Monsieur Liebgott, sachez, en tout cas, que je connais parfaitement le monde des quartiers populaires.
Mesdames, messieurs les députés, je me réjouis de la tenue de ce débat sur la politique de la ville. Il témoigne, s'il en était besoin, de notre volonté d'offrir un meilleur avenir aux habitants de nos quartiers populaires.
Vous et moi avons une ambition et un objectif communs que vous avez bien soulignés dans chacune de vos interventions : la réduction des inégalités sociales et économiques entre les territoires.
Cependant, vous n'ignorez pas que cette préoccupation n'est pas nouvelle. Déjà, en 1981, les affrontements dans la cité des Minguettes révélaient à l'opinion publique la profondeur de ce que nous appelions, à l'époque, le malaise des banlieues. Pour répondre à ce mal-vivre des quartiers abandonnés, le rapport fondateur d'Hubert Dubedout, Ensemble, refaire la ville, posait, en 1982, les bases d'une politique de la ville destinée à reconstruire globalement le tissu urbain, culturel et social. En d'autres termes, il fallait améliorer le carnet de santé en même temps que le carnet de notes.
Cette ambition de refaire la ville ensemble est mon leitmotiv. En effet, pour moi il n'y a pas de villes de droite ou de villes de gauche ; il y a tout simplement des villes riches et des villes pauvres, des quartiers chics et des quartiers chocs.
La belle ambition de refaire la ville ensemble s'est perdue en route. Depuis 1982, de nombreux ministres se sont succédé, de gros efforts ont été accomplis, et une multitude de plans a été mise en oeuvre, sans que rien n'ait fondamentalement changé. Les résultats escomptés n'ont pas été au rendez-vous.
Que s'est-il passé ? Que nous a-t-il manqué ? Comment expliquer que trente ans de politique de la ville n'aient pu venir à bout des inégalités sociales et économiques dans nos quartiers ?
Nos erreurs, nos imprécisions ou, tout simplement, nos renoncements ont été énumérés dans de nombreux rapports comme ceux publiés par la Cour des comptes et, surtout, ceux qui émanent de la représentation populaire, c'est-à-dire de l'Assemblée nationale et du Sénat. C'est pourquoi, mesdames et messieurs les députés, dès ma prise de fonction, et avant d'engager quoi que ce soit, j'ai voulu m'appuyer sur vos analyses et vos propositions pour nourrir l'ambition que nous avons de refaire ensemble la ville.
Après une large concertation territoriale, j'ai élaboré, sur la base de cette réflexion, la dynamique « Espoir banlieues », présentée par le Président de la République le 8 février 2008. Il s'agit de faire de nos territoires en difficulté le lieu d'une dynamique collective qui mobilise l'ensemble des acteurs impliqués. Cela concerne l'État, bien sûr, avec le retour du droit commun, dans le cadre d'un programme triennal porté par chacun des ministères, mais également les collectivités locales, dans le cadre d'un partenariat responsable et ambitieux, et le monde économique, parce que l'émancipation et l'intégration passent par la fiche de paie, et parce que le retour de la croissance sera aussi porté par les habitants des quartiers qui regorgent de talents.
Cette dynamique rompt avec la logique curative des plans précédents, car nos quartiers ne sont pas malades. Elle n'est pas un catalogue de mesures, mais une politique sur mesure, qui répond aux exigences et aux besoins des habitants des quartiers.
Enfin, cette nouvelle politique de la ville se fonde sur une démarche d'évaluation et une culture du résultat. Dans ce but, l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, que j'ai voulu indépendant, produit chaque année un rapport sur la situation des quartiers populaires, sujet sur lequel il apporte un éclairage sans concession.
Pour pouvoir mettre en oeuvre efficacement cette politique de la ville rénovée, j'ai aussi modifié la gouvernance. À présent, celle-ci s'articule au niveau national autour d'une instance de consultation, le Conseil national des villes, d'une instance de décision, le Comité interministériel des villes, et d'une instance de préparation et d'exécution, le Secrétariat général du Comité interministériel des villes. Cette réforme permet une meilleure visibilité et une meilleure efficacité.
La politique de la ville agit aujourd'hui tant sur le développement urbain – grâce à la rénovation urbaine et au désenclavement – que sur l'humain, grâce à l'accompagnement social de tous les habitants, notamment les plus modestes.
Son volet le plus visible reste, bien entendu, celui de la rénovation urbaine. Le beau et le vert ne sont plus aujourd'hui l'apanage des quartiers aisés, et vous êtes unanimes pour dire que cela marche. L'ensemble du programme de rénovation urbaine est ainsi salué par les élus de tous bords, mais aussi, et surtout, par les habitants qui retrouvent considération et dignité lors de la transformation de leur quartier.
Depuis 2007, le chemin parcouru par l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, est considérable et 3,4 millions d'habitants ont vu leurs conditions de vie transformées par les résultats concrets d'une rénovation urbaine qui a changé d'échelle puisque 60 000 logements ont été démolis tandis que 70 000 logements sociaux ont été construits et 200 000 réhabilités, et que 140 000 logements étaient « résidentialisés ». Il faut aussi citer les nombreux aménagements et équipements créés ou réhabilités, notamment en matière d'activités commerciales en partenariat avec Epareca. Pour 375 projets, l'ANRU verse ainsi, chaque mois, 110 millions d'euros et, au total, en 2010, 1,4 milliard d'euros auront été dépensés. Il s'agit d'un chiffre colossal, nécessaire et sans précédent.
Pour la première fois, le rapport entre le nombre de démolitions et le nombre de constructions s'inverse. On produit donc plus de logements sociaux que l'on n'en démolit. Les 12,35 milliards d'euros du PNRU, le programme national de rénovation urbaine, et du plan de relance ont généré 46,4 milliards d'euros de travaux dans les quartiers, ce qui se traduit aussi en termes d'emplois sauvegardés ou créés, et permet aux entreprises de remplir leurs carnets de commandes.
Vous le constatez, ce programme constitue une force pour notre économie. Il joue un véritable rôle d'entraînement et il ira donc à son terme. L'État tiendra ses engagements.