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Intervention de Didier Houssin

Réunion du 18 octobre 2007 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Didier Houssin :

Merci de votre invitation.

La direction générale de la santé a un rôle assez général en matière de santé publique. Son intervention sur le champ du médicament se fait essentiellement à travers la notion d'intérêt de santé publique. Bien sûr, elle joue un rôle en matière de réglementation et de discussion au niveau européen sur les aspects réglementaires, mais c'est son rôle en matière de santé publique qui est le plus caractéristique.

Elle cherche à s'assurer que certaines populations qui n'ont pas accès à certains médicaments puissent y accéder, et à faire en sorte que l'on prenne en compte, dans le processus qui conduit au remboursement du médicament la notion d'intérêt de santé publique. Nous partageons tout à fait l'analyse qui a été faite par la Cour des comptes en ce domaine : cette prise en compte est sans doute tout à fait insuffisante aujourd'hui.

Par ailleurs, elle est amenée, pour des raisons de sécurité sanitaire, à travers sa participation au Comité économique des produits de santé (CEPS), à promouvoir le développement des études post AMM – autorisation de mise sur le marché –, qui permettent d'apprécier la manière dont les médicaments fonctionnent dans la vie réelle. Sur ce point, la Cour des comptes a souligné qu'il y avait beaucoup de progrès à faire.

Je ne parlerai pas des aspects qui touchent au médicament en matière de sécurité sanitaire : tout ce qui concerne la préparation aux plans de défense contre le terrorisme ou les menaces de grande ampleur. En ce domaine, la direction générale de la santé a un rôle assez spécifique d'identification, de stockage. De la même façon, elle a un rôle particulier en cas de problèmes majeurs de santé publique générés par l'utilisation de certains médicaments ou l'absence de médicaments ; je pense aux problèmes de vaccinations dans le cas de certaines épidémies. Mais je crois que ce n'est pas l'objet de vos travaux.

Je me concentrerai donc sur la question du médicament dans la pratique habituelle, en particulier sur le point souligné par la Cour des comptes, la surconsommation de médicaments en situation de médecine libérale.

La Cour a en effet remarqué que le circuit qui conduit à l'admission au remboursement des médicaments est insuffisamment sélectif. Nous partageons totalement cette analyse. Selon nous, la commission de la transparence se distingue trop peu aujourd'hui de la commission de l'AMM. Elle s'appuie d'ailleurs sur les dossiers d'AMM et son travail duplique celui de la commission de l'AMM. Elle est composée de professionnels de santé de nature assez voisine de ceux qui peuplent la commission de l'AMM, ce qui explique en grande partie cet état de fait. Nous serions donc très favorables à ce que la composition de la commission de la transparence soit nettement modifiée, dans un sens beaucoup plus tourné vers la prise en compte de l'intérêt de santé publique. Quelle sera la population cible pour l'usage de ce médicament ? Comment mieux prendre en compte l'impact de ce médicament en termes de mortalité, morbidité, lié à l'usage de ce médicament ? Et surtout, comment mieux prendre en compte en compte la dimension médico-économique ? En effet l'équilibre financier du système d'assurance maladie est pour la direction générale de la santé un objectif majeur en termes de santé publique. C'est ce dispositif qui garantit aujourd'hui l'égalité d'accès aux soins.

Il est exact que la surconsommation de médicaments a un grand impact, qui ne fait que s'accentuer, sur le plan économique. Nous voudrions donc que la dimension médico-économique soit beaucoup mieux prise en compte par la commission de la transparence, par exemple lorsqu'un médicament représente un intérêt sanitaire marginal par rapport à un produit existant, mais qu'il revient beaucoup plus cher.

A-t-on besoin d'une commission de la transparence, dans son fonctionnement actuel ? On pourrait imaginer qu'il suffirait d'élargir un peu le champ de vision de la commission de l'AMM pour qu'elle puisse s'occuper du service médical attendu. La commission de l'AMM remplirait ainsi le rôle que joue aujourd'hui la commission de la transparence. Pourquoi pas, à la condition qu'au sein de la HAS, ou à côté, on crée une structure qui concentrerait son activité autour de la notion de santé publique.

Pour alimenter cette réflexion et cette décision sur l'intérêt de santé publique, il faut des gens qui aient une compétence en matière de santé publique et une compétence médico-économique. Il faudrait aussi que cette structure puisse s'appuyer sur des données. Or aujourd'hui, la commission de la transparence n'a pas beaucoup de données complémentaires par rapport à la commission de l'AMM. Si on voulait que l'intérêt de santé publique soit mieux pris en compte, il faudrait que, très en amont, avec les industriels, lors du dépôt de la demande d'AMM, on puisse disposer d'études beaucoup plus précises pour répondre aux questions suivantes : quelle est la population cible ? Comment se présentera la dimension médico-économique ? Comment aborder la question vis-à-vis des produits existants par ailleurs ? Toutes ces questions sont assez peu documentées actuellement.

Voilà vers quoi nous aimerions aller. Je ne méconnais pas les difficultés que nous pouvons rencontrer dans ce sens. Dans le court terme, il est sûr que la manière dont sera composée et présidée la commission de la transparence sera déterminante. Nous souhaitons voir celle-ci s'infléchir d'ores et déjà de plus en plus vers la prise en compte de l'intérêt de santé publique.

Autre question : la prescription peu encadrée. Aujourd'hui, un des facteurs de surconsommation réside très certainement dans le fait que la mécanique de l'exercice libéral est très propice à l'accentuation de la prescription. On pourrait imaginer que dans une mécanique différente de l'exercice médical, qui permettrait un meilleur équilibre entre la prise en compte des aspects de santé publique, de prévention et la prise compte des aspects de soins, le moteur qui conduit à une prescription importante serait freiné.

Des questions importantes se posent s'agissant du mode de rémunération des médecins. La prescription à l'acte est un facteur déterminant de l'accentuation importante de la prescription de médicaments. Si l'on veut s'attaquer à la racine de la surconsommation, il faudra s'intéresser à la manière dont s'organise la relation entre le médecin et le malade, en particulier au mode de rémunération de l'exercice médical.

Autre aspect de la surconsommation : la formation et l'information des médecins.

Je ne suis pas sûr que, dans ce domaine, on puisse attendre des miracles. Les médecins sont aujourd'hui exposés à une information envahissante, multiforme. Il est donc très difficile de décider d'accentuer l'information sur les médicaments. Des progrès ont été faits, mais c'est un travail de longue haleine, qui passera peut-être par la formation des médecins pour qu'au fil des années, la dimension de santé publique et la dimension médico-économique soient prises en compte. Actuellement, dans sa prescription, un médecin se demande rarement si tel médicament est plus cher que tel autre. C'est une question très difficile.

La direction générale de la santé joue par ailleurs un rôle de coordinateur entre les très nombreux acteurs : AFSSAPS, HAS, assurance maladie, Comité économique des produits de santé. Je pense notamment aux études post AMM, qui ne sont pas assez développées en France. Nous avons créé un comité de liaison pour avoir une approche la plus rassemblée possible dans ce domaine. Des sujets très « chauds » se sont fait jour dernièrement, comme le vaccin contre le virus HPV – responsable du cancer de l'utérus.

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