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Intervention de Manuel Valls

Réunion du 13 janvier 2009 à 21h30
Application des articles 34-1 39 et 44 de la constitution — Motion référendaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaManuel Valls :

Son objectif à peine voilé – je vous le rappelais : on nous a prévenus qu'il faudrait « travailler très dur » – consiste à aligner le pas du Parlement sur la marche du chef de l'État, elle-même calquée sur le rythme frénétique de l'actualité médiatique ! Et l'on voudrait nous faire croire que nos travaux sortiraient grandis de cette fuite en avant !

Si le Président de la République regrette que les députés socialistes « déposent des amendements à la brouette », il devrait, pour sa part, renoncer à faire déposer des projets de loi par charrettes. Notre République n'a besoin ni d'un roi fainéant, ni d'un Roi Soleil ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

En réalité, comme nous l'avons démontré, la pagaille dont vous parlez n'est pas le fait de l'obstruction de l'opposition. L'engorgement législatif relève d'abord, et avant tout, de la responsabilité d'un exécutif qui oublie le sens de ses priorités, et qui se plaint ensuite que le sceptre du pouvoir n'ait pas l'efficacité d'une baguette magique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Donner, chaque semaine, un nouveau texte en pâture aux médias est la pire manière de faire la loi. Un rapport du Sénat, publié en novembre dernier, le prouve : depuis le début de la présente législature, le taux de mise en oeuvre des lois votées n'atteint même pas 25 % ! Balayez donc devant votre porte avant de mettre en cause le droit d'amendement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Ce triste bilan rappelle que le temps de l'action publique n'est pas le temps médiatique. La noblesse de la politique est de prendre en charge la durée, et de dégager des perspectives qui débordent le cadre étroit du premier titre des journaux télévisés de vingt heures.

Selon la formule du juriste Hans Kelsen, le Parlement est « le destin de la démocratie ». Au vu des dangers qui le menacent, ce destin s'annonce malheureusement bien sombre. Pour faire du Parlement un rouage capable de légaliser toujours plus vite les volontés présidentielles, le Gouvernement souhaiterait qu'il devienne le seul endroit au monde où soit enfin assuré un risque zéro.

Dans ce schéma, strictement inverse aux conceptions de Montesquieu, les institutions doivent s'agencer dans leur ensemble pour constituer un engrenage parfaitement chronométré qu'aucun grain de sable ne peut jamais enrayer. Il s'agit là, je le crains, du destin d'une démocratie d'automates !

Ayant replacé le projet de loi organique dans son contexte, j'entre maintenant dans le détail de ses articles. (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

À en croire vos déclarations, monsieur le secrétaire d'État, chacune des dispositions de ce texte aurait pour unique objet de renforcer les droits du Parlement. Tout, selon vous, y compris l'instauration d'un « crédit temps », contribuerait à restaurer ses prérogatives. Autant dire d'un corset de fer qu'il pourrait se transformer en une belle robe de mariée ! L'analyse du projet révèle, au contraire, que, partout, le poison est dans le miel, quand il n'est pas injecté sans mélange.

Présenté, en juin dernier comme un droit nouveau venant utilement « combler ce qui avait pu apparaître comme une lacune dans les modes d'expression du Parlement », le droit de résolution sort éreinté des cinq articles du chapitre Ier du projet de loi organique. Je passe sur les banderilles qu'il reçoit aux articles 4 et 5 pour aller directement au coup de grâce de l'article 3.

Selon cet article, le Premier ministre est le juge unique et sans appel de la recevabilité des propositions de résolution. S'il estime qu'elles contiennent « une injonction à son égard », il pourra interdire, sans recours, leur inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée. Au moins, les choses sont-elles claires : le droit de résolution devra servir, avant tout, à faire la louange de l'action du Gouvernement !

Nous retrouvons encore la logique d'un schéma reposant sur l'intégration parfaite des différentes institutions : chaque pouvoir accordé à l'une des parties doit augmenter celui des autres. En effet il est essentiel que, en toutes circonstances, toutes les institutions restent solidaires entre elles pour augmenter le rendement de l'ensemble.

De même, les études d'impacts sont largement vidées de leur contenu au fil des dispositions du chapitre II. Alors que le Premier ministre avait défendu, le 8 juillet 2008, « l'obligation d'assortir tous les projets de loi d'études d'impact », le texte énumère une série d'exceptions à cette règle. Surtout, il suspend cette obligation au bon vouloir du Gouvernement, même pour les simples lois ordinaires. Il suffira, en effet, que l'urgence soit déclarée sur un texte pour en affranchir l'exécutif.

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