Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on a pu lire, ici ou là, ces derniers jours, que l'hypothèse d'une avancée sociale était envisagée. La chose est suffisamment rare pour que l'on s'y arrête ! Dans le dossier des retraites, le Gouvernement réfléchirait en effet à l'instauration d'une « contribution supplémentaire de solidarité sur les hauts revenus et les revenus du capital », qui ne serait pas intégrée dans le périmètre du bouclier fiscal. La belle affaire ! Nous avons appris à nous méfier des promesses du Gouvernement. Il avait tenté de nous faire croire à une augmentation du pouvoir d'achat, à une recherche de la croissance « avec les dents » et à la fin des paradis fiscaux.
Il conviendra donc de juger cette contribution de solidarité sur pièces. Si elle ne représente que quelques centaines d'euros, quand des contribuables reçoivent des chèques de 1,8 million d'euros de la part du trésor public, l'éraflure dans le bouclier fiscal relèvera de l'esthétique plutôt que de la faille défensive !
Présenter comme une avancée sociale ce qui ne constitue qu'une reculade politique demeurera, quoi qu'il en soit, largement insuffisant – cette avancée sociale annoncée s'annonçant de toute façon bien limitée, tant par la portée de la mesure que par la comparaison avec d'autres dossiers que celui des retraites. La sauvegarde du système de retraite fera appel à la solidarité, soit. Mais je rappelle que, lors de l'instauration du RSA, les bénéficiaires du bouclier fiscal ont été dispensés de participation à la solidarité, par un raisonnement qui paraît bien abscons.
Dès le 25 septembre 2008, nous pointions d'ailleurs l'incohérence du dispositif retenu pour financer le revenu de solidarité active. Les revenus du patrimoine et les revenus de placements ont été taxés à hauteur de 1,1 % ; mais on exclut les bénéficiaires du bouclier fiscal de la taxation : le caractère inique de cette mesure nous avait stupéfaits. Les difficultés rencontrées depuis par les départements pour financer le RSA ont confirmé qu'il n'aurait pourtant pas été inutile de les mettre à contribution.
Je rappelle, à titre d'illustration, les chiffres donnés par notre collègue Henri Nayrou lors de la séance de questions au Gouvernement de mardi dernier. De la fin de l'année 2009 à la fin de l'année 2010, le montant que représente le RSA au sein des dépenses du département de l'Ariège a augmenté de 12 %, progressant jusqu'à 23 millions d'euros, alors que l'État s'en tenait aux 19 millions prévus à l'origine.
Malgré ces chiffres inquiétants, les plus fortunés de nos concitoyens ne déboursent toujours pas un centime pour financer le revenu de solidarité active : le Gouvernement ne voudrait pas prendre le risque de les effaroucher. Il faut les choyer pour les empêcher de partir, si ce n'est pour les inciter à rentrer.
Rappelez-vous les promesses qu'on nous avait faites sur le retour des exilés fiscaux : le rapport de notre collègue Pierre-Alain Muet démontre que l'objectif n'est pas rempli, tant s'en faut. Le bouclier fiscal, conçu pour ne bénéficier qu'aux plus aisés, est aussi inefficace – et aussi coûteux – que la ligne Maginot.
Il suffit de lire, dans la presse régionale, le courrier des lecteurs, et d'ailleurs d'être, comme nous, tous les jours aux côtés de nos concitoyens, pour voir qu'ils sont inquiets. Je voudrais vous faire part d'une citation d'Alphonse Allais qui me semble illustrer le sentiment d'une grande partie de nos concitoyens à propos de cette mauvaise histoire de bouclier fiscal : « Il faut prendre l'argent là où il se trouve, c'est-à-dire chez les pauvres. Bon, d'accord, ils n'ont pas beaucoup d'argent, mais il y a beaucoup de pauvres ! »