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Intervention de Jean Mallot

Réunion du 26 mai 2010 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Mallot, rapporteur :

À travers ce rapport, qui a été intitulé « Mieux gérer pour mieux soigner », la MECSS s'est intéressée au fonctionnement de l'hôpital, ce qui n'est pas étonnant lorsque l'on sait que ce secteur représente environ la moitié des dépenses d'assurance maladie. Ces travaux interviennent dans le contexte de l'application progressive de la tarification à l'activité depuis 2004 et de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et au territoire, deuxième élément structurant, qui n'est toujours pas complètement en application puisque tous les textes réglementaires n'ont pas été publiés, même si les agences régionales de santé ont été mises en place, le 1er avril 2010. À cet égard, la mission d'évaluation et de contrôle a considéré qu'il s'agit d'une loi de la République et qu'il ne convenait donc pas de refaire le débat sur ses dispositions ; il sera temps, dans deux ou trois ans, d'en faire l'évaluation et de voir notamment si certaines craintes étaient justifiées. Les travaux de la mission d'évaluation s'inscrivent donc dans ce cadre législatif.

La MECSS a, par ailleurs, suivi une méthode un peu nouvelle, en s'intéressant à un cas particulier, le Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, qui a été choisi pour plusieurs raisons, et notamment parce qu'après l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, il s'agit du plus gros centre hospitalier d'Île-de-France, résultant d'une fusion de deux établissements, intervenue en 1997, qui n'a jamais vraiment été appliquée, et qu'il concentre plusieurs dysfonctionnements liés notamment à des manquements humains, à des insuffisances des outils de pilotage et du système de facturation et même à des irrégularités aux règles régissant les marchés publics. Son déficit représentait, en 2007, environ 17 % du budget annuel, ce qui constitue une forme de record.

Cet établissement fait l'objet de quatre démarches : une procédure interne de redressement de ses comptes, une démarche judiciaire – le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ayant, après avoir constaté que sur un échantillon de dix-neuf marchés publics étudiés de manière approfondie par une mission d'inspection qu'il avait diligenté, quinze marchés étaient entachés d'irrégularités, saisi le Procureur de la République en novembre dernier – , une mission en cours de l'Inspection générale des affaires sociales et les travaux de la MECSS.

Nous avons essayé d'identifier des caractéristiques de gestion communes à d'autres établissements et les spécificités du Centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye. En vue de formuler des préconisations visant à améliorer le fonctionnement des établissements publics hospitaliers, nous avons entendu en particulier des représentants de la Cour des comptes, d'autres établissements de santé, d'agences – en particulier, la Haute Autorité de santé et l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux – des représentants du personnel ainsi que de l'Inspection générale des affaires sociales.

Il convient tout d'abord de rappeler que le service public hospitalier représente les deux tiers de l'activité hospitalière et que le secteur privé représente environ la moitié de l'activité de chirurgie et que l'activité hospitalière est marquée par la diminution de la durée moyenne des séjours. Enfin, les établissements publics de santé s'inscrivent dans un cadrage financier visant un retour à l'équilibre en 2012. Le déficit des établissements publics de santé représente environ 500 millions d'euros et environ 1 % des produits, ce qui n'est pas gigantesque au regard de l'inversion de tendance constatée en 2008. A priori, cet objectif ne paraît pas hors de portée. Mais, aujourd'hui, cet objectif de retour à l'équilibre s'inscrit dans un contexte budgétaire peu porteur de déficit de l'Assurance maladie, qui devrait être supérieur à dix milliards d'euros cette année, et des perspectives pessimistes d'évolution de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM). On peut donc légitimement s'interroger sur la réalisation de l'objectif fixé de retour à l'équilibre de tous les établissements en 2012. Si l'évolution de l'ONDAM est insuffisante, les hôpitaux seront placés dans une situation intenable.

