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Intervention de Jean-Paul Cluzel

Réunion du 19 mai 2010 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Paul Cluzel, président du Grand Palais :

À mon tour, je remercie les membres de la commission de leur fidélité aux événements que nous organisons au Grand Palais.

Selon les années et la nature de nos expositions, trois à quatre millions de visiteurs bénéficient aujourd'hui des activités du Grand Palais, que ce soit sous la Nef, dans les Galeries nationales de la RMN ou au Palais de la Découverte. Ces trois entités font du Grand Palais le sixième ou septième monument le plus visité en France, d'où l'importance de la réflexion engagée par les pouvoirs publics et par votre commission.

Le Grand Palais représente une surface globale de 77 000 mètres carrés. On le comprend : des travaux de simple restauration d'un tel bâtiment sont donc coûteux. Comme le montrent les annexes du rapport, la simple rénovation du clos et du couvert et un aménagement a minima des salles d'exposition représentent déjà 170 à 180 millions d'euros de travaux – à comparer aux 236 millions d'euros nécessaires pour la rénovation et les améliorations que je préconise.

Culturel et scientifique, ce projet vise également à faire passer ce que j'appelle la « jauge instantanée de visiteurs » de 11 000 à 20 000 personnes. S'il est donc relativement coûteux – du fait de la superficie du bâtiment –, il entend également avoir un impact populaire fort. Du fait de la coexistence du Palais de la Découverte, des Galeries nationales et de la Nef, le bâtiment est probablement celui qui, parmi tous les grands monuments publics parisiens et vraisemblablement français, attire la plus grande diversité sociale.

Le bâtiment, en particulier les activités de la Nef ou les expositions, crée des ressources propres non négligeables. Nous proposons aux pouvoirs publics qu'à peu près la moitié du coût des travaux soit financée par un emprunt remboursé sur nos recettes au cours des trente années d'exploitation à venir – la part restant à la charge de l'État serait alors de 115 millions d'euros –, le tout calculé de manière prudente avec des recettes de mécénat faibles et sans participation d'Universcience pour la réfection du clos et du couvert de la partie occupée par le Palais de la Découverte.

Après vous avoir exposé ces quelques éclaircissements par rapport à un montant global élevé, j'en viens à vos questions, madame la présidente.

Le bâtiment dans son ensemble est composé de trois parties : le Palais d'Antin, du côté de l'avenue Franklin-Roosevelt ; la Nef où se trouvent les Galeries nationales et les espaces sous la verrière, entre l'avenue du Général-Eisenhower et l'avenue Winston-Churchill ; un bâtiment intermédiaire par lequel on accède souvent aux expositions des Galeries nationales, où se trouve le grand escalier en fer à cheval.

À l'origine, ce bâtiment était un ensemble dans lequel on pouvait circuler, mais l'évolution historique commencée à partir des années 1930, l'installation du Palais de la Découverte en 1937, puis la construction des Galeries nationales en 1966 ont entraîné son cloisonnement. Aujourd'hui, du fait des trois occupants – Palais de la Découverte, RMN, Établissement public du Grand Palais –, nous gérons trois établissements recevant du public (ERP). Un des buts poursuivis est donc d'arriver à la constitution d'un seul ERP, ce qui suppose de rétablir la circulation entre les trois parties du bâtiment, de créer des issues de secours supplémentaires et de gérer la sécurité de manière mutualisée, trois impératifs pour lesquels nous sommes en relation très étroite avec les services spécialisés de la préfecture de police.

