Monsieur le ministre, vous nous expliquez que la plus-value réalisée s'est élevée à 100 millions d'euros. Reconnaissez que ceux qui vous ont communiqué cette somme manquent même d'habileté… Ils auraient, en effet, pu compter en unités pour donner plus de crédibilité à ce chiffre qui est, bien sûr, inexact ! C'était effectivement une belle opération pour ce groupe, qui a non seulement enregistré une plus-value astronomique, mais l'a également rendue non imposable en transférant l'immeuble à une filiale de droit luxembourgeois. L'impossibilité pour nous de savoir ce qui s'est véritablement passé pose problème. Il y a des personnes qui travaillent ensemble et qu'unit une sorte de « connivence de classe ». Je veux dire qu'elles ont fréquenté les mêmes écoles. N'y voyez pas d'autre allusion ! Les connaissances liées favorisent la discrétion dans la communication, y compris au Parlement, des données exactes ! Rappelez-vous l'audition sur l'Imprimerie nationale à laquelle nous avons procédé à l'époque. Les hauts fonctionnaires – que je ne confonds pas avec l'ensemble des fonctionnaires – nous ont communiqué des chiffres. Quand j'ai demandé à la personne auditionnée quelles conclusions elle tirait de cette aventure, que nous a-t-elle répondu ? Après un temps de réflexion, elle nous a dit que « la prochaine fois, il faudrait faire appel à des personnes compétentes ». Lorsque j'ai alors enchaîné sur une autre question : « Ne trouvez-vous pas, monsieur, que c'est cher payer votre formation professionnelle ? », nous n'avons eu, pour toute réponse, que le silence ! Nous ne pouvons pas nous satisfaire de telles situations. L'absence d'enquête et de sanctions n'est, à mon sens, pas légitime. Comment traite-t-on le petit contribuable qui paie avec retard ? Comment agit-on avec l'automobiliste qui a commis une infraction au code de la route, et qui est légitimement sanctionné, lorsqu'il ne paie pas ponctuellement sa contravention ? On le traite avec infiniment plus de sévérité, laquelle est la plupart du temps fondée. Décidément, plus on est placé haut dans la hiérarchie, moins on a à répondre de ses actes ! Cela ne vaut pas, dans ce cas particulier, seulement pour les hauts fonctionnaires, mais également pour les ministres qui n'ont pas contrôlé suffisamment les hauts fonctionnaires placés sous leur responsabilité. Les omniprésents principes de rationalisation et de transparence contenus dans la LOLF et dans la RGPP n'avaient visiblement pas présidé à la conduite de cette opération !
Si, depuis cet épisode consternant, on n'a plus constaté d'errements de cette ampleur, il convient néanmoins de s'interroger sur la politique immobilière de l'État. Compte tenu de l'état des finances publiques, une politique de cession massive reprendra, mais se fera-t-elle au profit de l'intérêt général ? Qui, par exemple, a eu l'idée de priver l'État français du Centre de conférences internationales de l'avenue Kléber ? Nous ne sommes tout de même pas un État de deuxième zone ou un petit État ! Ce n'est pas être condescendant que de considérer que la France n'est ni Chypre ni Malte ! Notre État n'a-t-il pas besoin d'un grand centre de conférences ? Certes, un tel centre va être construit ! Mais pourquoi nous sommes-nous séparés du Centre de conférences Kléber ?
Il semble nécessaire de revenir sur les chiffres des ventes pour les deux dernières années. Les ventes réalisées en 2008 et en 2009 ont été très loin des objectifs annoncés. Vous nous avez dit que c'était dû à la crise et qu'il était hors de question de brader ! Sur les 1,2 milliard d'euros attendus l'an dernier, seuls 200 millions ont été réellement dégagés. Cela suscite chez nous une certaine perplexité, pour ne pas dire une perplexité certaine, quant à la méthode et au calendrier. Michel Bouvard a tout à l'heure évoqué les évaluations domaniales. Il y a beaucoup à dire sur ce point, qui ne concerne pas seulement le sujet dont nous traitons aujourd'hui. Il existe une grande inégalité en ce domaine. Les évaluations domaniales varient selon le lieu et selon leur auteur. Dans certains cas, on choisit le marché comme critère, alors que ce n'est parfois pas légitime et, dans d'autres, on s'appuie sur des critères plus complets tenant compte des réalités objectives du lieu où se trouve le bien à évaluer.
Quelque 1 700 immeubles doivent être cédés entre 2010 et 2012, soit 6 % des biens de l'État, avez-vous annoncé, monsieur le ministre. Parmi les biens qui doivent être vendus, on constate une grande hétérogénéité. En effet, on y trouve pêle-mêle des immeubles de prestige au coeur de Paris, des maisons forestières ou des terrains militaires, parfois cédés aux communes pour un euro symbolique. Les restructurations militaires, la nouvelle carte judiciaire ou la fusion des services des impôts vont permettre de céder également des centaines d'immeubles. Outre le siège de Météo France, acheté par la Russie début mars, le Gouvernement est sur le point de se séparer des locaux de l'Institut géographique national et des services fiscaux de la rue La Boétie, dans le 8e arrondissement, et d'immeubles de la rue Saint-Dominique et du boulevard de La Tour-Maubourg, dans le 7e.
Vous avez évoqué les terrains non bâtis. Je pense que, dans certains cas, nous devons nous garder de vouloir faire rentrer de l'argent à tout prix. Dans une ville aussi dense que Paris, par exemple, des terrains non bâtis doivent servir autrement l'intérêt général. Même si l'État doit renoncer à des recettes, aménager des services publics contribuant à la qualité de vie de la population est essentiel. Si l'armée quitte un jour, par exemple, les locaux situés près de la place de la République, pourquoi ne pas en faire bénéficier la population d'un quartier qui compte peu d'espaces publics ?