Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme constitutionnelle de 2008 devait donner un second souffle au Conseil économique et social. En effet, l'utilité et la composition de cette assemblée consultative ont été contestées à maintes reprises.
Néanmoins, si elle n'a qu'une fonction consultative dans le cadre du processus législatif, cette assemblée permet néanmoins la représentation au niveau national des organisations professionnelles et la communication entre les différents acteurs de l'économie, un dialogue essentiel dans ce que Voltaire appelait « le monde comme il va ».
Nous reconnaissons donc volontiers la pertinence de ce projet de loi et saluons l'attention portée à la rénovation du Conseil économique, social, et désormais aussi environnemental, troisième assemblée constitutionnelle de la République.
Il est vrai que le Conseil économique et social, dont les prérogatives et la composition demeuraient régies par l'ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social, n'avait pas connu de changements substantiels depuis sa création.
À l'évidence, les mutations de la société exigeaient certaines adaptations. Ainsi, il apparaissait fortement contestable que le Conseil ne compte que 21,5 % de femmes. De fait, l'évolution induite par cette loi organique, qui prévoit la mise en place de la parité sans condition au prochain renouvellement, est positive. La parité ne doit effectivement pas se limiter aux mandats électoraux, par ailleurs remis en cause par la réforme des collectivités territoriales. Nous avons le devoir d'étendre cette parité à l'ensemble des institutions de la République.
Par ailleurs, le rajeunissement du Conseil, concrétisé par la limitation du nombre de mandats consécutifs et l'abaissement de l'âge minimum de vingt et un an à dix-huit ans est également appréciable. La jeunesse et le monde étudiant pourront désormais prendre part aux débats qui les concernent.
La saisine par voie de pétition citoyenne – en complément de la voie parlementaire et de la procédure de consultation – facilitera aussi, dans une certaine mesure, l'intervention directe de la société civile dans le débat public.
Enfin, le verdissement de cette institution répond aussi au besoin d'adaptation aux nouveaux enjeux auxquels nous sommes confrontés. Il apparaît désormais plus qu'évident que la préservation de notre environnement est devenue un défi majeur que toutes et tous doivent contribuer à relever. Il est donc naturel et sensé que des représentants du monde de la protection de l'environnement siègent désormais de plein droit au Conseil.
Il n'en demeure pas moins vrai que, dans le même temps, un corps de métier très actif en ce domaine voit sa représentation considérablement réduite dans la nouvelle composition du CESE. Sous prétexte de mutations sociologiques qui ont amoindri la place du monde agricole, on amoindrit fortement le nombre de sièges attribués aux agriculteurs pour renforcer le « verdissement » du Conseil, ce qui est pour le moins contradictoire tant les modes de production agricole sont déterminants pour notre environnement. L'agriculture et l'environnement naturel sont au coeur des écosystèmes. Les deux sont indiscutablement liés et s'influencent mutuellement. Les terres cultivées représentent entre 35 et 40 % du territoire français et près de la moitié de la surface de l'Union européenne.
Les agriculteurs sont aussi victimes, entre autres, du réchauffement climatique. Prenons un exemple concret : la dégradation des terres agricoles en Europe, due notamment à des phénomènes météorologiques exceptionnels et aux arasements abusifs, est telle que 115 millions d'hectares – soit 12 % de la superficie totale – subissent une érosion liée à des coulées de boue et 42 millions d'hectares sont dévastés par le vent. Dans les deux cas, une partie de la couche fertile des terres arables disparaît chaque année.
En France, la quantité moyenne de terre agricole enlevée par l'érosion s'élève à une tonne par hectare et par an. Mais certaines terres arables perdent entre 10 et 20 tonnes par an à l'hectare. Il est donc tout à fait contestable que le nombre de sièges attribués aux professions agricoles diminue autant, car il va de soi que les agriculteurs doivent être associés aux réflexions engagées.
De plus, en réduisant de façon drastique le nombre de leurs sièges, vous excluez de fait la représentation des fédérations syndicales moins représentatives…