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Intervention de François de Rugy

Réunion du 20 mai 2010 à 15h00
Abrogation du bouclier fiscal — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Le paradoxe, c'est que le maintien du bouclier fiscal contribue à entretenir ce mythe d'une cagnotte cachée, pour reprendre une expression qui, en son temps, fut, hélas, médiatiquement efficace, à défaut d'être financièrement juste.

Aberration financière, cette disposition est aussi une aberration sociale. Notre identité nationale, dont on nous a sommés de trouver une définition, n'est pas une culture, une religion, ou une ethnie : c'est un pacte. Un pacte conclu entre chaque citoyen et la République, une République qui est démocratique, laïque, décentralisée, mais aussi, ne l'oublions pas – c'est inscrit dans notre Constitution – sociale. Ce pacte, nous devons le protéger et le cultiver, car il est à la fois le fruit de notre histoire et le gage de notre avenir.

Notre pacte social doit se concrétiser par deux bornes claires, qui l'encadrent et lui donnent sa cohérence : le minimum vital, afin qu'aucun des habitants de ce pays ne puisse sombrer dans la pauvreté, et le maximum moral, afin que personne ne puisse s'exclure de la nécessaire solidarité qui lie entre eux les citoyens de notre République.

L'autre soir, sur un plateau de télévision, un des responsables de la majorité déclarait : « On ne réglera pas les difficultés financières de nos comptes publics en abolissant le bouclier fiscal. » Il a raison. Il faudra en effet autrement plus d'imagination et de doigté pour mieux répartir les charges et mieux distinguer entre investissements utiles et productifs et dépenses superflues ou reportables – je pense notamment à certains projets d'infrastructures. Il faudra revenir sur certaines dispositions de la loi dite du « paquet fiscal », notamment dans le cadre de la limitation des niches fiscales. Nous devrons également remettre en cause ces mesures absolument aberrantes que sont l'exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires et l'exonération d'impôt sur les plus grosses successions et, de manière générale, ces dispositions qui n'ont rien à voir ni avec la valeur travail, dont vous vous gargarisez, ni avec les revenus du travail, puisqu'elles visent des revenus du patrimoine, de l'argent gagné grâce à l'économie de la rente. Je pense encore à ces autres réformes fiscales – la réforme de la taxe professionnelle et la baisse de la TVA dans la restauration – qui ne bénéficient pas aux Français qui travaillent, aux salariés.

C'est donc bien une nouvelle logique fiscale qu'il faudra définir, une nouvelle cohérence entre pays de la zone euro qu'il faudra assurer, de nouveaux choix économiques et industriels qu'il faudra faire. En un mot, il nous faudra définir, puis mener une nouvelle politique. Ce sera l'enjeu des échéances électorales à venir. Mais notre pays ne peut pas attendre ; il faut, dès aujourd'hui, commencer à rétablir la situation de nos finances publiques. Dans cette perspective, il convient de compléter la phrase prononcée par le dirigeant de l'UMP que je citais à l'instant : « On ne réglera pas les difficultés financières de nos comptes publics en abolissant le bouclier fiscal », mais on ne pourra pas y parvenir sans le supprimer. À nos yeux, cette suppression n'est ni une fin ni un moyen suffisant : c'est tout simplement une condition nécessaire.

Le bouclier fiscal est un symbole. La majorité elle-même en a fait un symbole, en s'y accrochant envers et contre tout, alors que la crise frappe nos concitoyens et que les déficits n'ont jamais été aussi importants. C'est le symbole de l'injustice fiscale, qui vient s'ajouter aux injustices économiques, sociales et environnementales. Si j'ai bonne mémoire, monsieur le ministre du budget, vous avez vous-même déclaré devant la commission des finances que les petits revenus bénéficiant du bouclier fiscal étaient les plus nombreux, mais qu'ils ne représentaient que 1 % du coût de cette mesure pour le budget de l'État.

Pour reprendre le chemin de la justice sociale, il faut mettre à bas tous les obstacles qui s'y trouvent, à commencer par le bouclier fiscal. C'est pourquoi les députés du groupe GDR voteront la proposition de loi du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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