement du territoire ? Jusqu'ici, ce sont les contrats de plan, puis les contrats de projets État-région qui en étaient le cadre le plus déterminant. La prééminence de plus en plus donnée aux métropoles, que ce soit dans la réorganisation des services de l'État et dans le cadre de la RGPP, dans la mise en place des pôles de compétitivité et des pôles de recherche et d'enseignement supérieur, ou encore dans la réorganisation des réseaux consulaires, laissera-t-elle une place aux politiques des territoires ? La régionalisation le garantissait. La métropolisation le rend plus qu'aléatoire. Les avantages financiers accordés aux métropoles, notamment en matière de DGF, ne le seront-il pas au détriment des départements, confrontés aux problèmes de compensation des charges transférées et au retard apporté à la mise en oeuvre de la cinquième branche dépendance ; au détriment des villes et agglomérations moyennes, affaiblies dans leur stratégie par la réforme de la taxe professionnelle ; au détriment des communes, qui seront privées dès le seuil de 3 500 habitants de la conjonction des subventions départementale et régionale ; au détriment enfin de territoires ruraux qui auront de plus en plus de difficultés à mobiliser les fonds structurels européens ou les fonds de revitalisation rurale ?