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Intervention de Jean-François Munoz

Réunion du 22 janvier 2009 à 9h15
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jean-François Munoz, membre du conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales, CNAF, représentant l'Union professionnelle artisanale, UPA :

Vous avez rappelé, madame la rapporteure, les trois grands objectifs fixés à la prestation d'accueil du jeune enfant dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 : simplification du dispositif d'aide à la garde ; diversification des modes de garde ; meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

En qualité de représentante des entreprises du secteur de l'artisanat, mon propos sera essentiellement centré sur ce dernier objectif. J'imagine que c'est bien sûr cette thématique particulière que vous souhaitiez entendre le monde de l'entreprise.

Pour autant je n'écarterai pas les deux premiers objectifs dont l'UPA considère qu'ils ont été peu ou prou atteints.

Il serait faux de dire que la mise en place de la PAJE n'a pas été source de simplification puisqu'elle regroupe six prestations antérieures différentes. Cela participe de la meilleure lisibilité dont a besoin l'éventail des prestations familiales de notre pays, qui relève encore trop souvent du parcours du combattant pour l'allocataire.

La PAJE a par ailleurs permis une meilleure solvabilisation des ménages en leur donnant davantage de moyens pour payer les différents modes d'accueil.

Elle a enfin – nous y étions attachés – préservé le principe du libre choix en garantissant la diversité des modes de garde offerts aux parents. Mais préserver le principe est une chose, en assurer l'effectivité en est une autre.

Or le troisième objectif assigné à la PAJE, c'est-à-dire permettre de concilier vie professionnelle et vie familiale, ne peut être atteint de façon satisfaisante que si on est véritablement en capacité d'offrir un mode de garde, quel qu'il soit, adapté à la situation du salarié de sorte qu'il ne soit pas dans l'obligation de faire un choix contraint, par défaut.

Nous avons, dans l'artisanat, de nombreux métiers à forte densité féminine. En dépit d'avancées indéniables, la charge de la conciliation entre vie familiale et la vie professionnelle repose encore essentiellement sur les femmes. Et force est de constater qu'un pourcentage non négligeable de femmes qui se sont arrêtées pour garder leur enfant, l'ont fait non par choix mais en l'absence d'autre solution de garde. Ainsi, 25 % des parents qui gardent leur enfant le feraient par nécessité et non par choix. Or un tel choix contraint peut avoir des conséquences négatives non seulement sur la vie familiale, sur l'évolution professionnelle du salarié, mais aussi sur l'organisation et la bonne marche de l'entreprise où il travaille, aspect auquel, vous vous en doutez, nous sommes particulièrement sensibles.

Bien entendu, pour faciliter cette conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, l'entreprise peut agir notamment par le biais de l'aménagement des horaires de travail.

La flexibilité des horaires et le temps de travail partiel choisi relèvent pour l'essentiel de la responsabilité des entreprises. Dans ce domaine, comme dans bien d'autres, de telles mesures sont plus aisées à mettre en oeuvre dans une grande entreprise que dans une petite structure. Une petite entreprise avec un effectif de 2 ou trois salariés est indéniablement fragilisée lorsqu'elle perd un collaborateur qui se retire du marché du travail ou qui se voit contraint de réduire son nombre d'heures pour garder son enfant, faute de solution adaptée. Cette fragilisation peut être accrue lorsque la qualification du salarié le rend difficilement remplaçable.

En dépit des difficultés, les entreprises et les partenaires sociaux ne sont pas restés inactifs : ils ont pris leur responsabilité dans l'aide aux parents salariés pour combiner travail et vie familiale.

En effet, le droit du travail, qui comporte un certain nombre de clauses relatives à la prise en compte de la vie familiale des salariés par les employeurs – droits à congés et autorisations d'absence à l'occasion d'événements familiaux notamment –, est complété par les conventions collectives qui peuvent prévoir des clauses spécifiques.

Les lois relatives aux « 35 heures » ont eu un impact sur l'organisation de la vie familiale des salariés, notamment sur celle des parents de jeunes enfants. Elles ont en outre relancé la négociation dans les entreprises, permettant ainsi d'inscrire à l'ordre du jour les questions de conciliation vie familiale-vie professionnelle.

La loi de 2005 sur l'égalité salariale, qui vise à réduire l'écart de salaire entre les hommes et les femmes en stimulant la négociation collective sur l'égalité, comporte plusieurs dispositions à ce propos.

