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Intervention de Marie-Claude Boileau

Réunion du 22 janvier 2009 à 9h15
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Marie-Claude Boileau, administratrice nationale de Familles rurales :

S'il est normal d'entendre quelques critiques, je tiens à souligner que notre système d'aide aux jeunes enfants est envié par les autres pays. C'est grâce à ces mesures que la France a le privilège de combiner un taux d'activité des femmes important et un taux de natalité élevé. Autrement dit, nous parvenons à concilier raisonnablement activité professionnelle et activité familiale, avec toutefois quelques bémols.

Globalement, les familles se disent satisfaites une fois qu'elles ont réglé un certain nombre de problèmes. Lorsqu'elles ne le sont pas, cela tient essentiellement au manque de places, particulièrement en crèches. Certains départements sont plus touchés que d'autres, notamment ceux du Nord et, dans une moindre mesure, de l'Ouest et de l'Est. Et le problème est beaucoup plus criant en milieu rural où l'offre d'accueil est insuffisante. Or, le milieu rural est en pleine mutation, il est en fait de plus en plus périurbain, les jeunes ménages étant souvent obligés de s'éloigner pour des raisons foncières. Ainsi, les problèmes de transport s'ajoutent aux problèmes de garde, l'assistante maternelle ou la crèche n'étant pas forcément situées près du domicile, tandis que la solidarité familiale joue moins que par le passé, tout simplement parce que les grands-parents ont désormais une activité professionnelle.

Qui plus est, le choix du mode de garde dépend souvent de critères socioprofessionnels. Autrement dit, plus la famille est aisée, plus elle a de possibilités de choix.

En ce sens, le complément de libre choix d'activité – CLCA – est le plus souvent choisi par des familles modestes et il handicape ainsi la carrière des femmes, sa durée en faisant une potentielle trappe à inactivité. D'une durée de trois ans, il peut être prolongé lorsqu'une deuxième naissance arrive dans l'intervalle, ce qui isole un peu plus la mère du milieu professionnel. Peu rémunéré, il s'adresse en priorité aux demandeuses d'emploi indemnisées et aux femmes peu qualifiées en situation de précarité. Parfois, ce congé marque le début de la spirale parce que le retour au travail est plus difficile, parce que les perspectives de carrière sont compromises, mais aussi parce qu'il peut être tentant d'en profiter en cette période de crise où il est difficile de trouver du travail. Or, ce raisonnement à court terme aura des effets à long terme, avec une probable précarisation des femmes, particulièrement des femmes âgées, car si elles ne reprennent pas le travail, leurs droits à la retraite seront amputés. Et que dire si un accident de la vie, une séparation, transforme la famille en famille monoparentale ?

En outre, le congé parental ne favorise pas la parité. Si le congé de paternité est relativement bien pris par les papas, il n'en est pas de même du congé parental, notamment parce que la perte de salaire est d'autant plus élevée que les revenus du père sont supérieurs, ce qui est généralement le cas. Outre qu'ils ont l'image d'une répartition sexuée des tâches liées à l'éducation et aux soins des enfants, les pères craignent de compromettre leurs perspectives de carrière et de revenus, mais aussi de donner une mauvaise image d'eux à leur entreprise.

Le complément de mode de garde – CMG –, répond aux besoins financiers des familles plus aisées qui ont recours à un mode de garde individuel. Le montant en est plus élevé. La branche famille prend en charge la totalité des cotisations sociales pour chaque enfant gardé par une assistante maternelle et 50 % des cotisations sociales pour chaque enfant gardé par une employée à domicile. La famille bénéficie en outre d'un avantage fiscal si elle paie avec des chèques emploi service. C'est un effet pervers du CESU au regard de la justice sociale, même si on ne saurait oublier qu'il a permis de réduire le travail au noir.

En valeur absolue, les deux tiers des bénéficiaires du CMG ont des revenus mensuels compris entre 0 et 0,3 SMIC. Mais si cette allocation est accessible aux familles à bas revenus, ce volet de la PAJE est en fait surtout utilisé par les familles à hauts revenus. L'aisance financière est un facteur déterminant pour le choix du mode de garde à domicile –les jeunes ménages préférant toutefois les modes de garde collectifs aux assistantes maternelles.

En fonction du mode de garde choisi, des disparités importantes subsistent dans le taux de reste à charge pour les familles. Il est malheureusement proportionnellement plus lourd pour les familles à revenus modestes et des modifications sont donc nécessaires.

Dans les familles modestes ou à bas revenus, l'enfant est le plus souvent gardé par l'un des parents, et c'est souvent un mode de garde subi. Les familles à revenus plus élevés ont davantage recours à la garde par une assistante maternelle agréée ou à la crèche. Enfin, les familles très aisées recourent davantage à un mode de garde en accueil individuel ou à une garde à domicile.

Les besoins en équipements de garde pour la petite enfance vont croissant parce que les couples sont de plus en plus biactifs. L'accroissement de la demande de garde tient aussi au fait que les femmes ont leur premier enfant de plus en plus tard – aux alentours de vingt-huit - trente ans –, à un âge où la propension à utiliser les services de l'accueil de la petite enfance est supérieure. Leur motivation pour reprendre leur travail après la naissance est plus importante – car elles ont acquis une qualification ou un niveau de compétence plus élevé – et les revenus qu'elles peuvent consacrer à la garde des enfants sont plus importants.

