Toutefois, je redoute davantage le danger plus pernicieux encore d'une emprise croissante des discours technocratiques dans le débat public. La complexité grandissante des problèmes auxquels sont confrontées les sociétés modernes pourrait faire penser que les analyses politiques sont aujourd'hui dépassées et que le poids des réalités a fini par écraser la force des valeurs. Selon cette hypothèse, la seule voie d'action possible resterait celle du prudent pragmatisme enseigné dans les plus hautes écoles de l'État.
La logique de ce projet de loi organique, j'en suis convaincu, relève aussi de cette tentation technocratique. Limiter le temps de parole et le droit d'amendement des parlementaires, c'est leur signifier que les projets de loi, préparés par les fonctionnaires des cabinets ministériels sont parfaits, au moment de leur dépôt. Aujourd'hui, plus encore qu'au début de la Ve République, la « rationalisation du parlementarisme » est avant tout le masque de cette rationalité technique.
Avec tous les membres de mon groupe et, au-delà, j'en suis sûr, avec beaucoup d'autres parmi vous, nous sommes fiers de nous ranger parmi ceux qui ne renoncent pas à l'ambition de faire de la politique.
Indice d'une tentation technocratique, le projet de loi organique est également le symptôme d'un second mal sans doute plus grave encore. Le dispositif tend en effet à raccourcir le temps consacré à la discussion des textes pour garantir leur publication rapide au Journal Officiel.