Cependant, malgré cette palette de prestations et de services en matière d'accueil des enfants, les besoins restent non couverts : en dépit des importants efforts déployés, l'offre d'accueil reste insuffisante et inégalement répartie. Le rapport de Mme Tabarot est éloquent : répondre à la demande impliquerait de créer, tous modes de garde confondus, entre 300 000 et 800 000 places supplémentaires.

Si le constat chiffré est préoccupant, pour autant on ne peut nier les efforts déployés pour développer des dispositifs de garde d'enfants, condition indispensable à une articulation sphère privée-sphère professionnelle profitable aux salariés.

J'insiste à cet égard sur la mobilisation des entreprises pour soutenir le dispositif d'accueil des jeunes enfants, mobilisation favorisée par des incitations financières mises en place par l'État puisque les entreprises qui aident leurs salariés à concilier leurs temps de vie bénéficient de dispositifs d'allègements fiscaux et sociaux : crédit d'impôt famille, crédit d'impôt CESU, exonération de cotisations et de contributions sociales pour les subventions de fonctionnement de crèches d'entreprise ou interentreprises versées par les employeurs.

Pour autant les résultats de ces incitations demeurent pour le moins limités. Malgré des développements récents, le parc de crèches d'entreprise reste un appoint pour l'accueil des très jeunes enfants, loin derrière les structures publiques et les assistantes maternelles. Selon la CNAF, depuis 2004, 180 porteurs de projet seulement ont manifesté leur souhait de bénéficier des fonds de l'action sociale. En outre, seuls quelques très grands groupes se sont saisis de cet outil. En effet, les difficultés juridiques et pratiques et le coût financier rendent très difficile le développement de modes de garde collectifs d'entreprise ou interentreprises, si ce n'est pour des sociétés d'une certaine taille ou pour les zones où une mutualisation est possible. Les petites entreprises ne sont pas en mesure de proposer ces services à leurs salariés.

Qui plus est, soyons honnêtes, l'utilisation du « crédit impôt famille » relevait plutôt de l'effet d'aubaine puisque très peu d'entreprises ont déclaré des dépenses destinées à offrir des modes de garde collectifs à leurs salariés. Parmi la liste des dépenses éligibles au crédit d'impôt figurent également les sursalaires versés aux salariées en congé maternité. Or, ces dépenses, qui représentent la majorité des déclarations des entreprises, ont souvent été prévues dans les conventions collectives ou dans des accords d'entreprise avant même la mise en place de cette incitation.

La réforme du crédit impôt famille prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, devrait permettre de corriger ces effets et de redonner tout son sens à ce dispositif.

En tout état de cause, il est nécessaire de diffuser une information à toutes les entreprises car le dispositif est très mal connu, en particulier des PME et des TPE.

Je ne vous étonnerai pas en vous disant que, par essence, les entreprises du secteur de l'Artisanat, en raison de leur taille et de leur mode de fonctionnement, sont culturellement et philosophiquement ancrées sur des principes de solidarité et d'entraide. Ce n'est ni par contrainte ni par obligation mais bien par état d'esprit : nous avons le souci d'un patronat à visage humain. Les chefs d'entreprises artisanales pratiquent au quotidien une solidarité de proximité avec leurs salariés dans le cadre de l'entreprise mais aussi en dehors. Face aux événements familiaux qui touchent leurs salariés, les artisans adaptent en effet naturellement leur quotidien pour aider au mieux leur collaborateur. Nous tenons compte de la vie familiale de nos salariés dans l'organisation du travail et des horaires de nos entreprises, lorsque cela nous est possible. Grâce à notre adaptabilité nous venons, autant que faire ce peut, en complément aux offres de prestations familiales liées à un événement familial.

Nos entreprises sont dans une relation « gagnant-gagnant », car le taux d'activité professionnelle est étroitement lié à la qualité des réponses aux contraintes de la vie familiale.

Il existe à l'évidence une relation claire entre une offre de garde importante et un taux élevé d'emploi, en particulier des femmes. Une étude récente mise en avant par le rapport de Mme Tabarot montre que la création de 100 places de crèches permet de sauvegarder 15 emplois équivalent temps plein.

Notre secteur est reconnu comme une source majeure de création d'emplois. Sa capacité sera d'autant plus libérée que nous serons capables d'apporter les solutions adaptées, en particulier sur cette question de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

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