Vous proposez, dans l'amendement qui nous a été présenté ce matin, de créer environ 3 400 conseillers territoriaux, au lieu des 3 900 conseillers généraux qui existent aujourd'hui. M. Marleix ne sera pas très content, puisque son découpage ne va consister qu'à créer 500 cantons supplémentaires, en sus des 3 400 qui existent déjà ! Cela veut dire que ceux qui seront les conseillers territoriaux de demain sont pour l'essentiel les conseillers généraux d'aujourd'hui. Vous aurez donc des assemblées régionales qui fonctionneront avec des hommes et des femmes – surtout des hommes, d'ailleurs, pour 85 % d'entre eux – qui sont aujourd'hui conseillers généraux, certains depuis longtemps, à qui vous demanderez d'être, outre les conseillers généraux qu'ils sont déjà, des conseillers régionaux, dans une optique tout à fait différente, avec des compétences également très différentes.
Au lieu de conforter l'un des pôles essentiels, celui des régions, à côté de celui des intercommunalités et des métropoles, vous êtes en train de tuer l'idée même de la décentralisation et de recentraliser. Vous avez commencé avec les financements, vous poursuivez avec le retour des préfets.
Je conclurai sur le mode de scrutin que vous nous proposez et avec votre amendement surprise, arrivé en commission au titre de l'article 88, portant sur la répartition des sièges, département par département, à travers la France.
La rupture du principe d'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives, que Mme Guigou et M. Derosier ont parfaitement explicitée devant vous, justifiera le recours que nous déposerons devant le Conseil constitutionnel, au moins sur cette partie du texte. Si le Conseil constitutionnel a eu à se prononcer à propos de la modification du mode de scrutin sénatorial en 2003, il ne s'agissait que d'une toute petite modification : il s'agissait de faire passer le seuil de la proportionnelle de 4 à 3 dans les départements où l'on élisait les sénateurs.
Aujourd'hui, il s'agit d'une nouvelle loi comportant une disposition qui défavorise l'égal accès aux fonctions électives. Il ne s'agit pas de l'adaptation d'un dispositif existant, mais d'une loi globale qui va totalement à l'encontre d'une disposition constitutionnelle que nous avons voulue il y a onze ans, en 1999, comme l'a rappelé tout à l'heure Élisabeth Guigou.
Outre la parité, un autre principe est mis à mal par ce texte, c'est le principe d'égalité. Le Nord-Pas-de-Calais par exemple aurait des représentants au nombre de 136, pour une population de 4 millions d'habitants, tandis que la région presque voisine de Champagne-Ardenne compterait 138 conseillers, pour 1,3 million d'habitants.