Je vous remercie de m'avoir invitée à m'exprimer devant vous sur un des fleurons de notre modèle social et économique : notre politique familiale.
En France, 834 000 bébés ont vu le jour l'année dernière et le taux de fécondité s'est élevé à 2,018 enfants par femme. Même si le renouvellement des générations, qui nécessiterait un taux de fécondité de 2,06 enfants, n'est pas encore assuré, notre pays est champion d'Europe des naissances, ce taux n'étant que de 1,36 en Allemagne, 1,28 en Italie et 1,66 en Suède. C'est un enjeu important.
Les analyses nationale et européenne – j'ai reçu mes homologues européens à Paris le 18 septembre dernier au cours de la présidence française de l'Union européenne et je me suis rendue à Prague il y a quelques semaines pour poursuivre nos travaux sur la politique familiale – font apparaître que le dynamisme de la fécondité suppose d'augmenter, en même temps, le taux d'activité des femmes et l'offre de garde.
Dans les pays où le taux d'activité des femmes est élevé et l'offre de garde est insuffisante, le taux de natalité est bas. Les femmes sont obligées de choisir entre avoir des enfants ou exercer une activité professionnelle. En France, nous avons fait le choix, à travers notre politique familiale, de nous doter d'instruments qui reposent sur trois piliers, très observés au niveau international : la fiscalité et notamment le quotient familial, les prestations familiales et l'accompagnement de la maternité, le taux d'équipement en structures d'accueil. Notre taux de natalité est donc le résultat d'une politique familiale volontariste.
Depuis sa création en 2004, la prestation d'accueil du jeune enfant – PAJE – a accompagné et même suscité le dynamisme de notre fécondité et nous pouvons présenter un excellent bilan. La PAJE n'explique évidemment pas à elle seule le dynamisme de notre natalité, mais elle y participe incontestablement. Je vous rappelle que nous consacrons à notre politique familiale 88 milliards d'euros, soit 4,7 points de notre produit intérieur brut, c'est-à-dire deux fois plus que la moyenne des pays européens.
Quelques chiffres témoignent de la mobilisation du Gouvernement en faveur des familles. En 2008, près de 2,2 millions de familles ont bénéficié de la PAJE ce qui représente 11,2 milliards d'euros de prestations versées. Cette somme permet de financer la réponse globale aux besoins liés à l'arrivée d'un enfant que constituent la PAJE et ses composantes : prime à la naissance, allocation de base, complément de libre choix d'activité, complément de libre choix du mode de garde.
Quels étaient les objectifs du Gouvernement et de mon prédécesseur au moment de la création de la PAJE ?
Christian Jacob a souhaité simplifier et rendre plus lisible l'aide à l'accueil du jeune enfant en fondant les cinq prestations existantes en une prestation unique versée jusqu'aux trois ou six ans de l'enfant. Il a permis à 10 % de familles supplémentaires de disposer d'une prestation grâce à un relèvement du plafond de ressources de 37 %. Il a créé une nouvelle prestation, le complément mode de garde, qui permet, sans plafond de ressources, à l'ensemble de nos concitoyens de choisir entre l'accueil chez une assistante maternelle, la garde à domicile et l'accueil collectif. Le but était clair : diminuer les « restes à charge » des accueils individuel et collectif pour créer, à terme, une convergence garantissant, dans les actes, la liberté de choix du mode de garde.
La PAJE a parfaitement répondu aux trois missions qui lui étaient assignées et a permis de mieux accompagner plus de familles. Ainsi, l'objectif posé en 2003 de 200 000 bénéficiaires supplémentaires d'allocations d'accueil du jeune enfant est largement dépassé. Au 1er janvier 2008, environ 285 000 familles de plus qu'en 2003 bénéficiaient d'une aide. Aujourd'hui, plus de 90 % des familles ayant un enfant en bas âge accèdent à ce dispositif. C'est dire l'importance de la PAJE pour les familles de notre pays.
En outre, la mise en oeuvre de la PAJE a contribué à la concrétisation d'un des fondements de notre politique familiale : garantir et aider le libre choix des familles. Liberté de travailler ou de cesser de travailler pour s'occuper de son enfant, liberté de choisir tel ou tel mode d'accueil sans qu'aucun obstacle financier ne puisse se présenter, ces principes font certainement le succès de notre politique familiale et nous sont d'ailleurs enviés par de nombreux pays, nos partenaires européens étant très intéressés par l'ensemble de nos dispositifs, que ce soit la PAJE ou les modes de garde diversifiés que nous sommes en train de développer.
De très nombreux indicateurs témoignent que cet objectif est atteint et, surtout, montrent l'effort du Gouvernement en faveur des familles les plus modestes. Ainsi, le « reste à charge » pour une famille disposant d'un revenu égal au SMIC après crédit d'impôt est passé de 123 euros en 2004 à 96 euros en 2008 en cas de recours à une assistante maternelle, et de 89 euros à 52 euros si la famille s'adresse à une crèche. Une étude à paraître fin mai de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques – DREES –, intitulée « Les dépenses pour la garde des jeunes enfants », montre même que le coût de la garde d'un enfant est identique une fois déduites les différentes prestations financières et aides fiscales, que l'on ait recours à une assistante maternelle ou à l'accueil en crèche. Un tel résultat est sans nul doute une des réussites les plus marquantes de la PAJE.