Par ailleurs, si l'objectif ultime est d'assurer des soins de qualité, on ne peut se désintéresser de leur coût et il convient, en conséquence, de chercher à améliorer l'efficience médico-économique des établissements. À cet égard, on peut rappeler que si, en 2008, 40 % des établissements demeuraient en déficit, les centres hospitaliers régionaux et universitaires concentraient 70 % du déficit global. Par ailleurs, l'augmentation de l'endettement des établissements fragilise leur situation financière.

Dans son rapport sur la sécurité sociale de 2009, la Cour des comptes a fait apparaître des disparités dans la répartition des moyens pour produire les soins, qui varie par exemple de 1 à 5 en maternité, de 1 à 8 pour la chirurgie orthopédique et jusqu'à 1 à 10 en pneumologie dans l'échantillon des établissements ayant fait l'objet de son étude. Deux questions se posent alors. Ces différences sont-elles justifiées ? Quel est leur impact sur la qualité du service médical rendu ?

S'agissant des préconisations, qui concernent un secteur d'activité essentiel et vaste, il convient tout d'abord d'améliorer le pilotage médico-économique des établissements. Au niveau national, des réformes ont été engagées. Ainsi, la création de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) marque une volonté de sortir de « l'hospitalo-centrisme », mais il est encore nécessaire de clarifier les compétences de la nébuleuse d'organismes qui gravitent autour d'elles, tels que l'Agence des systèmes d'information partagés (ASIP Santé), l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, le conseil général des établissements de santé et l'Inspection générale des affaires sociales qui font tous de l'audit mais qui sont amenés, tellement l'organisation est complexe, à devoir passer entre eux des conventions de partenariat pour coordonner leurs actions. Leurs travaux doivent notamment consister à élaborer des référentiels de bonne pratique, rendus obligatoires et opposables.

Par ailleurs, la loi du 21 juillet 2009 a institué, à l'échelon régional les agences régionales de santé qui ont un rôle important à jouer pour diffuser les bonnes pratiques organisationnelles, qui peuvent être mises en place dans certains établissements, mais que le système semble avoir du mal à transposer dans d'autres établissements. Par ailleurs, la MECSS souhaite que les renouvellements des personnels de direction des établissements soient l'occasion de recourir à de nouveaux profils de directeurs et que la formation des directeurs soit améliorée, afin de développer la culture de l'efficience médico-économique. Il semble, en outre, que la communauté médicale n'est pas suffisamment associée au pilotage médico-économique des établissements. Là aussi, il y a une culture d'efficience médico-économique à diffuser et un effort de formation à faire.

La mise en place de pôles doit, par ailleurs, être accompagnée d'une véritable délégation de gestion et les pôles doivent disposer d'outils de pilotage performants. De manière plus générale, il est étonnant de voir que, même avec la nouvelle donne que constitue la tarification à l'activité, beaucoup d'établissements n'ont toujours pas de système de comptabilité analytique efficace et ne disposent pas des outils leur permettant de se comparer. D'une certaine manière, c'est un peu comme un automobiliste qui devrait respecter une limitation de vitesse mais qui n'aurait pas de compteur dans sa voiture !

Une autre voie d'amélioration concerne les systèmes d'information, qui ne sont en général pas interopérables, ce qui complique le pilotage des établissements. Par ailleurs, il faut absolument soulager les urgences hospitalières, en réorganisant la permanence des soins et en développant la médecine ambulatoire.

Il y a également des progrès importants à réaliser en matière de gestion des capacités, c'est-à-dire des lits. En outre, le développement de la chirurgie ambulatoire, qu'il faut encourager, va pousser à la restructuration de l'offre hospitalière. Elle correspond au souhait des patients et constitue un progrès en terme de qualité des soins, mais elle ne représente en France que 32 % de l'activité de chirurgie, contre 78 % au Danemark et 79 % en Grande-Bretagne. Il convient d'accompagner ce mouvement concernant les personnels mais aussi les patients afin d'éviter d'accroître les inégalités d'accès aux soins en raison des inégalités sociales, la compréhension du système de soins étant plus difficile pour les personnes défavorisées.

