J'ai tenu à intervenir pour faire le lien entre le débat qui vient de se tenir sur la politique de la ville, dans lequel nous avons évoqué les enjeux de logement, de patrimoine et d'hébergement, et celui-ci.
Depuis 2007, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, l'État s'est engagé dans une vaste opération de modernisation de son parc immobilier ayant pour objectif de le rendre plus économe et plus rentable pour les finances publiques. Si, dans un contexte d'accroissement de la dette publique, cet objectif est plus que nécessaire, il peut devenir insuffisant s'il se trouve vidé d'un certain sens pratique. J'irai plus loin : cette stratégie risque même d'être contre-productive sur le long terme.
Le ministre porte-parole du Gouvernement, dans sa note du 5 mai 2010, évoque cette stratégie en citant le chiffre de 3 milliards d'euros obtenus par les ventes immobilières et un objectif de 1 700 biens vendus dans les trois prochaines années. Chiffres que vous avez rappelés, monsieur le ministre.
Lorsque l'hypothèse du maintien de l'usage par l'administration d'État n'est pas retenue, je regrette qu'une telle stratégie soit conduite sans vision globale et par la seule vente du patrimoine immobilier de l'État. Le Gouvernement paraît ainsi se contenter exclusivement de vendre son patrimoine, dans des conditions encore trop confuses et non transparentes, qui peuvent dissimuler des dilapidations et des exigences inappropriées.
Je souhaite en particulier vous questionner, monsieur le ministre, sur les conditions dans lesquelles l'existence d'un patrimoine aussi conséquent pourrait servir aux politiques de lutte contre la crise du logement et de l'hébergement que traverse notre pays.
Depuis l'adoption de la loi instituant le droit au logement opposable, en mars 2007, l'État a l'obligation de reloger les ménages reconnus prioritaires. Cette obligation, l'État, on le sait, est dans l'incapacité de la respecter faute de logements suffisants dans les contingents préfectoraux et de l'absence d'une offre nouvelle suffisante.
Le Gouvernement a la possibilité d'augmenter cette offre de logement en engageant un programme d'utilisation, après réhabilitation et rénovation, de ses propres bâtiments. À titre d'exemple, la transformation d'anciennes casernes militaires en résidences étudiantes montre que l'État est capable d'accompagner ce genre de stratégie d'une manière extrêmement efficace.
Alors que le Gouvernement s'était engagé à rendre accessibles 70 000 logements sur la période 2008-2012 grâce à la transformation des immeubles de l'État, moins de la moitié, 20 000 à peu près, ont été réalisés. Par contre, l'État a fait preuve de beaucoup plus d'efficacité lorsqu'il a été question de vendre ses immeubles, notamment à des promoteurs privés, en écartant des offres d'opérateurs du logement social incapables de faire face au coût des acquisitions, souvent malgré l'intervention d'élus qui défendaient la possibilité de développer du logement social.
Cela est d'autant plus regrettable que la principale difficulté rencontrée actuellement pour augmenter l'offre locative dans notre pays est la pénurie du foncier disponible. En vendant ses bâtiments et les terrains sur lesquels ils se trouvent, l'État s'est privé d'une offre foncière qui aurait été bien utile pour répondre à ses obligations face à la demande des ménages qui n'arrivent pas à se loger.
Ainsi, dans le seul objectif du retour budgétaire escompté de ces opérations, le Gouvernement semble préférer agir à la hâte en vendant au plus vite des immeubles. C'est une vision « court-termiste », une gestion à la petite semaine.
Face à la crise du logement, là où des besoins réels s'expriment de manière urgente, notamment dans les grandes agglomérations, le Gouvernement doit ouvrir de nouvelles stratégies et s'engager dans une politique de transformation de son parc immobilier afin de construire des logements locatifs très sociaux. Avec une vraie volonté politique, comme cela a eu lieu dans certains territoires, l'État peut accroître son action pour lutter contre la crise du logement.
En ce sens, il apparaît judicieux que l'État recoure aux outils qui sont déjà à la disposition des acteurs publics. Je pense notamment au bail emphytéotique, que vous pourriez utiliser pour permettre aux opérateurs sociaux de prendre usage des immeubles. Cela garantirait à l'État un revenu constant tout en apportant une réponse à la carence de l'offre locative sociale et – je le dis aux membres de la commission des finances – au coût exorbitant qu'assument actuellement l'État et les collectivités territoriales pour répondre aux obligations d'hébergement.
Je tiens à vous rappeler que chaque jour, les collectivités publiques dans leur ensemble, État compris, dépensent 1 million d'euros pour assumer des charges d'hébergement. Cela garantirait donc à l'État un revenu constant tout en apportant une réponse à la carence de l'offre locative sociale. Cette stratégie doublement gagnante serait beaucoup plus pertinente que la politique que vous conduisez.
Je vous demande d'engager vraiment une stratégie qui préserverait la richesse patrimoniale de l'État, l'allégerait de charges lourdes et, bien entendu, permettrait de mieux satisfaire l'attente des populations concernées. Tel était le sens de mon intervention. Je tiens à ce que vous, monsieur le ministre, mais aussi vous, monsieur le président de la commission des finances et monsieur le rapporteur spécial, n'écartiez pas l'hypothèse que ce patrimoine d'État pourrait être demain au service de l'État pour lui permettre de répondre aux obligations qu'il doit assumer en matière de droit au logement et d'hébergement d'urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le 21/07/2010 à 22:27, descharrieres a dit :
bonjour monsieur,
Je vais faire en sorte d'être brève et d'entrer de suite dans le vif du sujet. Je serais d'ailleurs très heureuse d'avoir votre réponse (je rêverais qu'elle soit favorable).
En effet, Monsieur Sarkozy a dit vouloir "une France de propriétaires" !!! et vous parlez de logements sociaux locatifs ??? trouvez-vous normal, alors que des lois existent dans ce sens, que les organismes sociaux augmentent leur patrimoine locatif (à coup de subventions et d'aides en plus des loyers) et refusent que leurs locataires (qui ne sont pas jugés aptes à bénéficier de crédits bancaires conséquents de 15 ou 20 ans, mais qui, par contre sont aptes à payer un loyer toute leur vie (loyer souvent plus élevé que le crédit qu'ils auraient eu à rembourser)) deviennent propriétaires du logement qu'ils occupent ! sous prétexte de rentabilité et de diminution de patrimoine ?
Beaucoup de gens ont la même impression que moi, à savoir, que les facilités accordée concernant l'achat de logements, ne sert en fait, qu'à développer le patrimoine locatif, des propriétaires loueurs et des organismes de logements sociaux. Dans cette optique, les primo-accédants sont bien loin de vos préoccupations, n'est-ce pas ?
Ne croyez-vous pas, que des locataires de longue durée dans des logements sociaux (s'ils sont effectivement réservés à de réels bénéficiaires modestes) pourraient enfin devenir propriétaires de leur logement ? Nous vendre les appartements dans lesquels nous vivons depuis tant d'années ne changera pas la conditions des mal logés.
merci de votre attention
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