La PAJE est aussi un dispositif lisible qui a considérablement simplifié la vie des familles. C'est fondamental car trop de parents ont souvent l'impression de devoir affronter un véritable parcours du combattant pour accéder à leurs droits. Lorsque l'on compare l'empilement des dispositifs qui existaient avant la création de la PAJE et la qualité du service rendu aujourd'hui aux familles, l'effort des gouvernements saute aux yeux ! Le dispositif « Pajemploi » qui permet de gérer le recrutement d'une garde à domicile ou d'une assistante maternelle en ligne contribue aussi à la satisfaction des familles, 85 % des déclarations étant aujourd'hui dématérialisées.
Certes, le coût budgétaire de la PAJE a été plus élevé que prévu : 1,1 milliard d'euros de plus entre 2004 et aujourd'hui, ce n'est pas rien. Mais les trois logiques – budgétaire, économique et sociale – sont liées, l'objectif étant de favoriser, d'accompagner la natalité, mais également de mettre en oeuvre une politique visant à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, même si nous avons encore beaucoup d'efforts à faire en la matière.
La PAJE a connu un véritable succès. Les gouvernements antérieurs avaient estimé son coût en tablant sur un comportement identique. Or, la natalité a très fortement augmenté, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Surtout, la PAJE a eu un effet très bénéfique puisque les familles ont eu bien plus recours à l'accueil chez l'assistante maternelle, phénomène qui a coûté à lui seul 750 millions d'euros.
Je redis en outre que cette ambition a permis de soutenir notre natalité. Elle nous a aussi permis de parvenir à un taux d'emploi de 82 % des femmes de vingt-cinq à quarante-neuf ans et de consentir des efforts budgétaires à destination des assistantes maternelles, même si un recrutement massif est nécessaire, puisque nous avons besoin de créer 60 000 emplois supplémentaires à destination de la petite enfance pour accompagner les nouveaux modes de garde.
Tout ceci ne doit pas nous empêcher de réfléchir à certaines évolutions de la PAJE, notamment pour rendre le congé parental plus favorable à l'égalité homme - femme. C'est une priorité essentielle pour le Gouvernement.
Nicolas Sarkozy l'a souligné dans le discours qu'il a adressé aux familles le 13 février 2009 : le congé parental peut être à l'origine de nombreuses difficultés professionnelles, principalement bien sûr pour les mères. Un congé parental de longue durée, c'est une rupture dans un parcours professionnel, qui peut se traduire par une diminution des chances d'obtenir un meilleur salaire ou de retrouver un emploi, c'est parfois aussi une « trappe à inactivité ».
Deuxième constat marquant : sur les 586 000 congés parentaux pris dans le cadre du complément du libre choix d'activité (CLCA), seulement 1 % sont pris par des pères. Cela signifie que, encore aujourd'hui, malgré les immenses progrès réalisés en la matière, c'est toujours la femme qui est responsable des tâches ménagères – bien plus que les hommes –, c'est toujours la mère qui est considérée comme la principale responsable de l'éducation des enfants. Nous devons favoriser un meilleur équilibre au sein de la famille, pour aider les femmes dans leur carrière professionnelle.
Troisième et dernier constat : une femme sur deux qui a pris un congé parental dit l'avoir fait faute d'avoir trouvé un mode d'accueil adapté. Cela implique de continuer nos efforts pour développer l'offre de modes de garde diversifiés, comme s'y est engagé le Président de la République.
Vous comprendrez que ce sujet du congé parental est extrêmement complexe et nécessite un diagnostic clair quant aux motivations réelles du retrait du marché du travail et aux conséquences tant économiques que sociales d'un tel retrait. C'est pourquoi nous souhaitons confier au Haut conseil de la famille (HCF), qui se réunira dans les prochaines semaines, une réflexion sur l'évolution du congé parental.
Deux questions principales semblent devoir être examinées. Premièrement, le problème du retour à l'emploi pour les femmes qui viennent de prendre un congé parental. Comment faire concrètement pour qu'un congé parental ne soit pas un frein à leur promotion ? Le Président de la République l'a souligné, l'aménagement des horaires de travail et le recours au temps partiel sont certainement des évolutions souhaitables, que le Haut conseil à la famille examinera avec attention. Deuxièmement, l'objectif d'un meilleur partage du congé parental entre parents me semble être essentiel. En particulier, je souhaite que la possibilité de créer une période de congé réservée à chacun des parents soit étudiée, comme dans les pays du Nord. C'est la meilleure manière d'agir si l'on veut ancrer dans les faits l'égalité hommes-femmes.
