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Intervention de François de Rugy

Réunion du 25 mai 2010 à 15h00
Réforme des collectivités territoriales — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Ce ne sont effectivement pas les habitants ou les élus de la Seine-Saint-Denis qui sont responsables des choix de l'État qui, depuis des décennies, ont conduit à la concentration des sièges sociaux des grandes entreprises dans les Hauts-de-Seine.

Ces inégalités, il faut se donner les moyens de les corriger. Or non seulement cette proposition été abandonnée mais, en outre, a émergé entre-temps une sorte de monstre technocratique piloté par l'État, que vous avez appelé « Société du Grand Paris ».

Bref, à la lecture des conclusions du comité Balladur, nous étions décidés à ne pas faire la fine bouche, à saisir toute avancée et à participer pleinement, dans un esprit constructif, aux débats autour du futur projet de loi.

Soyons clairs. Maintenant que l'Assemblée nationale est saisie du texte, nous avons le sentiment de nous être fait duper.

S'il n'allait pas jusqu'au bout de la suppression de couches du millefeuille territorial, au moins le rapport Balladur désignait-il en filigrane l'un de nos objectifs : transformer le département en un échelon de proximité à l'intérieur des régions, pour développer ces dernières – transformation qui serait aussi, j'y reviendrai, un gage de solidarité territoriale – et renforcer l'intercommunalité.

Force est de constater que le texte qui nous est soumis efface, quand il ne les nie pas, les avancées des travaux du comité Balladur.

Les réformes proposées ne règlent en rien la problématique du millefeuille. Elles l'aggravent au contraire avec les métropoles, puisque celles-ci ne se substituent pas à l'existant. Les conseils d'intercommunalité continueront, pour leur part, d'être élus au second degré, les citoyens demeurant dans l'incapacité d'en déterminer la majorité, et donc de choisir la politique menée par ces structures.

Plus grave, l'absence d'élection au suffrage universel direct de liste pour les communautés de communes, les communautés d'agglomération et les communautés urbaines empêche la tenue, tous les six ans, d'un véritable débat commun à tous les habitants d'une agglomération ou d'un pays, autrement dit commun à tous les habitants d'un bassin de vie, sur le projet qu'ils souhaitent voir mis en oeuvre sur leur territoire. Ce débat reste confisqué par ceux des élus municipaux qui seront délégués dans les établissements publics de coopération intercommunale, et seulement ceux-ci. Reconnaissons que ces débats si importants pour la démocratie et l'avenir de nos territoires sur les choix politiques, puisque les compétences intercommunales et les budgets des intercommunalités sont de plus en plus substantiels, se perdent trop souvent dans les négociations entre les maires des communes de ces intercommunalités.

De même, le télescopage avec la réforme de la taxe professionnelle est dévastateur, et consacre un recul sur la voie de la clarification et de la simplification au niveau intercommunal. En effet, la loi Chevènement-Voynet avait permis d'accélérer le développement de la taxe professionnelle unique. C'était un vrai pas sur la voie de ce que nous appelons la « caisse commune ». Pour mettre fin aux égoïsmes et aux concurrences stériles, pour faire progresser une vraie solidarité territoriale, le fait qu'une taxe, jusqu'alors perçue par les communes, lesquelles appliquent naturellement des taux différents, soit, grâce à l'intercommunalité, perçue par une seule collectivité correspondant au bassin de vie, selon un taux unique, était un progrès.

Cela permettait en effet une plus grande efficacité économique, une plus grande lisibilité pour les acteurs économiques – les entreprises désireuses de s'implanter sur un territoire ou d'y développer leurs activités –, mais aussi une plus grande solidarité territoriale. Nous savons tous que les personnes qui travaillent dans une commune ne sont pas forcément celles qui y résident, et vice versa. La vie quotidienne ne se borne pas aux limites communales – dont on a parfois l'impression qu'elles sont des frontières. Nos concitoyens et les acteurs économiques ne vivent plus comme cela. Il était bon que nos institutions locales en tiennent compte dans leur organisation. Il serait bon d'en tenir encore davantage compte demain.

Nous écologistes, pensons qu'il serait logique de mener à son terme ce raisonnement à la fois pragmatique et solidaire en réalisant également la mise en commun des impôts payés par les ménages, autrement dit les taxes foncières et d'habitation, à l'échelle d'une intercommunalité. On ne peut pas continuer à dénoncer régulièrement l'existence de poches de pauvreté dans notre pays, à dénoncer même ce que certains appellent des ghettos de pauvres et des ghettos de riches, et refuser cette évolution, seule à même de sortir concrètement de cet égoïsme.

Faisons preuve, mes chers collègues, mesdames et messieurs du Gouvernement, de lucidité et ayons le courage d'entendre l'appel d'élus de banlieue récemment initié par Claude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois en Seine-Saint-Denis. Il sait de quoi il parle, puisque c'est de sa commune que sont parties les émeutes de novembre 2005.

La mise en commun des moyens entre communes riches et communes pauvres d'un même bassin de vie ferait beaucoup plus pour la solidarité urbaine et le règlement concret des problèmes dits de banlieue qu'un énième, et bien mal nommé, plan « Espoir banlieues ».

Nous, écologistes, défendions trois principes simples.

Le premier était la généralisation de l'intercommunalité d'ici 2012, c'est-à-dire le fait que plus aucune commune ne puisse être en dehors de toute intercommunalité.

Le deuxième était le transfert de davantage de compétences des communes vers les intercommunalités. Nous proposions que les communautés de communes soient dorénavant dotées des mêmes compétences que les communautés d'agglomération, que les communautés d'agglomération soient dotées des mêmes compétences que les communautés urbaines, que les métropoles nouvellement créées héritent de nouvelles compétences.

Nous ne pouvons, sur ce point, que déplorer que vous soyez restés au milieu du gué et que vous n'ayez pas voulu mener à son terme la logique selon laquelle les métropoles auraient également eu, sur leur territoire, les compétences des départements et les ressources afférentes.

Le troisième principe était un nouveau partage de compétences, donc la définition d'un nouveau rôle pour les communes. Nous ne sommes pas pour la suppression des communes, et nous croyons à la commune comme cellule de base de la démocratie locale. Nous croyons en l'importance et en l'utilité des élus municipaux, qui jouent un rôle de médiateur entre les citoyens et les autres collectivités.

Naturellement, la logique de ces nouveaux transferts de compétences vers les structures intercommunales, qui seraient devenues des collectivités de plein droit, de plein exercice, aurait abouti à l'élection des élus intercommunaux au suffrage universel direct.

Pour ce qui est des régions, la perspective de l'abandon de la clause de compétence générale, qui, seule, donne une vraie perspective au rôle et au dynamisme des régions,…

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