Il apparaît aussi nécessaire de mettre en place des référentiels de prescription des médicaments ainsi que des examens de biologie et de radiologie, afin d'améliorer la qualité et la pertinence des soins. Car, avec la tarification à l'activité, les établissements sont, par nature, incités à accroître leur activité et l'on peut craindre que des établissements en arrivent à faire des actes dont l'utilité serait contestable. Afin d'éviter un tel effet pervers, la Haute Autorité de santé a préconisé de mieux financer la qualité des soins. Cette position est soutenue par la MECSS.

Il convient, par ailleurs, d'améliorer la lisibilité du parcours de soins et de mettre en place à cet effet un référent qui accompagne chaque patient dans son parcours, de promouvoir le développement de la télémédecine et de l'hospitalisation à domicile ainsi que l'amélioration de la chaîne de facturation et de recouvrement. Il suffit de comparer le déficit des établissements publics hospitaliers, qui représente 1 % des produits, au taux de 5 % de sous-facturation que l'on observe dans certains établissements, sans parler du cas particulier du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, pour comprendre la nécessité d'améliorer le recouvrement des recettes résultant des tarifs par les établissements.

Je poursuivrai mes propos par quelques remarques sur la tarification à l'activité (T2A). Elle a des effets structurants et permet, certes, de sortir de l'ancien système de financement par dotation globale en basant désormais le financement sur des tarifs correspondant à la réalité des actes effectués, mais cette tarification possède un caractère inflationniste, puisqu'elle pousse à l'activité. En outre, elle ne garantit pas l'efficience médico-économique et n'est toujours pas stabilisée, puisque nous en sommes à la onzième version des tarifs et que chaque changement de version nécessite une adaptation des agents chargés de l'appliquer. Se pose, en outre, le problème de la part du tarif par rapport à la part du financement par les dotations au titre des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC). En effet, ces dotations, dédiées au financement des missions d'intérêt général de l'hôpital public, tels que la permanence des soins, les services d'urgences, la recherche, l'enseignement, la prise en charge des populations en état de précarité, selon leur évolution, déforment en effet le système de financement des établissements, puisque, à enveloppe constante, plus les MIGAC augmentent, plus la part tarifaire diminue, et plus la part, soi-disant exacte, des tarifs perd de l'importance. Ce paradoxe est inhérent au nouveau système de financement. La T2A ne garantit pas non plus l'accessibilité géographique des soins. Le risque existe même qu'elle accentue les déséquilibres territoriaux. Enfin, se pose la question de savoir si elle doit s'appuyer sur des tarifs reflétant strictement et au centime d'euro près les coûts des prestations fournies ou si elle doit constituer un outil de pilotage du système, par exemple pour développer la chirurgie ambulatoire. À titre personnel, je pense que la fixation des tarifs doit, certes, partir des coûts réels constatés, mais que la T2A doit également être un outil d'orientation de l'activité hospitalière.

En outre, la tarification à l'activité ne doit pas être un frein à l'amélioration de la qualité des soins. La Haute Autorité de santé a, certes, proposé l'institution d'une dotation MIGAC dédiée à l'amélioration de la qualité des soins, mais il convient de veiller à ce que l'application de la T2A ne conduise pas à des dérives. Il faut notamment assurer la pertinence de chacun des actes et éviter que la T2A n'incite à les multiplier inutilement. Il faut aussi éviter que la T2A ne conduise à privilégier les activités les plus rentables et à sélectionner les patients ou à optimiser le codage, c'est-à-dire à favoriser le choix par le médecin qui réalise l'acte du code qui rapportera le plus lorsqu'il existera une ambiguïté entre deux codes. Il faut donc développer les travaux d'analyse sur les éventuels effets pervers de la T2A, afin de pouvoir, le cas échéant, les corriger. Des progrès peuvent certainement être accomplis dans ce domaine.