Aujourd'hui, 70 % des Français attendent le développement des équipements et 30 % seulement des prestations familiales supplémentaires. Une étude récente du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) est formelle sur ce point.
200 000 places de garde supplémentaires seront offertes, conformément à l'engagement du Président de la République. Il est nécessaire de développer des modes de garde adaptés aux territoires, aux contraintes professionnelles des parents et aux attentes des collectivités locales, tout en tenant compte de notre souci budgétaire. À cet égard, il est possible d'imaginer des modes de garde à la fois de très bonne qualité et beaucoup plus simples dans leur mise en oeuvre.
Pour atteindre ces 200 000 offres supplémentaires, le Parlement a adopté trois mesures législatives.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 permet aux assistantes maternelles d'accueillir chez elles quatre enfants au lieu de trois. Je vous rappelle que dans les pays du Nord de l'Europe, elles peuvent en accueillir jusqu'à six. Grâce à cette possibilité supplémentaire, nous pouvons créer jusqu'à 50 000 places supplémentaires.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 permet également aux assistantes maternelles de travailler ensemble, à quatre au maximum, à l'extérieur de chez elles. Ce regroupement, qui permet d'offrir un accueil à horaires atypiques – tôt le matin, tard le soir –, est très demandé par les élus locaux, notamment en milieu rural. Il est expérimenté en Mayenne depuis 2006 et j'y ai vu – pour une fois – un maire de gauche, un député UMP et un président de conseil général centriste contents, des parents et des assistantes maternelles heureux et des bébés qui gazouillaient !
Dans le cadre du projet de loi de finances, le Parlement a relevé le crédit d'impôt famille destiné aux entreprises à 50 %, sur un plafond de dépenses de 2 millions d'euros, pour « booster » le dispositif des crèches en entreprise. Notre pays compte moins de 4 000 places dans les entreprises, notre objectif est d'en créer au moins 10 000 d'ici à la fin du quinquennat.
L'État a signé le 9 avril dernier la nouvelle convention d'objectifs et de gestion avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Après plusieurs mois de travail et de préparation, nous faisons un effort budgétaire de près de 1,3 milliard d'euros qui nous permettra de créer 100 000 places de crèches supplémentaires.
À travers ce dispositif, nous fléchons des places par le biais de l'expérimentation de 8 000 places en jardins d'éveil, qui seront des structures souples, reposant surtout sur le principe de mutualisation des moyens, avec un encadrement beaucoup plus important qu'en préscolarisation, car un enfant de deux ans est encore un bébé.
Nous souhaitons également flécher 1 800 places à destination des 215 quartiers prioritaires, dans le cadre du plan « Espoir banlieue ». Dans ces quartiers, le taux d'activité des femmes est nettement inférieur à la moyenne nationale et deux demandes récurrentes s'expriment : le désenclavement par le biais des transports et le développement des modes de garde. Ne pas pouvoir faire garder ses enfants à proximité est un handicap pour ces femmes si elles veulent aller travailler ou se rendre à un entretien d'embauche. Nous avons signé une convention avec Fadela Amara, et ces 1 800 places seront créées directement au coeur des quartiers, avec les offices publics de l'habitat. Les structures seront simples à mettre en oeuvre, par le biais de regroupements d'assistantes maternelles ou de microcrèches dans des appartements aménagés.
En outre, j'ai signé un accord avec l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et la Caisse d'allocations familiales pour pouvoir ouvrir les crèches hospitalières de Paris et de l'Île-de-France, dont le taux d'occupation est d'à peine 70 %, aux familles habitant à proximité des hôpitaux mais n'y travaillant pas. Ce dispositif permettant d'optimiser les moyens et d'économiser 13 millions d'euros, j'ai signé le même accord avec les hôpitaux de Lyon, le directeur du centre hospitalier Le Vinatier m'ayant dit qu'il était à deux doigts de fermer sa crèche, occupée à 40 % ! Du coup, j'ai généralisé l'accord au niveau national avec Claude Evin, président de la Fédération hospitalière de France, mais aussi avec les hôpitaux et les cliniques privées.
À total, les financements du Fonds national d'action sociale de la CNAF affectés à l'ensemble de ces moyens de garde supplémentaires augmenteront de 7,5 % par an.
Enfin, je suis allée inaugurer à la CNAF un nouveau dispositif : le site internet www.mon-enfant.fr qui permettra aux parents d'être mieux guidés dans leur parcours, souvent compliqué, de recherche de places. Nous optimiserons ce dispositif d'ici à 2010 : les familles pourront alors connaître en temps réel les places disponibles là où elles souhaitent faire garder leur enfant.
Une politique familiale performante en termes d'enjeu démographique au sein de l'Union européenne ; des outils performants, en particulier la PAJE ; des objectifs clairs en matière de développement des modes de garde diversifiés pour mieux concilier vie familiale et vie professionnelle des parents, tout en les guidant dans leur parcours. Telles sont l'analyse et les perspectives de la politique d'accueil du jeune enfant en France que je tenais à vous présenter aujourd'hui.