La réforme risque ainsi de renforcer les logiques de professionnalisation politique, de notabilisation et de concentration du pouvoir local. Elle restaure, en outre, un cumul de mandats d'un nouveau type : le cumul obligatoire.
Élu dans un cadre infra-départemental, le conseiller territorial sera peu enclin à dégager un intérêt général régional et à s'affranchir d'une vision purement localiste des problèmes et des enjeux.
Cette réforme implique également le redécoupage des cantons. Là encore, nous sommes dans le flou absolu et donc le risque d'arbitraire. L'illustration nous en a été donnée pas plus tard qu'hier en commission des lois, lorsqu'elle s'est réunie en application de l'article 88 du règlement : nous avons découvert un amendement du Gouvernement sous forme de tableaux répartissant par département et par région l'effectif des conseillers territoriaux, répartition qui n'a fait l'objet d'aucune discussion et qui recèle quelques perles.
Prenons un exemple : le département des Ardennes élira trente-deux conseillers – pourquoi trente-deux ? on n'en sait rien – pour 280 000 habitants, au lieu de trente-sept conseillers généraux aujourd'hui. Il élira donc un conseiller pour 9 000 habitants. Le département du Pas-de-Calais, qui compte 1 500 000 habitants élira soixante conseillers, soit un pour 25 000 habitants. Où est la justification d'une telle différence, où est la cohérence ?
Pour les régions, les différences sont encore plus flagrantes. La région Champagne-Ardenne se voit doter de 138 conseillers territoriaux pour 1 340 000 habitants, alors que la région Nord-Pas-de-Calais en aura 136, deux de moins, pour plus de 4 millions d'habitants, soit un rapport de un à quatre.
Si je reprends le cas du département des Ardennes, s'il ne perd « que » cinq conseillers, cela est dû, et vous le savez, à un problème politique. Tout le sud du département est rural et donc très favorable à l'UMP. Aussi est-il indispensable de préserver les élus UMP et de découper au minimum les cantons ruraux. Voilà la vraie raison de ces bizarreries. Et c'est le cas partout. Monsieur le secrétaire d'État, c'est un véritable scandale. Mais vous êtes habitué à ce genre de manipulations.
Le rapprochement du département et de la région, dans leur fonctionnement et dans la définition d'une stratégie commune, est un non-sens. Si couple il y a, et même ménage à trois, ce serait, d'une part, l'ensemble commune, intercommunalité et département, qui sont des collectivités de proximité organisant les solidarités, et de l'autre, l'ensemble formé par les régions, l'État et l'Europe, organisant les grands équipements et définissant une stratégie de développement.