Familles rurales a toujours défendu la solvabilisation des familles pour leur permettre de choisir les modes de garde qui leur conviennent ; c'est la notion de libre choix qu'évoquait M. Clochard. Les enquêtes montrent que les familles demandent des services plutôt que des aides en espèces. Pour quatre Français sur dix, la crèche est le mode de garde le plus bénéfique pour un enfant en bas âge. Pour la moitié d'entre eux elle est aussi le moins onéreux. Du reste, les accueils collectifs coûtent effectivement moins cher aux familles que le recours à une assistante maternelle. Et il est vrai qu'en milieu rural le manque d'accueil collectif pénalise les familles à bas revenus. Ainsi, il manquerait en France environ 300 000 à 500 000 places d'accueil, les besoins étant inégalement répartis sur le territoire.

Familles rurales souhaite vous faire des propositions qui s'articulent autour de trois axes.

Le premier axe, qui est de favoriser l'accueil de l'enfant dans sa famille, se décline en quatre sous-propositions :

– adopter une démarche pragmatique de rapprochement entre offre et demande. Il existe de fortes disparités selon les territoires : chaque territoire, chaque type de famille a des besoins différents ;

– garantir une répartition plus équilibrée de l'offre d'accueil sur le territoire. L'offre est encore insuffisante. Il existe 320 000 places en établissements d'accueil collectif pour 2,4 millions d'enfants de moins de trois ans. L'objectif est de répondre autant que faire se peut au choix des parents. Ce n'est pas facile, mais avec le fort taux de natalité français, nous travaillons pour les générations futures ;

– allonger le congé de maternité tout en luttant contre un éloignement prolongé du marché du travail, notamment pour les femmes les moins qualifiées. C'est la logique de l'Union européenne. La durée légale du congé de maternité étant souvent prolongée par un congé pathologique, pourquoi ne pas clarifier les choses en allongeant le délai ? Lutter contre un éloignement durable des femmes qui ont un enfant du marché du travail est un enjeu d'autant plus fort, que ce sont surtout les familles modestes qui ont recours aux différentes formes de congé parental. Les éloigner du marché du travail alors qu'elles connaissent des difficultés d'insertion professionnelle n'est certainement pas leur rendre service, d'autant qu'en période économique difficile, elles risquent d'être la variable d'ajustement dans les statistiques du chômage. Faisons en sorte que ce ne soit pas le cas.

– raccourcir le congé parental à un an, avec une meilleure rémunération et une incitation au partage du congé entre les parents. Je pense très sincèrement que si ce congé était plus court, mieux partagé entre le père et la mère et assorti de mesures facilitant le retour à l'emploi – comme une formation pour le parent en fin de congé parental, visant à le réinsérer plus facilement dans son emploi –, le regard des employeurs, mais aussi de l'ensemble de la société serait différent. On finirait même par trouver normal que les parents fassent une pause au moment d'une naissance et les implications pour les carrières futures seraient beaucoup moins lourdes.

À Familles rurales, un groupe de réflexion recherche comment inciter fortement les pères à partager ce congé parental, d'autant que le contact avec le père et un meilleur partage des tâches de la parentalité ne peuvent être que bénéfiques pour l'enfant.

Deuxième axe : recourir à des modes de garde innovants.

Cela suppose tout d'abord de développer l'offre d'accueil des deux-trois ans en créant des jardins d'éveil même s'il est vrai que cette notion reste floue. Mais, étant donné le flux démographique et les difficultés rencontrées pour scolariser les enfants dès deux ans, les parents sont susceptibles de se reporter vers de tels lieux d'accueil. Familles rurales n'est pas opposé à ces structures, à condition que la qualification des personnels, le libre accès de tous et le financement soient garantis. Les jardins d'éveil traduisant un certain désengagement de l'Éducation nationale, pourquoi ne pas reporter le coût actuel de la scolarisation des deux-trois ans sur la branche famille pour qu'elle soit en mesure de financer ces structures ? Pour nous, il serait inconcevable que la charge financière de ces jardins porte sur les familles ou sur la branche famille.

Pour les enfants de plus de trois ans jusqu'alors gardés en accueil collectif sous forme de micros-crèches, il conviendrait d'étendre aux parents le bénéfice de la PAJEaccueil collectif jusqu'à la scolarisation effective. En effet, quand l'enfant n'a pas atteint ses trois ans en cours d'année scolaire, il est obligé d'attendre pour entrer à l'école maternelle mais la prestation s'arrête et l'accueil reste totalement à la charge de la famille.

Enfin, il conviendrait de préférer l'accueil en relais à l'ouverture de structures 24 heures sur 24 et de revaloriser la PAJEgarde à domicile pour répondre aux besoins de garde atypique. C'est très important car de très nombreux postes de travail sont concernés, en particulier dans le domaine de la santé.

Troisième axe : assouplir les contraintes financières pesant sur le budget des familles. Cela signifie d'abord de lever le reste à charge de 15 % pour les familles les plus modestes car il s'agit d'un frein au retour à l'emploi. En effet, si retourner travailler coûte trop cher à la mère, elle restera en congé parental ! Cela signifie ensuite de préférer la PAJE mensualisée au crédit d'impôt annualisé.

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