Conçus par trois architectes différents, le Palais d'Antin, la Nef et le bâtiment intermédiaire sont aujourd'hui chacun occupé par les trois entités, c'est-à-dire qu'aucun ne peut être identifié à une activité : le Palais d'Antin est principalement utilisé par le Palais de la Découverte, mais certaines parties de son sous-sol peuvent être utilisées par l'Établissement public du Grand Palais ; le bâtiment intermédiaire est partagé entre l'Établissement public du Grand Palais, le Palais de la Découverte et la RMN ; la Nef est divisée entre la RMN et l'Établissement public du Grand Palais. Mon rapport propose de rétablir une logique conforme à celle voulue par les architectes de l'Exposition universelle de 1900. Nous trouverions ainsi autour de la Nef, un espace d'exposition réunissant le Grand Palais et la RMN ; le Palais d'Antin serait dévolu au Palais de la Découverte ; le bâtiment intermédiaire mutualisé accueillerait les fonctions d'accueil, de billetterie, de librairie-boutique, mais aussi des salles consacrées à la médiation culturelle. Ce dernier élément est très important pour Mme Claudie Haigneré, présidente d'Universcience, et moi-même car les activités de médiation, fondamentales, manquent aujourd'hui gravement d'espace dans l'établissement, en particulier pour les scolaires. Or, nous accueillons aujourd'hui 15 000 groupes scolaires pour les activités des Galeries Nationales, tandis que la moitié des 800 000 visiteurs du Palais de la Découverte est constituée de publics d'âge scolaire.

Ce parti pris logique a suscité l'émotion de membres éminents de la communauté scientifique, notamment de trois Prix Nobel dans une tribune parue dans Le Figaro samedi dernier. Il me semble toutefois qu'ils n'ont pas lu avec suffisamment d'attention nos propositions, qui ne prévoient aucune diminution de l'espace d'exposition, mais simplement un transfert important. Dans la partie du bâtiment intermédiaire du côté de la Seine, un espace vide au premier étage relie le Palais d'Antin à la Nef ; au rez-de-chaussée, des espaces de bureau sont occupés par le Palais de la Découverte. Nous proposons de garder au Palais de la Découverte une partie de cette aile, mais de la consacrer uniquement à des espaces d'exposition au premier étage, et de faire du rez-de-chaussée des espaces d'accueil et de médiation. Au Palais d'Antin, la Rotonde, aujourd'hui occupée par des éléments d'expérience scientifique et qui est également un espace d'accueil, doit à mon sens retrouver sa splendeur architecturale de 1900. Nous proposons de la mutualiser au sens d'un établissement recevant du public et d'en faire un lieu de communication, ce qui ne veut pas dire qu'elle séparera les deux parties nord et sud du Palais d'Antin, l'idée étant précisément de faire tomber les cloisons installées au fur et à mesure du temps. Les deux arguments essentiels apparus dans la polémique ne tiennent donc pas.

C'est grâce à de nouveaux axes de communication ouest-est et nord-sud, auxquels s'ajouteront les décloisonnements et les issues de secours supplémentaires, que l'on fera passer la jauge de 11 000 à 20 000 places.

Madame la présidente, il s'agit d'aller, non pas vers une gestion unitaire de la programmation scientifique et culturelle, mais vers une seule unité responsable de la sécurité d'un établissement recevant le public répondant aux normes. Il n'est pour moi pas question de m'immiscer dans la politique de programmation du Palais de la Découverte, qui relève de la responsabilité de la présidente d'Universcience.

Aujourd'hui, le cloisonnement entre les activités des Galeries Nationales et celles qui s'exercent sous la Nef est aberrant puisque l'on y trouve des manifestations artistiques de même nature, je pense par exemple à Monumenta, consacrée à Christian Boltanski et financée par le ministère de la culture, et aux expositions des Galeries Nationales Turner et ses peintres ou La Voie du Tao. C'est pourquoi le Président de la République et le ministre m'ont demandé de réfléchir à une programmation cohérente pour l'ensemble de la Nef, ce qui suppose une seule entité responsable pour aboutir à une identité culturelle forte. Celle-ci est possible à travers la diversité des publics et des activités culturelles alliant la présentation du patrimoine à celle de l'art contemporain. Elle est également possible grâce à une forte activité de salon consacrée au marché de l'art, les professionnels du secteur ayant été unanimes à marquer auprès de moi leur attachement à pouvoir continuer à utiliser le Grand Palais, qui est pour eux un atout dans la compétition internationale avec les places de Londres et de New York. Un commandement commun entre les Galeries Nationales et le reste du Grand Palais apparaît donc logique.

