Vous évoquez les objectifs initiaux de la PAJE : je rappelle qu'ils avaient beaucoup évolué par rapport à l'engagement du candidat Jacques Chirac, qui souhaitait surtout permettre aux familles de choisir plus librement le mode de garde de leurs enfants. Le ministère et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) avaient émis quelques réserves sur un dispositif qui aurait pu mettre en difficulté les gestionnaires des structures collectives. Nous pensions que pour permettre un libre choix, il fallait sans doute aider les ménages mais également aider la branche famille à réaliser des équipements collectifs, en cofinancement avec les collectivités locales. Nos arguments ont été entendus et ont permis la mise en place de la PAJE. C'est ainsi que la convention d'objectifs et de gestion de la branche famille a augmenté les dépenses du Fonds national d'action sociale (FNAS) de 7,5 % par an – soit 33 % sur l'ensemble de la période.
Le bilan de la PAJE, dans son ensemble, est assez satisfaisant. Tout d'abord, le taux de natalité n'a cessé de progresser en France. Il serait stupide d'attribuer ce phénomène au seul dispositif de la PAJE, mais il le serait encore plus de prétendre que les politiques familiales n'ont aucun impact sur la natalité. Or, depuis une vingtaine d'années, les politiques que nous menons sont plus axées sur l'accueil du jeune enfant que sur les prestations d'entretien, ce qui tend à favoriser la natalité. D'ailleurs, elles sont bien comprises par l'ensemble de nos concitoyens.
Autre point positif, la PAJE a facilité la conciliation entre vie de famille et vie professionnelle. Le taux d'emploi des femmes est très satisfaisant dans notre pays, en comparaison de celui des pays avoisinants. À ceux qui pensent que les pays nordiques font mieux que nous, je citerai les auteurs du livre Le deuxième âge de l'émancipation, pour qui les taux d'emploi dans les pays nordiques doivent être relativisés, les Suédoises et les Danoises étant comptées parmi les femmes actives lorsqu'elles sont en congé parental, ce qui n'est pas le cas des Françaises. Sur les 81 % de Suédoises « actives », seules 62 % travaillaient effectivement pendant l'enquête, dont 49 % étaient mères d'enfants de moins d'un an, ce qui est assez proche du taux français puisque dans notre pays, environ 70 % des mères d'un enfant ont un emploi.
La PAJE a également simplifié l'accès aux droits, notamment grâce au dispositif « Pajemploi », qui s'est substitué à des modes de solvabilisation dont certains, comme l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED), fonctionnaient très mal. Je crois pouvoir dire que le dispositif « Pajemploi » donne toute satisfaction aux familles, notamment du fait de sa dématérialisation – qui explique le faible coût de gestion de ce dispositif.
Cela dit, le coût budgétaire de la PAJE est plus élevé que prévu, comme vient de le rappeler la Cour des comptes, pour la simple raison que le gouvernement de l'époque avait choisi de chiffrer la mesure à comportement constant. Or, la PAJE a eu un impact supérieur à celui que nous estimions puisque 250 000 familles supplémentaires en bénéficient, sur un total d'environ 2,2 millions de familles. Nous nous réjouissons d'un tel succès, mais il a entraîné le déficit de la branche famille pendant plusieurs années. Certes, celle-ci a retrouvé un équilibre budgétaire en 2008, mais il aurait été préférable de mieux estimer son coût dès le départ.
L'argent public est-il bien utilisé et bien redistribué ? Certaines adaptations sont peut-être souhaitables, mais la PAJE répond à l'objectif initial qui était de faire en sorte que l'effort financier des familles soit le même, quel que soit le mode de garde qu'elles choisissent, le « reste à charge » ne devant pas intervenir dans leur choix. Les programmes de qualité et d'efficience établis par nos services montrent que l'effort a diminué ces dernières années : le « reste à charge » d'une famille disposant d'un revenu égal au SMIC est passé de 123 euros en 2004 à 96 euros en 2008 si elle recourt à une assistante maternelle, et de 89 euros à 52 euros si elle s'adresse à un établissement. Si le recours aux équipements collectifs s'impose aux familles à très bas revenus, la situation s'inverse pour les familles dont le revenu se rapproche de trois SMIC, compte tenu des surcoûts imposés par les équipements collectifs.
En matière de redistribution, la Cour des comptes a émis un avis critique sur le complément de libre choix d'activité à temps partiel. Destiné à l'origine à des familles à faibles revenus, il semble qu'il bénéficie aujourd'hui à des familles aisées. Il faut donc améliorer ce dispositif destiné à favoriser le temps partiel.
J'en viens à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Le revenu de remplacement fait l'objet de certaines critiques. En incitant les femmes à ne pas travailler pendant de longues périodes, il risque de les détourner de l'emploi. Ce risque est réel, et l'on constate qu'un grand nombre de femmes ont des difficultés à retrouver du travail après plusieurs années d'éloignement.
En bref, les politiques qui ont été menées ont eu un impact positif sur l'accueil des jeunes enfants. Cela dit, ne négligeons aucune piste pour faire encore mieux.
Enfin, si le dispositif Pajemploi a simplifié la vie des familles en agissant sur la solvabilisation, il reste que l'accueil du jeune enfant demeure un véritable parcours du combattant dans certaines régions. La caisse d'allocations familiales et les collectivités locales doivent améliorer les services rendus aux familles. Ces services sont encore trop hétérogènes, ce qui doit nous amener à diversifier et à mieux cibler notre approche en fonction des territoires, mais aussi de l'offre et de la demande. Or, nous ne disposons pas d'outils suffisamment précis pour élaborer des stratégies ciblées en matière d'équipements collectifs.