Ces quartiers sont stigmatisés. Ceux qui y habitent trouvent difficilement du travail et ne le conservent pas forcément. Ils ne demandent qu'une seule chose : que les dispositifs mis en place soient stables. Cela signifie par exemple avoir l'assurance que les emplois aidés ne sont pas que des variables d'ajustement, qu'on n'en augmente pas le nombre lorsque la crise est profonde, comme actuellement, mais qu'on en fait de vrais outils de réinsertion pour des populations défavorisées qui ont du mal à trouver un travail dans le cadre naturel de l'entreprise. C'est ce que nous souhaitons, et ce n'est pas nouveau. Je le disais à M. Borloo il y a quelques années, à propos des adultes relais. On ne les supprime pas, me répondait-il. Or, sur le terrain, on les supprimait. Il ne le savait pas ou ne voulait pas l'entendre.
Je vous dis la même chose à propos des emplois aidés. Nous faisons des efforts, dans les collectivités locales, pour les conserver. Encore faut-il qu'ils soient maintenus au-delà des périodes de crise. Pour l'instant, on nous dit que ce sera le cas peut-être pour six mois. On ne sait pas trop, on verra : si le chômage baisse, ce sera peut-être moins, s'il augmente, ce sera un peu plus. Bref, c'est encore une variable d'ajustement. Pour nous, ce ne doit pas être cela, mais un vrai sas de réinsertion pour amener des gens, petit à petit, à une réinsertion définitive.
S'agissant des contrats urbains de cohésion sociale, il faut de même une certaine cohérence. Par exemple il ne faut pas que, dans le cadre de la solidarité intercommunale, comme c'est le cas en Moselle, les communes les plus pauvres soient obligées de donner quelques crédits à des communes un peu plus riches. En effet, on ne connaît pas le montant global des crédits dont on disposera. Certes, on connaît le montant de l'enveloppe de démarrage. Et, annonce-t-on, il y en aura peut-être une autre. Mais tout maire sérieux établit son budget dans le cadre de l'annualité budgétaire. Il ne peut pas attendre de savoir si plus tard viendra une deuxième dotation. Le résultat, c'est que la solidarité, pour les CUCS, joue plutôt entre collectivités que de l'État vers les collectivités locales.
On a déjà longuement parlé de l'ANRU. Devant la commission qui l'auditionnait, Jacques Attali reconnaissait que l'idée n'était pas mauvaise. Effectivement, le principe d'une coordination n'a rien de farfelu. Cela dit, désormais, l'administration de l'État reprend le dessus. Des fonctionnaires tatillons nous demandent de remplir des documents, de refaire des dossiers et des calculs pour quelques milliers ou quelques dizaines de milliers d'euros. C'est à croire qu'on met en place des circuits kafkaïens pour empêcher les projets ANRU d'aboutir. Y a-t-il encore des crédits disponibles, ou êtes-vous victime, madame la secrétaire d'État, malgré votre volonté politique, de cette technocratie qui veut reprendre la main et pour laquelle les quartiers populaires ne sont pas la priorité ?
On le sait bien, lorsqu'on donne des aides spécifiques pour les quartiers populaires, on leur retire en même temps quelques crédits plus classiques. C'est de bonne guerre : on récupère un peu des aides générales pour d'autres quartiers. D'ailleurs, même pour les crédits de l'ANRU, vous amorcez la pompe et vous venez nous voir pour demander ce que met le département, ce que met la région. Or les régions n'ont plus de marge ni d'autonomie fiscale. Vous allez leur demander de consacrer davantage de crédits pour l'ANRU ; cela signifiera qu'elles en consacreront moins à d'autres actions. C'est dire que votre volonté politique apparaît véritablement très superficielle.