En ce qui concerne la question de la convergence des tarifs des établissements, il faut rappeler que l'application de la tarification à l'activité aux établissements publics s'est accompagnée de la mise en place de deux processus de convergence : d'une part la convergence intrasectorielle, qui consiste à faire converger les tarifs des établissements de chacun des secteurs, publics d'un côté et privé de l'autre, d'autre part la convergence intersectorielle, qui vise à faire converger les tarifs du secteur public vers ceux du secteur privé. La convergence intrasectorielle ne suscite pas de débat. Elle est logique et cohérente, puisque les établissements obéissent, au sein de leur secteur, aux mêmes règles. En revanche, la convergence intersectorielle suscite des débats et des oppositions, dans la mesure où les établissements n'ont pas les mêmes modes de fonctionnement, ne répondent pas à la même logique, ne se sont pas vus assignés par le législateur les mêmes objectifs, ni les mêmes missions, même si la loi du 21 juillet 2009 a porté « un coup de canif » à la compétence quasi exclusive des établissements hospitaliers publics pour accomplir les missions de service public de santé en ouvrant le droit d'en exercer aux établissements privés qui le souhaitent. Ce fut d'ailleurs, au moment de la discussion du projet de loi à l'Assemblée nationale, un sujet de vifs débats entre la majorité et l'opposition, auxquels votre rapporteur a notamment participé activement pour s'opposer à cette évolution. Il reste que, à la différence des établissements publics, les établissements privés ne sont pas tenus d'accomplir les missions de service public. Les établissements du secteur privé ont donc des coûts de production des soins moins importants. C'est une autre source de difficulté pour réaliser la convergence tarifaire entre les secteurs. En outre, le secteur privé répond à des objectifs de rentabilité du capital et la comptabilisation des charges et des rémunérations des médecins s'effectue dans des conditions différentes dans le secteur public et dans le secteur privé. Partant de ce constat, dont il faut, comme je viens de le faire, expliquer les causes, le principe de la convergence apparaît discutable et il serait préférable, plutôt que de rechercher une convergence des tarifs, de s'orienter vers une mise en cohérence des règles de financement des deux secteurs. Il convient d'ailleurs de noter que ladite convergence a déjà été reportée à 2018, ce qui est une bonne chose, et pour ma part je pense que c'est un objectif qui ne pourra pas être réalisé.

Je terminerai ma présentation des préconisations, par trois points d'inégale importance. Afin d'améliorer la gestion du patrimoine immobilier hospitalier, il faut d'abord procéder à un inventaire de ce patrimoine que, aujourd'hui, l'on connaît très mal. Il serait d'ailleurs intéressant de réfléchir à la création d'un office public national de gestion du patrimoine immobilier hospitalier. Il faut voir si cela pourrait permettre d'aider les établissements à réaliser des progrès dans ce domaine.

Le coût des ressources humaines dans les hôpitaux publics est considérable, puisqu'il représente près de 70 % des charges d'exploitation. Pour autant, il ne faut pas en déduire qu'il suffit de réduire les frais de personnel pour réduire les déficits. Une telle attitude constituerait une erreur, surtout si cela conduisait à offrir un service médical rendu de moindre qualité. La collectivité n'y aurait rien gagné. Il faut, au contraire, développer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, rendre les carrières médicales et non médicales plus attractives, améliorer les conditions de travail en associant davantage le personnel aux évolutions et réorganisations des établissements. L'application des référentiels de bonne pratique et l'amélioration du dialogue social doivent faciliter les évolutions. La prise en compte de l'intérêt des personnels et l'amélioration de leurs conditions de travail ne s'opposent pas à l'amélioration de l'efficience médico-économique ; au contraire, les deux objectifs sont complémentaires. Il y a d'ailleurs beaucoup de progrès à accomplir pour améliorer le dialogue social dans les établissements.

En conclusion, je souhaite que la MECSS assure le suivi de l'application des 46 propositions assez précises présentées dans le rapport et qu'il soit proposé à la ministre en charge de la santé de venir s'exprimer devant nous sur ce sujet, dans quelques mois. En conclusion de cette présentation générale, je veux rappeler que la MECSS, tout au long de ses travaux, a eu pour seul objectif de déterminer les solutions pouvant permettre d'améliorer la santé de nos concitoyens et l'efficience médico-économique des établissements publics hospitaliers.

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