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Intervention de Bertrand Fragonard

Réunion du 18 octobre 2007 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Bertrand Fragonard :

Le bouclier n'a pas vocation à influencer la pratique médicale. Il s'agit d'un réajustement, mais ce n'est pas cela qui modèle la prescription. Dans son avis de juin 2006 sur la prescription des médicaments, le Haut Conseil a exprimé sa conviction que, dans un marché très ouvert où l'on admet les médicaments vite et bien et à des prix plutôt raisonnables, la vraie question est celle de la pression que l'on exerce pour contenir la prescription.

Le constat est connu et les communications de la Cour des Comptes à la MECSS le confirment : nous sommes dans un pays où l'on a heureusement accès aux progrès thérapeutiques liés à l'innovation pharmaceutique et où l'on accepte le principe d'un marché ouvert. Or un marché ouvert fortement solvabilisé crée un contexte propice aux abus de prescription. Dès lors, la prescription n'est pas à l'optimum en quantité puisque presque chaque consultation débouche sur une ordonnance, en général de trois lignes et dont le coût unitaire progresse. En moyenne, chaque fois que l'on va voir un généraliste, cela conduit à 50 euros de prescriptions pharmaceutiques. La France est un pays gros consommateur de médicaments. Dans d'autres pays un grand nombre de consultations ne se traduisent pas par une ordonnance. Ce phénomène tient sans doute à la culture française, c'est-à-dire à la formation initiale des médecins.

La prescription n'est pas non plus à l'optimum en termes de qualité. Sans même parler du risque que fait courir la prescription de certains médicaments, nous constatons de nombreuses prescriptions hors autorisation de mise sur le marché (AMM), qui ne sont pas totalement maîtrisées, et, surtout, hors répertoire. L'économie du médicament repose sur le princeps, sur le générique et sur les médicaments dits « me too », c'est-à-dire des produits assimilables, de la même classe thérapeutique et qui ont probablement la même aptitude à soigner les malades.

Quand on arrive au terme d'un brevet, la générication est possible, elle entraîne une baisse du prix, qui a été plus prononcée depuis les récentes décisions gouvernementales puisque le générique est introduit à 50 % du prix du princeps et que l'on fait baisser le prix de ce dernier de 15 %. On attend donc de l'arrivée du générique une baisse prononcée du coût de la prescription. Or on n'obtient pas ce résultat car la prescription se fait souvent en dehors du répertoire. Le laboratoire responsable du princeps a tendance à limiter l'effort de promotion puisque cela lui rapporte moins, mais, faute de contacts avec les médecins, les génériqueurs n'ont pas de politique de promotion, si ce n'est en direction des pharmaciens. À l'inverse, les laboratoires qui proposent des me too exercent une pression forte sur les prescripteurs. Ainsi, alors que chacun sait que l'on pourrait soigner davantage en utilisant le répertoire – princeps ou générique –, on observe une augmentation préoccupante de la prescription hors répertoire.

C'est pour cela que nous avons insisté sur la convergence des prix, c'est-à-dire sur la nécessité de revoir les prix des me too au moment où l'on génériquait un produit. Cette option a été retenue dans la lettre d'orientation que le ministre a envoyée au mois d'octobre au président du Comité économique des produits de santé (CEPS).

Il n'y a pas encore eu de modélisation pour voir quelle pourrait être l'étendue du répertoire. C'est un exercice difficile, car la notion de me too n'est pas aussi précise que celle de générique et l'on ne peut pas considérer que tous les produits sont équivalents. Le répertoire représente actuellement 20 % des prescriptions, on ignore s'il pourrait atteindre 30 % ou 40 %, mais il est certain qu'il y a une marge de progression, donc un gisement considérable, probablement de plusieurs centaines de millions d'euros. C'est pour cela que depuis le mois d'octobre le président du CEPS s'efforce de revoir les prix des me too qui sont à l'origine légèrement inférieurs au prix princeps mais qui, après la générication, valent plus que le générique mais aussi que le princeps. Il faut faire converger le prix des me too vers cette référence qu'est le prix de marché, l'enjeu étant de repérer le gisement et de l'exploiter.

Même si l'avenant 23 à la convention médicale fixe un objectif de prescription dans le répertoire pour certaines classes de médicaments, faire évoluer la prescription nécessite beaucoup de temps. Aussi, l'impatience gagnant les gestionnaires, il faut contourner cette résistance en ajustant la politique des prix, c'est l'objet du processus de convergence. C'est un sujet essentiel car si l'on ne fera pas varier ainsi le volume et la qualité de la prescription, on agira au moins sur son prix.

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