En 1996, la présence de deux représentants des usagers au sein des conseils d'administration des hôpitaux a été instituée par ordonnance ; le décret du 7 juillet 2005 a élargi ce nombre à trois. Néanmoins, il n'a pas été facile aux représentants des usagers de trouver leur place au sein des conseils d'administration et autres commissions des relations avec les usagers. La justification de leur présence a été contestée : on leur a fait savoir que chacun connaissait les attentes des usagers, qu'il s'agisse du directeur qui, en cas de conflit, voit arriver ceux-ci dans son bureau, ou encore des chefs de services, des médecins, et de façon générale du personnel qui, étant en contact permanent avec les usagers, ont le sentiment de connaître leurs attentes. Trouver notre place et affirmer notre différence à l'égard des autres membres des conseils d'administration n'a donc pas toujours été facile.
Aujourd'hui cependant, plus personne ne doute de l'intérêt de la représentation des usagers. Certes, celle-ci reste très hétérogène, du fait de sa nouveauté et de sa composition : les représentants sont, le cas échéant, des personnes malades, donc elles-mêmes fragilisées.
Si les ordonnances de 1996 visant à réformer la sécurité sociale et la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ont permis la représentation des usagers, elles n'en ont pas forcément créé les conditions d'exercice. Bien souvent, l'organisation de l'hôpital prime sur la participation des usagers : les réunions ont toutes lieu en journée, pendant les heures de travail des professionnels. Elles s'égrènent parfois tout au long de la semaine, alors que les regrouper au sein d'une même journée faciliterait l'exercice de leur mandat par les représentants. La participation de ceux-ci peut donc se trouver obérée par ce mode d'organisation du fait de leurs contraintes professionnelles.
Alors que la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé avait institué pour eux une sorte de statut, incluant congé de représentation et possibilités d'indemnisation – des frais de transport notamment –, il faut bien constater que sa mise en oeuvre est insatisfaisante : méconnus, y compris par les employeurs des représentants, les congés de représentation sont très peu utilisés ; le remboursement des frais n'est pas assuré : beaucoup d'hôpitaux soit arguent de leur déficit pour s'en dispenser, soit même s'interrogent sur leur droit à prendre en charge ces frais. Pourtant, ce n'est pas faute de notre part de réclamer, auprès de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, l'envoi de circulaires rappelant aux établissements leurs obligations. Faire vivre la démocratie sanitaire au sein des établissements comme du reste dans d'autres structures – conférences régionales ou autres groupes de travail locaux, départementaux ou régionaux – est donc une vraie difficulté. Or, si la représentation des usagers n'est pas considérée comme un atout pour la santé, elle risque d'être laissée en déshérence. En conséquence les usagers pourront en venir à désespérer de pouvoir exercer leur mandat.
L'accréditation et la certification ont aussi permis aux usagers, par leur participation, de montrer que le regard extérieur qu'ils peuvent porter sur l'hôpital est utile aux professionnels de santé, et que leur relation avec eux n'est pas une relation de conflit.
L'une des craintes initiales majeures des professionnels était celle du consumérisme médical. Nous pouvons tous constater aujourd'hui que, en portant sur les pratiques un regard critique, en aiguillonnant les équipes, en leur demandant, par exemple, si les difficultés, d'organisation ou de personnel qu'ils rencontrent ne sont pas liées à des habitudes qui ne permettent plus de prendre conscience du caractère déviant, voire maltraitant, de certaines pratiques, les représentants des usagers concourent plutôt à l'amélioration de la qualité.
Leur regard extérieur libère également la parole des professionnels : à la fin des années quatre-vingt-dix, lors de réunions sur ces thèmes, c'était le plus souvent le chef de service qui s'exprimait, le reste de l'équipe, notamment les infirmières, restant muet. Une douzaine d'années plus tard, il se révèle possible de tenir une discussion, parfois animée, sur la qualité, sans pour autant que les professionnels aient l'impression d'être soumis à un jugement et de recevoir des leçons de la part des usagers. Nous voulons renforcer cette dynamique, afin de permettre à l'hôpital d'évoluer en fonction non seulement des textes et des techniques, mais aussi du regard des usagers.
Le traitement des plaintes et réclamations est un autre exemple intéressant : à la différence d'autres secteurs, industriels ou commerciaux, l'hôpital autrefois ne tirait aucune conséquence des plaintes et réclamations. L'attitude pouvait même être celle du mépris envers des récriminations de personnes qui avaient déjà la chance d'être soignées.
Aujourd'hui, bon nombre d'établissements ont compris l'intérêt d'utiliser la parole des usagers pour repérer et identifier des dysfonctionnements, valoriser des bonnes pratiques. Nous sommes toujours attentifs aux lettres d'usagers faisant l'éloge de leur prise en charge ou de telle ou telle pratique au sein des services, afin d'étendre ces procédés à l'établissement.
En s'inscrivant dans une démarche de qualité plutôt que dans un mode de gouvernance administrative, la participation des usagers dans les établissements apparaît comme un levier d'évolution de l'hôpital.