Nous sommes au terme de ce débat : il n'ira vraiment pas au fond des choses, et je le regrette. Nous avons, nous, fait des efforts pour avancer des arguments ; nous n'avons rien entendu en face.
Monsieur le ministre, vous dites que le bouclier fiscal se justifie pour maintenir ou améliorer la compétitivité des entreprises, et de notre pays en général. Vous êtes ministre du budget et votre administration, Bercy, a l'habitude de regarder les chiffres ; je vais donc vous en rappeler quelques-uns. Entre 1997 et 2002, l'excédent commercial de la France se situait entre 1,5 % et 3 % du PIB, soit entre 20 et 40 milliards d'euros. Depuis 2003, le déficit s'est installé, puis régulièrement dégradé : il représente aujourd'hui 2 % du PIB, soit 40 milliards d'euros.
Qu'a fait le bouclier fiscal ? De 1997 à 2002, il n'existait pas, quand la France gagnait en compétitivité et dégageait un fort excédent commercial ; il a été instauré au moment où la compétitivité a commencé à chuter – je ne pense pas qu'il y ait une relation : il y a bien d'autres raisons pour expliquer cette dégradation apparue lorsque votre majorité est arrivée au pouvoir. Mais en tout cas, le bouclier fiscal ne l'a en aucune façon arrêtée.
Ensuite, monsieur le ministre, évoquant le débat budgétaire et la conférence des déficits qui s'est tenue ce matin, vous annoncez qu'il est nécessaire de geler les subventions aux collectivités locales. Mais, quand le déficit des administrations publiques relève essentiellement de l'État, quand l'État emprunte tous les jours sur les marchés un demi-milliard d'euros, voire plus, pour financer à 90 % des dépenses courantes, je trouve profondément scandaleux qu'il se défausse sur des collectivités locales qui sont tenues par la loi de ne financer par le déficit que l'investissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le rapporteur général, vous m'avez dit tout à l'heure que je ne comptais, dans mon rapport, que sur le Conseil constitutionnel. Mais non ! Je sais que vous lisez attentivement les rapports en temps normal ; vous avez dû lire celui-ci un peu vite. (Sourires.)
Je dis seulement que, si l'on supprime le bouclier fiscal, on en reviendra au plafonnement de l'ISF à 85 %. Aujourd'hui, il faudrait, nous le savons, améliorer ce dispositif, notamment en améliorant la mesure du revenu. La question pourrait même se poser, avec un plafonnement à 85 %, de relever, voire de supprimer le plafonnement du plafonnement. Nous aurions un dispositif qui permettrait à l'impôt de solidarité sur la fortune de fonctionner sans être pour autant confiscatoire. Cela ne poserait, je crois, aucun problème.
Je suis de ceux qui pensent – avec beaucoup d'économistes – que l'impôt sur le patrimoine est non seulement juste, mais aussi efficace économiquement. Lors de la mise en place de l'ISF, le Conseil constitutionnel avait estimé que le patrimoine constituait un facteur contributif au même titre que les revenus, et qu'il n'y avait pas de raison de ne pas le prendre en compte.
Tous les pays, d'ailleurs, imposent le patrimoine – peut-être pas sous la forme d'un impôt national, mais sous celle d'un impôt local. Les pays qui imposent le plus le patrimoine sont la Grande-Bretagne et les États-Unis : leur imposition locale est beaucoup plus élevée que notre taxe foncière.
L'imposition du patrimoine n'est donc pas une chose nouvelle, et un certain nombre d'économistes parmi les plus célèbres, et parmi les plus libéraux – je pense bien sûr à Maurice Allais –, estiment qu'imposer le patrimoine, c'est obliger le patrimoine à vivre, c'est l'empêcher de dormir. Cela a donc une efficacité économique.