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Intervention de Bernard Derosier

Réunion du 25 mai 2010 à 21h30
Réforme des collectivités territoriales — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Derosier :

Les collectivités territoriales se voient donc appliquer des règles contraignantes dont l'État pourrait librement s'affranchir.

Par ailleurs, la volonté du rapporteur du projet de loi de rendre plus normatives les dispositions sur la répartition des compétences s'est traduite, en définitive, par un pas supplémentaire vers la rigidité du projet soumis à l'examen des parlementaires. Il aurait pourtant suffi de laisser les choses en l'état, en précisant les compétences, sans remettre en question une organisation qui a fait ses preuves. Cette rigidité est telle que l'on peut légitimement douter que ces dispositions soient applicables en l'état de leur rédaction.

Par amendement, là encore, le Gouvernement a proposé d'étendre certains domaines de compétence transmis de plein droit par les collectivités territoriales aux métropoles, sans pour autant rechercher une plus grande cohérence dans ces transferts automatiques. Dans le même temps, le projet de loi tel qu'adopté par la commission des lois confirme que les départements et les régions exerceront leurs compétences dans les domaines que la loi leur attribue. Il leur serait désormais interdit d'intervenir dans des domaines confiés par la loi à une autre catégorie de collectivités locales. La lisibilité de l'action publique n'a rien à gagner à la mise en oeuvre de ces dispositions, qui risquent surtout de faire obstacle à l'émergence de projets communs. C'est la solidarité territoriale, appréciée à l'échelle d'un département ou d'une région, qui est ainsi abandonnée.

La troisième considération que je développerai à l'appui de cette motion de renvoi en commission tient à la nécessité évidente de laisser au Gouvernement et au rapporteur du projet de loi un temps de recul suffisant pour que les opinions exprimées lors des auditions soient prises en compte. Il est en effet manifeste que les propositions et les avis émis par les élus, les représentants d'associations de collectivités – M. le président Pélissard est présent –, ainsi que par les éminents professeurs de droit public auditionnés par le rapporteur n'ont pas été intégrés dans le projet de loi. Si tel avait été le cas, celui-ci n'aurait très certainement pas prévu de réduire de moitié le nombre d'élus locaux, car les personnalités auditionnées n'ont jamais souhaité cet affaiblissement de la démocratie locale engendré par la création des conseillers territoriaux.

Si ces personnalités avaient été entendues, le texte n'aurait pas davantage proposé de créer des établissements métropolitains auxquels une majeure partie des ressources publiques serait affectée, alors que les collectivités plus fragiles, confrontées à la raréfaction des ressources, disposeront de moyens toujours plus contraints pour répondre aux besoins de la population.

Nous sommes donc très loin de l'ambition politique qui animait les grandes lois de décentralisation de 1982 et 1983, initiées par Pierre Mauroy et Gaston Defferre. Il s'agissait alors de tirer toutes les conséquences de la démocratie territoriale, de rapprocher les citoyens des représentants agissant en leur nom et, à cette fin, de donner les moyens aux collectivités territoriales d'agir dans un cadre autonome.

À contre-courant des opinions exprimées par la majorité des autorités auditionnées, le projet de réforme qui nous est aujourd'hui présenté tend à priver de tout contenu l'organisation décentralisée de notre pays, à éloigner le citoyen de l'exercice du pouvoir local et à accroître les inégalités entre les territoires. Ces orientations sont inacceptables, car elles traduisent la tendance presque obsessionnelle du Président de la République et de son gouvernement à considérer la révision générale des politiques publiques, appliquée aveuglément aux collectivités territoriales, comme la réponse unique et standardisée à tous les maux de notre organisation institutionnelle.

La quatrième considération porte sur le gel des moyens, annoncé par le Président de la République et le Premier ministre. Comment peut-on parler d'un tel gel, quand les collectivités territoriales sont victimes depuis plusieurs années – depuis que vous êtes aux affaires, monsieur le ministre – d'un étranglement patient et continu ?

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