Pour y parvenir, un exécutif et un conseil d'administration uniques me semblent nécessaires. Si cela aurait pu se faire par l'absorption d'un des établissements par l'autre, il m'a paru plus novateur de créer un établissement public nouveau, afin d'améliorer nos relations avec le monde extérieur et d'apporter à l'ensemble du projet une visibilité politique plus forte. Cette création n'est pas particulièrement difficile à réaliser dans la mesure où, d'une part, l'établissement public du Grand Palais et la RMN sont des établissements publics industriels et commerciaux, d'autre part, que leurs missions sont fondamentalement semblables, en particulier dans le domaine culturel. Ainsi, nos consultations auprès du Conseil d'État concluent unanimement à la possibilité de créer un établissement public par simple décret, une jurisprudence constante établissant la possibilité de créer un nouvel établissement public dès lors que l'on reste à l'intérieur des catégories définies par le législateur, ce qui est le cas. Cela suppose par ailleurs de consulter les organes représentatifs du personnel de la RMN et du Grand Palais, ainsi que le comité paritaire. En effet, selon le code du travail, la création de toute nouvelle entreprise par la fusion de deux préexistantes entraîne ipso facto la mise en cause des accords collectifs de travail. Or, les conventions collectives actuelles datent de 1990 et ont, à mon sens, besoin d'être modernisées, à la fois pour la bonne gestion du futur établissement, mais également sur des points importants touchant aux aspirations des personnels, en particulier la couverture sociale et la précarité – encore importante à la RMN. Pour reprendre la vieille expression d'André Bergeron, je pense qu'il y aura « du grain à moudre » dans une négociation dans laquelle nous pourrions demander aux personnels d'aller vers plus de modernité tout en étudiant leurs aspirations légitimes. Ainsi, la création par décret d'un nouvel établissement industriel et commercial ouvrirait une période de négociation obligatoire de quinze mois.

C'est pour moi un aspect très important de la modernisation du Grand Palais. Tout ceci m'apparaît absolument nécessaire afin de mettre le futur établissement à égalité de concurrence avec ses partenaires privés : face au développement actuel d'opérateurs privés qui gèrent des musées ou des boutiques dans les musées, le service public doit conserver une position prédominante dans toutes ses activités.

L'activité muséale se développe énormément dans le monde – Le Monde Magazine évoquait récemment la création d'une vingtaine de musées majeurs. Dans beaucoup de pays, en particulier les pays émergents où la fréquentation muséale était jusqu'alors peu habituelle, la demande s'accroît, en lien avec l'élévation du niveau de vie et du niveau culturel. Les gens désirent découvrir non seulement des collections permanentes, qui reflètent leur propre culture et la culture mondiale, mais encore des expositions temporaires qui permettent de communiquer avec une des expressions majeures de notre vie. Si le nombre de visiteurs étrangers décline dans certains musées, toutes les statistiques montrent en revanche que, en ces temps de difficultés économiques, la fréquentation par nos compatriotes de nos cinémas, de nos musées et de nos théâtres n'a jamais été aussi importante. Pour beaucoup d'entre eux, la culture est aujourd'hui un moyen de mieux comprendre ce qui se passe, et non un réflexe de fuite devant la réalité comme sous l'occupation allemande. Ce lien entre la citoyenneté et la culture est un phénomène mondial. D'où l'importance pour la France, dont les collections permanentes figurent parmi les plus importantes et les expériences en la matière parmi les meilleures, de disposer d'opérateurs nationaux de premier plan.

Le projet du Louvre d'Abou Dhabi, avec la création d'un consortium dans lequel se trouvent rassemblés de nombreux intervenants tels le Louvre, Orsay et la RMN, est relativement lourd. Un opérateur culturel unique, travaillant en étroite association avec nos grands musées, pourrait proposer ses services d'une manière plus simple, telle est mon idée directrice.

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