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Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 26 mai 2010 à 21h30
Réforme des collectivités territoriales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dussopt :

Mon collègue Emmanuelli voit loin.

Tout a commencé d'ailleurs par le décor que le Gouvernement a installé pour justifier sa réforme.

Mois après mois, nous avons entendu que les collectivités étaient dépensières, les élus trop nombreux et les citoyens perdus dans les méandres de la politique locale. La communication du Gouvernement fonctionnait à plein et ses relais parlementaires, voire partisans, disaient tous la même chose sans craindre d'être leur propre caricature.

Ils disaient deux choses en réalité. D'une part, ils se posaient comme les pourfendeurs du mille-feuille administratif – il fallait simplifier, supprimer, rationaliser. D'autre part, ils accusaient les élus d'être trop nombreux, trop payés, trop dépensiers. L'évidence s'imposait alors avec la facilité des arguments les plus simplistes mais aussi à l'aide des réflexes les plus populistes à l'égard de la classe politique.

La réalité est tout autre. D'abord, nous l'avons dit, le texte n'est pas à la hauteur des ambitions proclamées. Ensuite, et surtout, la situation des collectivités locales n'est pas celle décrite.

Le Gouvernement a voulu, et veut encore, rendre les collectivités locales coresponsables de la faillite des comptes publics. C'est faux.

Il faut rappeler, et nous le ferons inlassablement, que, contrairement à l'État, les collectivités ne peuvent pas voter de budget en déséquilibre. Il faut rappeler aussi que, lorsque les collectivités empruntent, ce n'est pas pour boucler leur budget de fonctionnement mais pour financer des projets, et qu'ainsi ces emprunts sont gagés sur des investissements, des équipements, des matériels appartenant à tous.

Les collectivités sont bien gérées dans leur immense majorité et les quelques cas qui peuvent poser problème sont traités par les chambres régionales des comptes. Les collectivités non seulement respectent ces principes de bonne gestion mais elles représentent 75 % de l'investissement public et participent grandement, à ce titre, au maintien de l'activité économique dans notre pays.

Il faut rappeler aussi que la dette des collectivités ne représente que 10 % de la dette publique et que l'argument consistant à dire qu'elles sont coresponsables de la faillite des comptes publics ne tient pas.

La vraie réforme des collectivités locales n'est pas forcément dans ce projet de loi, elle est plutôt dans les réformes en cours, plus brutales encore, des moyens dont disposent les collectivités.

Elle est dans la réforme de la taxe professionnelle adoptée à l'occasion de l'examen du budget de 2010 et à propos laquelle les élus locaux sont encore très inquiets, nous l'avons entendu cet après-midi encore.

Elle est dans l'évolution inquiétante des dotations attribuées aux collectivités en compensation des charges transférées, évolution qui se traduit par la quasi-faillite de nombre de conseils généraux de toutes les sensibilités politiques.

Elle aurait pu être, ce n'est malheureusement pas le cas, dans la mise en place d'un vrai système de péréquation horizontale et verticale entre les collectivités territoriales et l'État.

Elle est enfin, et je veux m'arrêter un instant sur ce « coup de grâce » comme l'a qualifié mon collègue Claude Bartolone, dans la réforme brutale et sans aucune concertation des dotations de l'État aux collectivités locales. Je parle là des conclusions de la conférence de la dette publique qui s'est tenue jeudi 20 mai.

Je passe sur la volonté d'inscrire une orientation politique dans la Constitution pour garantir le maintien par le droit d'une politique qui pourrait être sanctionnée par les urnes, et j'en viens aux questions concernant ces dotations.

Le terrain avait été préparé par le rapporteur général du budget et la conférence a confirmé la volonté du Gouvernement de geler, en valeur, les dotations de l'État aux collectivités.

C'est un coup de grâce car cela va se traduire par une baisse de leur capacité à agir alors que les prix augmentent toujours. L'Association des maires de France a bien montré que le coût du « panier du maire » augmentait plus vite que le coût de la vie calculé selon l'indice INSEE. Au-delà de la visée politique visant à espérer, une fois encore, un transfert de l'impôt national vers l'impôt local, il y a là un vrai risque pour les collectivités et pour l'activité économique. À dotations constantes, la capacité à épargner des collectivités sera altérée, c'est une évidence, et avec elle leur capacité à investir.

Pire, nous avons vu apparaître dans les propos et dans le communiqué de la Présidence de la République l'idée de la péréquation mais elle n'est là que pour servir d'alibi et de caution morale à une forme de malthusianisme politique dans le partage d'une enveloppe budgétaire figée. Mieux encore, le Président de la République a évoqué une modulation en fonction de critères de « bonne gestion ». Lorsqu'on connaît son appréciation des compétences pour les nominations à des emplois publics, lorsqu'on connaît sa pratique du pouvoir, qui peut parfois être partisane, il y a tout lieu de s'inquiéter quant à la définition de ces critères de bonne gestion.

Au-delà de ces craintes, il ne faudrait pas que ces critères soient en réalité une façon d'imposer une RGPP locale et généralisée à toutes les collectivités, là encore au mépris de la libre administration.

Je ne peux m'empêcher de revenir à cette idée d'une politique locale low cost, surtout lorsqu'on sait qu'une des contreparties à cette cure d'austérité serait un moratoire pour l'application des normes contraignantes, en matière d'environnement ou d'accessibilité par exemple.

Je vais en terminer, monsieur le secrétaire d'État, en vous faisant part de notre déception. Au-delà de notre opposition au conseiller territorial, au renforcement du rôle du préfet dans un certain nombre de processus et à une forme de recentralisation, à la création de couches administratives supplémentaires avec les métropoles, nous aurions pu espérer que ce texte soit celui d'une vraie clarification des compétences et d'un meilleur aboutissement de la décentralisation. Cela aurait pu être une vraie réforme autour des idées de péréquation, d'autonomie et de libre administration.

Au lieu de cela, nous avons le sentiment d'examiner un texte dont plus personne ne veut vraiment, qu'il faudrait adopter au plus vite mais qui, en même temps, poursuit un double objectif, politique avec une forme de revanche post-électorale, et idéologique avec cette volonté de toujours réduire le périmètre et la qualité de l'intervention publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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