Les crises n'ont qu'un seul effet positif : elles conduisent à des évolutions qui paraissaient auparavant impossibles. C'est ainsi que l'on a pu enfin concrétiser ce que l'on n'était jamais parvenu à mettre en place jusqu'à présent, un fonds de stabilisation destiné à soutenir un État en difficulté. Le Parti socialiste européen l'appelait depuis longtemps de ses voeux, de même que le Parti socialiste en France. Et on ne peut qu'approuver la décision prise par la Banque centrale européenne de faire ce que font toutes les banques centrales, c'est-à-dire acheter des titres publics sur le marché secondaire.
Mais la mise en oeuvre de tous ces mécanismes ne devrait pas cesser lorsque l'économie reprendra un cours normal. Si nous voulons tirer l'enseignement de la crise et éviter qu'elle ne se reproduise, il convient de modifier la régulation et de faire en sorte que les mesures prises en urgence soient pérennisées. Ainsi, la durée de vie du Fonds européen de stabilisation pourrait être prolongée dans le cadre d'une coopération renforcée – une expression que l'on n'emploie plus guère en Europe – entre pays volontaires, en particulier ceux de la zone euro. Cela permettrait de mieux réagir en situation de crise, sans attendre quatre mois pour intervenir.
J'en viens à la question du droit de regard de la Commission. Il est évident que dans toute union monétaire, une coordination des politiques économiques est nécessaire. Pour effectuer un dosage macroéconomique entre politiques monétaires et politiques budgétaires à l'échelle européenne, un échange entre les ministres des États membres est indispensable. Mais cela ne signifie pas que la Commission puisse se mêler de ce qui ne la concerne pas en examinant le détail des budgets. Ce qui compte, à l'échelle de l'Union, c'est de pouvoir apprécier le caractère restrictif ou au contraire la capacité d'impulsion d'une politique budgétaire.
À cet égard, ma crainte est que les politiques d'austérité mises en place partout en Europe ne conduisent à casser la croissance – un effet que ne pourrait pas compenser une politique monétaire expansionniste –, au point de renvoyer la reprise à plus tard. C'est d'ailleurs l'analyse que font les marchés, dont la seule rationalité consiste à essayer d'anticiper ce que tout le monde va penser : après s'être inquiétés des déficits, ils s'alarment désormais des politiques d'austérité et de leurs conséquences sur la croissance en Europe. Ainsi, en croyant répondre à une inquiétude, on finit par en susciter d'autres.
Pouvez-vous nous préciser, madame le ministre, ce que représentent précisément les ventes à découvert sur les actions financières ? Pour ma part, il me paraît nécessaire d'en remettre en cause le principe même. En effet, cette technique a été inventée à une époque, il y a vingt ou trente ans, où la majorité des économistes pensaient que la spéculation était stabilisatrice, qu'elle tendait à limiter les écarts et à ramener l'économie vers l'équilibre. Aujourd'hui, aucun économiste n'affirmerait une chose pareille : tous reconnaissent que la spéculation est par nature déstabilisatrice. Or les ventes à découvert permettent de spéculer à partir de rien, de surcroît dans des temps extrêmement brefs, sur le moindre petit écart de marché, avec des résultats qui peuvent s'avérer catastrophiques.
En ce qui concerne les prélèvements obligatoires, l'explication selon laquelle l'élasticité entraînerait spontanément leur augmentation ne me paraît pas réaliste. Une augmentation de deux points de PIB signifie que le Gouvernement, sans l'avouer, tient compte d'une future augmentation des impôts dans les documents qu'il transmet à la Commission européenne. L'importance de ces documents justifie donc qu'ils fassent l'objet d'un vrai débat au sein de notre assemblée, même si cela n'a jamais été le cas jusqu'à présent.