Ce sont, par exemple, 200 millions d'euros que l'État demande à la région Nord-Pas-de-Calais pour cofinancer le canal Seine-Nord. Ces 200 millions s'ajoutent à 1,6 milliard d'euros qui sont demandés à l'ensemble des collectivités locales traversées par ce canal.
Il n'est pas sérieux, monsieur le ministre, de dire que nous dépensons trop, que nos dépenses évoluent plus vite que le niveau des dépenses nationales, et de nous demander dans le même temps de financer avec l'État le plan Campus, les campus internationaux, le canal Seine-Nord et les infrastructures parce que l'État ne veut plus en faire davantage... Après de telles demandes, ne reprochez pas aux collectivités locales le fait que leurs dépenses, hors transferts, évoluent de 3,1 % par an ! Car c'est vrai, les dépenses des collectivités locales, ces dix dernières années, hors transferts, ont augmenté de 3,1 % par an. Cela figure dans votre rapport, monsieur Perben.
Mais, au-delà de ce que l'État nous demande de financer, au-delà du financement des commissariats par la région Ile-de-France parce que l'État ne peut pas les construire – je me ferai un plaisir de le rappeler au cours du débat si le ministre de l'intérieur nous rejoint –, lorsque nous finançons des équipements, des crèches, par exemple, ou des théâtres, des écoles, il faut financer leur construction, mais il faut ensuite les faire fonctionner. Cela s'appelle le service public local. Je rappelle que le paquet fiscal coûte 15 milliards d'euros par an. Aussi, s'il y a, dans ce gouvernement, des ministres qui estiment qu'une augmentation annuelle de 3,1 % sur les 100 millions de dépenses des collectivités locales, c'est trop pour le service public local, il faut qu'ils le disent devant les Français ! Est-ce trop pour faire vivre des crèches et accueillir la petite enfance, créer des spectacles, de l'art, apporter à nos concitoyens ce que les pouvoirs publics peuvent leur apporter ? Eh bien non, ce n'est pas trop ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vive la décentralisation, vivent ceux qui l'ont mise en oeuvre, mais attention à ceux qui la menacent aujourd'hui ! Car, sans le dire, vous engagez une entreprise de démolition, une mise à mort de la décentralisation, un retour des préfets et de l'ordre d'État : là où nous avions supprimé la tutelle, vous êtes en train de faire revenir les préfets.
Vous avez commencé par l'étranglement financier. Je l'ai évoqué tout à l'heure au sujet des régions : les vingt-deux régions métropolitaines ne disposent, pour financer leur budget à partir de cette année, que de 5, 6 ou 7 % de ressources fiscales, avec la modulation de la TIPP, accordée par Bruxelles il y a quatre ans, c'est-à-dire un peu plus d'un centime par litre d'essence ou de gazole vendu sur le territoire, et la taxe sur les cartes grises. Plus de taxe professionnelle ! Elle s'est envolée avec, au passage, 13 milliards de cadeaux aux entreprises, dont nous n'avons eu aucun retour. Plus de taxe foncière : à travers un débat sénatorial, elle est passée de la région aux autres collectivités locales. Et l'on nous parle de régions responsables qui auraient une capacité à agir, alors que vous leur avez enlevé toute leur capacité d'autonomie fiscale ! C'est, là encore, une façon de tuer la décentralisation.
Vous continuez à mettre en cause la décentralisation par ce texte qui ne répond en rien aux objectifs initiaux. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, qu'il s'agissait de clarifier, de simplifier et d'économiser. Vous nous avez parlé de ce millefeuille auquel les Français ne comprennent rien, de son manque de cohérence. Or nous partons de cinq niveaux : les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, l'État. Avec ce texte, si par malheur, il était voté par le Parlement, nous arriverions à huit niveaux : les communes, les communes nouvelles, les intercommunalités, les métropoles, les pôles métropolitains, les départements, les régions et l'État... La « simplification » du millefeuille que nous propose le Gouvernement consiste à passer de cinq à huit niveaux ! Voilà qui favorisera à coup sûr la compréhension et l'appropriation du système par les citoyens… C'est la mise à mort de la décentralisation, et d'abord celle des régions, contrairement à ce que je peux lire ici ou là. L'un d'entre vous contestait la cantonalisation des régions. Or c'est exactement ce à quoi nous allons assister.