L'introduction d'un mode de scrutin à deux tours a contenté nombre d'élus farouchement opposés à un mode de scrutin à un seul tour ; cette concession a permis d'éteindre, momentanément en tout cas, une vraie révolte dans les rangs de la majorité. Mais ce scrutin uninominal à deux tours est structurellement défavorable aux femmes. Je veux rappeler ici, après d'autres, qu'en 2008, les femmes conseillères générales, élues au scrutin uninominal à deux tours, ne représentaient que 13,1 % de l'ensemble des élus départementaux. La situation n'évolue pas, puisque lors du dernier renouvellement, en 2008, on comptait seulement 12,3 % de femmes parmi les conseillers généraux. En revanche, les conseils régionaux comptent 48 % de femmes, soit quasiment la moitié des élus.
Les projections qui ont été réalisées par l'Observatoire de la parité, présidé par Mme Brunel, élue UMP, et la délégation aux droits des femmes, présidée par Mme Zimmermann, autre élue de votre majorité, sont cruelles : avec un scrutin uninominal qui remplacera les scrutins départementaux et régionaux, en 2014, les « conseillères territoriales » occuperont moins de 20 % des sièges, au lieu de 48 % actuellement dans les régions. Vous avez donc consenti à multiplier par deux le nombre de tours de scrutins, mais en divisant par deux le nombre d'élues femmes. C'est inadmissible, choquant et même indécent.
Car l'objectif de parité que vous dites faire vôtre en octroyant aux femmes la suppléance des conseillers territoriaux, sans même vous rendre compte de ce que ce lot de consolation peut avoir d'insultant, cet objectif de parité est inscrit dans la Constitution depuis le 8 juillet 1999, au départ dans l'article 3 du Préambule, puis à l'article 1er, alinéa 2.
Le 6 juin 2010, nous fêterons le dixième anniversaire de la loi électorale sur la parité qui a permis l'application concrète de la réforme constitutionnelle, que j'avais eu l'honneur de porter ici même et au Sénat, au nom du Gouvernement. N'y avait-il pas de manière plus élégante de fêter cet anniversaire et de célébrer cette conquête démocratique majeure, à laquelle les Français sont particulièrement attachés ? Ne trouvez-vous pas scandaleux que la patrie des Lumières figure à une modeste dix-neuvième place sur vingt-sept dans l'Union européenne en termes de représentation politique des femmes ? Ne souhaitez-vous pas que la France redore son blason et fasse mieux que le Rwanda, l'Afrique du Sud et Cuba ? Ne voulez-vous pas, enfin, aider le Premier ministre, qui prétend que la gauche n'a plus le monopole du souci de la parité, à mettre en cohérence ses actes avec ses paroles ?