Il manque certains éléments dans le débat actuel, mais il y en a d'autres qui ne devraient pas être abordés. Selon certains acteurs, la prise en compte de la pénibilité du travail devrait être la contrepartie de l'évolution des conditions d'âge. Or, c'est une question étrangère à celle des retraites : la pénibilité se définit comme une usure professionnelle empêchant de continuer à travailler au-delà d'un certain âge dans certains métiers, comme le bâtiment. Or, l'inaptitude relève de la santé au travail, et les mécanismes correspondants, qui sont financés par les entreprises, n'entrent pas dans le cadre de la retraite. Si l'on envisage de prendre en compte ce facteur, c'est avant tout pour mieux faire accepter les évolutions relatives à l'âge de la retraite.
Existe aussi la notion de pénibilité différée consistant en une réduction de l'espérance de vie. Mais c'est oublier que la retraite par répartition ne dépend pas de l'espérance de vie. L'assurance privée et l'assurance-vie peuvent prendre en question ce type de paramètre, mais ce n'est pas l'objet de la retraite par répartition. Ce n'est pas un droit de tirage par année de vie.
En outre, comme on ne pourra pas prendre en compte tous les cas en raison du coût que cela impliquerait, il faudra se résoudre à ne compenser que certaines formes de pénibilité – celles qui frappent les personnes exposées à certains produits cancérigènes, par exemple, ou celles qui exécutent un travail posté. Or, c'est une solution très contestable, car on pourrait considérer qu'il s'agit d'une discrimination. On peut aussi estimer qu'en autorisant des départs précoces à la retraite parce que l'on meurt plus tôt dans certains métiers, on instaure une sorte de « permis de tuer ».
Si l'on veut bien faire jouer la solidarité, hier pour les carrières longues, et aujourd'hui pour la pénibilité, c'est exclu pour les femmes et l'on oublie, dans le même temps, que la pénibilité n'a rien à voir avec la question des retraites : c'est une affaire de santé, de conditions de travail et de prévention. On ne peut pas laisser des salariés dans de telles situations.