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Intervention de François de Rugy

Réunion du 20 mai 2010 à 15h00
Abrogation du bouclier fiscal — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous le voulions ou non, que le Gouvernement le reconnaisse ou non, nous allons vers une politique de rigueur. On ne peut donc que se réjouir de discuter aujourd'hui du bouclier fiscal, une mesure qui est financièrement aussi peu rigoureuse qu'elle est fiscalement et socialement injuste. Nous, écologistes, avions d'ailleurs proposé sa suppression, ainsi celle de l'ensemble des mesures de la loi dite du « paquet fiscal » de 2007 – qui constitue décidément le péché originel du sarkozysme – dans la proposition de loi de transformation écologique de l'économie, que j'ai défendue ici même il y a un an.

À de multiples reprises, le Premier ministre ainsi que les ministres du budget qui se sont succédé ont voulu faire accroire que notre volonté d'abolir le bouclier fiscal était le fruit d'une sorte de culte que l'opposition vouerait à l'impôt ; M. Fillon l'a encore répété hier, lors des questions au Gouvernement. Mais les Français ont appris à leurs dépens qu'en matière de création de taxes, ce gouvernement a l'imagination fertile et que, derrière ses déclarations souvent hostiles à la contribution des particuliers, se cache en fait une politique très fruste et très brutale, qui consiste à multiplier les taxes payées par tous tout en limitant la contribution de quelques-uns, toujours les mêmes, et qui ne sont jamais les plus démunis.

M. le rapporteur général, Gilles Carrez, a indiqué tout à l'heure qu'aucune des nouvelles contributions de solidarité, notamment celle envisagée dans le cadre de la réforme des retraites, ne devrait pas être incluse dans le bouclier fiscal. Cela sonne comme un aveu – M. Sarkozy ne déclarait-il pas il y a quelques jours : « un bouclier qui laisserait passer une flèche ne serait plus un bouclier » ? Surtout, vous avez déjà eu l'occasion d'appliquer ce principe lorsqu'a été créée une taxe pour financer le revenu de solidarité active.

En cette période de déficits abyssaux, comment ne pas voir que le bouclier fiscal est une aberration fiscale, économique et sociale ? Alors que nous sommes si prompts à critiquer les autorités d'autres pays européens pour leur imprévoyance, voire leur incompétence, et leur incapacité à assurer la juste collecte de l'impôt, comment pouvons-nous encore supporter ici, et dans la légalité, une disposition qui dispense de la contribution publique les plus favorisés de nos concitoyens ?

Le Premier ministre justifiait la création de ce bouclier par la volonté de mettre fin à l'évasion fiscale et il nous annonçait que sa mise en oeuvre permettrait – je ne fais que citer des responsables de la majorité, notamment vous, madame la ministre – de « faire revenir » ceux que le poids des impôts avait fait fuir vers d'autres cieux. Or, ces Français prétendument accablés par les charges, émigrés à quelques kilomètres de nos frontières – en Suisse et en Belgique –, sont-ils revenus ? Non, si l'on en croit les chiffres que vous avez vous-même fournis, monsieur le ministre du budget, à la commission des finances il y a quelques semaines, lorsque celle-ci vous a auditionné à propos du boulier fiscal.

En 2007, le Président de la République nous annonçait une « nouvelle culture de gouvernement », fondée sur l'évaluation et la culture du résultat. Eh bien, chiche ! Puisque, à l'évidence, les résultats ne sont pas à la hauteur des prétentions, tirons-en les conséquences et procédons à l'abolition d'une mesure qui, en baisse de rentrées fiscales, a coûté à la collectivité autrement plus que ce qu'elle lui a rapporté en recettes nouvelles. La rigueur, ce ne sont pas de nouveaux impôts : c'est la nécessité de revisiter notre politique fiscale, avec l'impératif d'optimiser toutes les ressources qui peuvent l'être pour ne pas creuser la dette. À ce propos, le président de la commission des finances a fort justement énuméré, tout à l'heure, les nombreuses niches fiscales qui pourraient être revues. Alors que le Gouvernement multiplie les déclarations nous appelant à prendre conscience de la difficile situation budgétaire de la France, alors que l'on somme nos partenaires au sein de l'Union européenne de faire preuve de responsabilité, balayons devant notre porte !

Parce que nous sommes responsables, nous ne verserons pas dans la facilité qui consisterait à faire croire à nos concitoyens que la suppression du bouclier fiscal réglerait tous nos problèmes. Au reste, je crois que, sur ces bancs, chacun est bien convaincu de l'impérieuse nécessité de dire à nos compatriotes qu'il n'y a pas, dans ce pays, une source magique qui, à elle seule, nous permettrait de nous dispenser de l'effort qui est devant nous.

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