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Intervention de Marie-Hélène Amiable

Réunion du 19 mai 2010 à 15h00
Débat sur la politique de la ville

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Amiable :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville, mes chers collègues, si les députés communistes, républicains, et du Parti de gauche ont proposé que notre assemblée consacre cette séance d'évaluation et de contrôle à la politique de la ville, c'est dans une double intention. Il s'agit, d'une part, d'attirer l'attention sur l'intolérable et persistante situation de nos quartiers ; d'autre part, d'évaluer l'action du Gouvernement en la matière, notamment en mesurant l'écart entre ses résultats et les exigences contenues dans les textes.

On peut se réjouir qu'un groupe de travail consacré à l'aide aux quartiers défavorisés se soit constitué sous l'égide du comité d'évaluation et de contrôle. Mais, indépendamment du fait qu'aucun député de notre groupe n'ait la chance d'en être membre, est-il nécessaire d'attendre ses conclusions, qui ne seront connues que dans trois ou six mois, pour savoir que nos quartiers vont très mal, que la politique de la ville est visiblement sous-dotée et qu'elle tend à proposer, notamment dans la période récente, des réponses inadaptées ?

En 2007, le candidat Nicolas Sarkozy s'engageait ainsi dans son programme présidentiel : « Je consacrerai beaucoup d'argent aux banlieues, dans l'éducation, la formation, la rénovation urbaine, les services publics, les transports, l'activité économique. Je n'accepte pas qu'on se soit résigné à laisser se développer tant de ghettos scolaires et urbains. » Et de promettre, huit jours avant le premier tour, un « plan Marshall 2 » qui devait offrir une formation ou un emploi à 250 000 jeunes.

Trois ans plus tard, quel bilan peut-on tirer de ces promesses ? Le rapport 2009 de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles a clairement montré l'incapacité de la droite au pouvoir à répondre aux objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la ville d'août 2003, dont l'objectif principal était de réduire en cinq ans les inégalités dont souffrent ces quartiers.

Confirmant que les écarts tendent à s'accentuer, les acteurs de terrain que nous avons auditionnés déplorent même un recul par rapport aux principes posés par la loi d'orientation pour la ville de juillet 1991, qui a défini le droit à la ville comme « des conditions de vie et d'habitat favorisant la cohésion sociale et de nature à éviter ou à faire disparaître les phénomènes de ségrégation ».

Le chômage toucherait 42 % des habitants de moins de vingt-quatre ans, et seuls 4 022 contrats d'autonomie auraient débouché sur un emploi ou une formation – au scandaleux profit d'opérateurs privés, étant donné la situation des services publics de l'emploi. Les améliorations dues à la rénovation urbaine ont été nuancées par le comité d'évaluation et de suivi de l'ANRU et les cités d'habitat social restent dans la « relégation », pour reprendre le terme utilisé par l'historien Jacques Donzelot. En ce qui concerne les transports, le désenclavement ne s'opère que par petits bouts, alors que de gigantesques projets sont annoncés au seul bénéfice de la finance mondialisée.

Tandis que la suppression de la carte scolaire est critiquée jusque sur les bancs de l'UMP, les établissements d'excellence n'ont accueilli que 1 677 élèves en 2009, à comparer aux 8 millions d'habitants des quartiers. À contre-pied, la Cour des comptes vient de juger que, pour réduire l'écart croissant entre les meilleurs élèves et ceux qui sont en difficulté, il convenait d'engager des moyens exceptionnels en faveur des établissements les plus défavorisés.

Les coupes dans les budgets conduisent par exemple le conseil général des Hauts-de-Seine à faire des choix partisans dans l'attribution des subventions. Or, faute de moyens pérennes, certaines associations, qui tissent le lien social dans nos quartiers, disparaissent. Ces orientations sont affligeantes et le plan Espoir banlieues est à mille lieues de la très présomptueuse « dynamique pour la France » qui avait été annoncée.

Les députés communistes proposent une alternative pour ceux qui, selon les termes du sociologue Robert Castel, sont « repoussés sur les marges du monde social ». Ils proposent d'agir en dégageant de nouveaux moyens : supprimer le bouclier fiscal permettrait de doubler les crédits de la politique de la ville ; taxer à 0,5 % les actifs financiers permettrait d'abonder un fonds national de péréquation à hauteur de l'actuelle dotation globale de fonctionnement ; arrêter le recul du droit commun, avec la révision générale des politiques publiques ou la non-application de la loi SRU, et renforcer au contraire les services publics dans ces quartiers ; revoir les procédures de la politique de la ville, qui n'ont presque pas évolué depuis 2001 et le rapport de Jean-Claude Sandrier qui en soulignait les écueils.

Pour ce qui est de la géographie prioritaire et des CUCS, nous avons eu connaissance du courrier que vous avez adressé au Premier ministre à peine trois jours après notre demande de débat : il nous semblerait naturel, madame la secrétaire d'État, que vous rendiez publiques la vingtaine de simulations que vous lui avez adressées. D'ores et déjà, nous tenons à dire avec force que, en cette période de grave crise économique et sociale, tout ce qui tendrait à opposer des territoires entre eux et à ne pas augmenter le soutien de l'État – et donc de la République – à ces quartiers, nous paraîtrait inacceptable.

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