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Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Réunion du 19 mai 2010 à 15h00
Débat sur la politique de la ville

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le 8 février 2008, le Président de la République réunissait l'ensemble des acteurs de la politique de la ville pour présenter un plan dénommé Espoir banlieues, qui concrétisait ce qu'il avait appelé lui-même le plan Marshall en faveur des quartiers populaires : désenclavement des quartiers par de nouveaux transports en commun, lutte contre l'échec scolaire grâce aux écoles de la seconde chance, renforcement de la sécurité des habitants avec la mise en place d'unités territoriales – ce sont quelques exemples pris dans le florilège de mesures qui devait enfin mettre un terme à la ghettoïsation de certains quartiers de nos banlieues et au mal-vivre de leurs habitants.

Deux ans après, qu'en est-il de ces mesures et, plus encore, des conditions de vie de nos concitoyens ? Qu'est-il sorti de ces promesses ? Le constat est, à mes yeux, terriblement simple et laconique : les banlieues ont été parmi les territoires les plus touchés par les effets de la crise économique. Leurs habitants ont souffert et souffrent encore plus que les autres : baisse du pouvoir d'achat, hausse terrible du chômage ou des emplois précaires, rupture des solidarités ; moins de logements, moins de soins et la cohésion sociale qui « fout le camp ».

Pourtant, ces territoires et ces gens auraient dû être les premiers à bénéficier des mesures de soutien de l'État. Et c'est tout le contraire qui s'est passé ! Engagé dans le sauvetage budgétaire des banques, puis dans des mesures de rigueur pour tenter de limiter, si ce n'est de réduire, le déséquilibre budgétaire qui doit autant, à nos yeux, aux dépenses inconsidérées d'un État partisan qu'à la crise qui lui sert aujourd'hui de prétexte, le Gouvernement a soutiré des ressources financières en gelant les crédits des secteurs déjà délaissés, comme le logement et la politique de la ville. Je rappelle à cet égard que l'État ne finance plus les opérations de renouvellement urbain et qu'il ne subventionne plus les travaux dans le bâti insalubre.

Malgré vos intentions et votre volonté, le plan banlieues a été tout simplement sacrifié. Ainsi, le budget que l'État a consacré en 2010 à la politique de la ville a diminué de près de 7 % en autorisations d'engagement ; or ce sont elles qui font les moyens d'une politique. Une nouvelle fois, les moyens supplémentaires qui ont été promis se sont transformés en un saupoudrage pour donner bonne conscience, parfois pour apaiser, souvent pour communiquer, aussi indécent qu'inefficace.

L'échec des contrats d'autonomie illustre cette dérive qui consiste à dépenser de l'argent public sans obtenir de résultats. Et s'il n'y a pas de résultats, c'est parce que la politique de la ville n'est pas portée par ce Gouvernement ; elle n'est pas voulue par ceux qui fixent sa politique.

Ce débat est donc l'occasion pour moi d'exprimer de la colère face à cette démission de l'État qui a déserté les quartiers tout en distillant un climat de suspicion et de défiance, à l'encontre de toute fraternité. Oui, madame la secrétaire d'État, ces quartiers, loin des ambitions insincères du plan Marshall, sont plus que jamais stigmatisés.

Mais, au-delà de ma colère, je voudrais vous faire part de l'inquiétude de l'ensemble des élus locaux qui agissent au quotidien pour améliorer la vie de leurs concitoyens. En effet, le plan de rigueur annoncé la semaine dernière par le Premier ministre semble sonner le glas de toute action d'envergure en faveur des banlieues, alors que, dans le silence et l'indifférence générale, on atteint chaque jour davantage un niveau que certains d'entre nous considèrent déjà comme le point de non-retour.

Madame la secrétaire d'État, je m'étais promis de ne pas m'embarrasser de précautions avec vous aujourd'hui, ce que pourtant je me refuse toujours à faire, parce que votre mission est respectable et que vos convictions le sont tout autant. Mais, il y a trois jours, avec les collègues du territoire dont je suis l'élu, j'ai achevé la rédaction d'un rapport d'étape de 120 pages, alors que nous savions déjà que notre territoire serait exclu des stratégies mises en oeuvre. Dans nos territoires, l'équilibre est précaire et nous ne voulons pas le voir se rompre. Nous ne pouvons pas, trente ans après avoir lancé les premières actions en matière de prévention de la délinquance et de politique de la ville, prendre le risque de voir tout s'effondrer. Le rôle d'un secrétaire d'État, c'est de défendre son budget et d'obtenir plus de moyens pour l'action qu'il conduit ; et, pour formuler des exigences, il peut s'appuyer sur les élus.

Je finirai donc mon intervention par des questions simples auxquelles, je l'espère, vous donnerez des réponses – non pas pour moi, mais pour tous ceux qui, aujourd'hui, attendent des réponses claires de l'État. Qu'avez-vous obtenu concrètement depuis trois ans en faveur des quartiers populaires ? Quelles ont été les actions de votre secrétariat d'État, tel qu'il a été voulu par ceux qui conduisent la politique de ce Gouvernement – vous voyez que je prends malgré tout des précautions envers vous (Sourires) –, qui ont débouché sur une amélioration réelle des situations ? Car, madame la secrétaire d'État, nous portons avec vous une exigence : celle de réussir. Et c'est sur ce point que portent mes questions : très objectivement, sommes-nous capables, trois ans après, de dire que nous avons – je partage le fardeau avec vous – fait bouger un peu les lignes dans le bon sens ? Dites-moi, madame la secrétaire d'État, ce qui a changé dans le quotidien des Français dans ces quartiers, par l'action du Gouvernement dont vous êtes membre et donc – je vous le rappelle – solidaire et coresponsable ?

Par ma voix, sans mépris ni irrespect, c'est l'immense déception et – pourquoi ne pas le dire ? – la grande rancoeur qui, aujourd'hui, submergent tous les acteurs de la politique de la ville que j'ai souhaité exprimer. Les élus locaux ne peuvent même plus rassurer ces acteurs, ni leur garantir un accompagnement sans faille. C'est cette rancoeur et cette inquiétude que j'ai souhaité exprimer. Il n'est jamais trop tard, et c'est le budget que vous préparez qui donnera le signal de l'apaisement ou du tumulte.

Au-delà des mots, il faut donner du sens à la péréquation, au renouvellement urbain ; veiller à l'application réelle et ferme de la loi de solidarité urbaine, à la dotation de fonctionnement, à la fonctionnalité opérationnelle des dispositifs et à la stabilité pluriannuelle des engagements de l'État. À cet égard, je dirai un jour le nombre de politiques qui ont été mises en place et que nous avons dû revoir deux ans après, au nom de tel ou tel indice, de telle ou telle stratégie. Il faut que vous arrêtiez cela, madame la secrétaire d'État ! Je sais bien que cette responsabilité est lourde, mais il faut que l'État cesse de changer sans arrêt,…

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