Dans tous les départements, l'établissement d'un budget en équilibre a été un casse-tête douloureux car il a consisté à choisir les postes de dépenses qui seraient victimes de coupes sévères ou à acter l'augmentation des impôts sur les ménages. Ainsi, dans le Gard, 22 millions d'euros du budget d'investissement ont été supprimés ; en Haute- Savoie – UMP –, les impôts ont augmenté de 9,6 % ; dans la Meuse – UMP –, les subventions aux associations sportives et culturelles ont baissé de 25 %. Une vingtaine de départements ont cette année équilibré leur budget au prix de décisions cruelles : pour compenser le dynamisme des dépenses sociales, qui augmentent chaque année de 4 % à 6 %, ils ont été obligés de sacrifier les dépenses consacrées aux compétences facultatives – sport, culture, investissement, rénovation des collèges –, autant de domaines qui touchent directement la vie des Français, autant de choix qui auront des conséquences mesurables sur le quotidien des citoyens, autant de décisions qui diminueront la qualité des services publics et des autres services rendus à la population. Les associations sportives et culturelles seront sacrifiées sur l'autel de la rigueur subie ; ignorez-vous, monsieur le ministre, le rôle qu'elles jouent en termes de construction du lien social, d'apaisement des tensions, d'ouverture à d'autres horizons pour les jeunes en difficulté ? Mesurez-vous les espoirs que ces structures suscitent, en particulier dans des départements défavorisés comme mon département de Seine-Saint-Denis ?
Cette année encore, l'association des départements de France estime à 5, 5 milliards les sommes dues par l'État aux conseils généraux. Les départements sont aujourd'hui les premières victimes du rouleau compresseur libéral qui cumule désengagement de l'État et asphyxie financière. Car tel est le paradoxe de votre politique : l'application des remèdes libéraux, avec une réduction drastique de la sphère publique et un désengagement de l'État de ses missions, y compris régaliennes, oblige les collectivités territoriales à le suppléer – par exemple en contribuant au financement des lignes à grande vitesse ou en délivrant des prestations sociales tels le RSA ou l'APA. Mais la recentralisation rampante, par la voie de la fin de l'autonomie fiscale, empêche déjà et empêchera à terme les collectivités de se substituer à l'État pour assurer un service public de qualité auprès des citoyens.
Malheureusement, les communes et les régions subiront, elles aussi, les conséquences dramatiques d'une stratégie de recentralisation qui ne dit pas son nom. Outre la réduction de la sphère publique, c'est le service public à la française qui est aujourd'hui menacé : face au désengagement de l'État, les collectivités territoriales ont su assumer ses missions, mais elles ne pourront plus désormais le faire.
Les grandes lois de décentralisation de 1982 étaient guidées par un principe très clair : l'absence de tutelle d'un niveau de collectivité sur un autre. Qu'implique ce principe ? Des assemblées et des élus distincts, pour des dossiers et des intérêts divers. Inutile de dire que le projet que vous nous soumettez, qui organise la confusion des fonctions, ne répond pas exactement à ce principe désormais consacré par la Constitution. Le Conseil Constitutionnel, en s'appuyant sur l'article 72 alinéa 3 de notre constitution, lequel impose que « coexistent de manière distincte deux assemblées qui ne sauraient être confondues », pourrait bien censurer votre réforme.