Il est faux de considérer – et c'est un de nos désaccords essentiels – que le résultat d'une élection tranche tout débat pour la durée du mandat. Il est faux de croire que l'opposition parlementaire doit prendre son mal en patience et rester passive jusqu'à ce que son tour vienne.
Dans une démocratie libérale, le devoir de l'opposition est d'attirer l'attention de l'opinion publique sur les décisions qu'elle juge dangereuses. Dans l'exercice de cette mission, le droit d'amendement est l'un de ses principaux pouvoirs d'alerte. Cela est vrai pour nous comme pour vous, chers collègues, lorsque vous êtes dans l'opposition. C'est d'ailleurs ce que déclaraient Jean-Christophe Lagarde et les responsables du Nouveau Centre, il y a quelques mois ; ils devraient s'en souvenir et refuser ce texte qui met à mal les droits fondamentaux du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Le droit d'amendement doit en effet permettre à l'opposition, quand les circonstances le justifient, de mettre quelques grains de sable dans les rouages de mécaniques trop bien huilées. Ce faisant, elle ne dessert pas la démocratie ; elle applique, au contraire, le principe de Montesquieu, selon lequel le pouvoir doit être en mesure d'arrêter le pouvoir. C'est le fondement même de la démocratie.
Il serait inexact de prétendre que la minorité peut ainsi obtenir la mise en échec de la volonté de la majorité. Chacun sait en effet que les murs d'amendements restent des murs de papier et qu'ils n'ont jamais pu, à eux seuls, faire échouer l'adoption d'un texte. La Constitution offre au Gouvernement tout l'arsenal nécessaire pour écraser ce que certains appellent la « guérilla parlementaire ». Certes, la nouvelle rédaction de l'article 49-3 encadre strictement l'usage de celui-ci, mais la procédure du vote bloqué, prévue à l'article 44-3, reste intacte et permet de clore tous les débats, à tout instant, par un seul vote.
L'obstruction de l'opposition n'a donc de chances d'aboutir que dans l'hypothèse où la mobilisation de l'opinion publique finit par faire bouger les lignes au sein de la majorité – je pense au projet de loi sur le travail du dimanche – ou au sein même du Gouvernement, comme l'attestent certaines révélations récentes sur le CPE.