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Intervention de colonel Thierry Bourret

Réunion du 12 mai 2010 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

colonel Thierry Bourret :

Vous ayant déjà présenté les missions de l'Office, je reviendrai d'abord sur le constat que peut faire un service enquêteur de la problématique dopage, puis sur les difficultés que nous rencontrons, enfin sur les perspectives d'avenir. Une précaution orale tout d'abord : si je parle au nom d'un service répressif, la question du dopage ne peut être uniquement résolue sous cet angle. C'est le plus en amont possible qu'il faut intervenir grâce à la prévention, même si cette dernière ne peut pas tout régler, d'autant que nous serons à l'avenir encore plus confrontés qu'aujourd'hui à de nouvelles formes de criminalité organisée.

Pour ce qui est du constat, le dopage – c'est une banalité de le dire – ne concerne pas qu'un sport, mais tous les sports, même si l'on parle plus particulièrement de l'un d'entre eux. De même, le dopage ne concerne pas que les sportifs de haut niveau. La problématique en la matière est abordée dès le niveau semi-professionnel, voire amateur. Une enquête débutée voila un mois a ainsi démontré que des adolescents de quatorze ans n'avaient pas trouvé mieux, avant de participer à une épreuve interscolaire, que de se procurer via Internet des produits dopants qui se sont révélés de très mauvaise qualité, avec pour résultat un état physique très dégradé chez deux de ces jeunes. Et l'on sait que des étudiants sont prêts, pour rattraper le temps perdu, à prendre n'importe quel produit leur permettant de ne pas dormir avant un examen.

Force est de constater qu'en matière de dopage, 90 % des cas relèvent de déviances médicales ou de mésusages de médicaments et non de l'usage de stupéfiants, même si des combinaisons de produits ou de procédés peuvent exister.

Une telle situation s'explique aussi par le trafic de médicaments, qu'il s'agisse de médicaments volés, détournés, périmés mais réétiquetés, contrefaits ou encore dénués d'autorisation de mise sur le marché, sans oublier les compléments alimentaires qui contiennent des substances actives, lesquelles sont de fait des médicaments. C'est donc bien à un véritable problème de santé publique que l'on a affaire.

Les produits et les procédés sont par ailleurs de plus en plus perfectionnés. Le sportif qui se dope seul dans une chambre d'hôtel est un mythe. Aujourd'hui, des chaînes complètes s'organisent autour d'un prescripteur de produits, d'un fournisseur, d'un pourvoyeur puis d'un facilitateur qui aide le sportif à prendre le produit. C'est pourquoi, la parade ayant été trouvée, des contrôles antidopage se révèlent négatifs alors que les forces de sécurité trouvent dans le même temps des produits dopants et des protocoles et obtiennent des aveux. Il est vrai que beaucoup d'argent est en jeu. Des repentis nous ont ainsi expliqué que le coût d'une transfusion sanguine peut atteindre 80 000 euros, ce qui comprend une prise de sang enrichi dans une clinique européenne, sa congélation puis sa livraison la veille d'une épreuve – en Ukraine, la même opération revient à 300 euros, sans toutefois les mêmes garanties de qualité !

Les difficultés que nous rencontrons tiennent d'abord à la complexité et à l'évolution constante des produits et des procédés. Nous avons en face de nous des gens extrêmement réactifs qui mettent sur le marché des produits qui ne se retrouvent pas d'une année sur l'autre. En outre, les forces de sécurité doivent faire avec la liberté de circulation des hommes et des marchandises et avec Internet. À cela s'ajoute une forte circulation des sportifs soit pour participer à des épreuves internationales soit pour s'entraîner, avec la difficulté qu'implique pour un service national la présence sur son sol de sportifs étrangers seulement le temps d'une épreuve. Aussi est-il nécessaire de tisser des liens avec nos partenaires étrangers.

On peut également regretter l'absence d'harmonisation des textes à l'échelle européenne – ce qui est interdit chez nous pouvant être autorisé ailleurs. Quant à la remontée de l'information, nous sommes confrontés à une véritable omerta – le mot n'est pas trop fort –, d'autant qu'à la différence du trafic de stupéfiants, le dopage ne se passe pas dans la rue. Il implique un nombre très limité de personnes qui plus est de confiance, ce qui rend bien difficile de pénétrer le milieu.

La dernière difficulté tient à la sensibilité de ces affaires du fait des médias. Il convient ainsi de veiller à ce que des sportifs ne soient pas condamnés avant même d'avoir été jugés.

S'agissant enfin des perspectives d'avenir, deux facteurs apparaissent comme aggravants : Internet, vecteur de plus en plus important de circulation des médicaments, et les paris sportifs, du fait de la loi qui vient d'être adoptée. Tous nos homologues, notamment en Asie où les paris sont autorisés depuis plusieurs années, nous font part des conséquences en termes de dopage : beaucoup plus d'argent étant en jeu, les tentations sont beaucoup plus grandes de fausser les résultats.

Par ailleurs nous constatons de plus en plus souvent l'apparition de formes de criminalité organisée. J'emploie le terme à dessein, au sens de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée. Les cas que nous rencontrons correspondent bien en effet à la définition qu'en donne son article 2, à savoir que « l'expression “groupe criminel organisé” désigne un groupe structuré de trois personnes ou plus [...] agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves [...] pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre », c'est-à-dire du pouvoir. En ce domaine, la solution devra être recherchée sur le plan tant de la prévention que de la répression.

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