Il est vrai que l'optimisation des soins au sein de l'hôpital est une des missions majeures de la Haute Autorité de santé. Je vous ai d'ailleurs transmis un rapport de la Haute Autorité de santé consacré au recours à l'hospitalisation en Europe, comparant l'organisation des soins dans les différents pays européens. Il apparaît que cette organisation varie à un tel point que les conclusions générales qu'on peut en tirer n'ont pas de portée pratique.
On peut cependant observer que tous les pays, et pas seulement les pays européens, cherchent à réduire, par l'accès – optimisé ou recommandé – ou par d'autres moyens, le poids de l'hôpital dans le parcours de soins.
Par ailleurs, une étude de Victor Rodwin comparant les taux d'hospitalisation évitable place la France en bonne place, devant le Royaume-Uni et l'Allemagne. Je pourrais également vous transmettre un rapport du Commonwealth Fund portant sur les différences dans l'accès à l'hospitalisation.
La première question qu'il faut se poser est de savoir si on veut accroître ou diminuer la place de l'hôpital dans le parcours de soins. La tarification à l'activité (T2A) est un excellent moyen pour accroître l'activité de l'hôpital – cet outil a d'ailleurs été utilisé dans les pays qui souffraient d'un défaut d'accès à l'hôpital. En revanche, si on veut diminuer le poids de l'hôpital, la T2A doit être contrebalancée par ce que nous appelons la qualité des soins : c'est là que la Haute Autorité de santé prend toute sa place, notamment par sa mission de certification des établissements de santé, en particulier dans le cadre des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens. Le financement des établissements ne doit pas en effet tenir seulement à l'activité mais également à la qualité.
Dans le même ordre d'idées, nous avons étudié, avec l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES), le lien entre le volume d'activité des hôpitaux et la qualité des soins en France. Il en résulte, schématiquement, que le volume d'activité n'a pas grande incidence sur la qualité des soins courants. En revanche, plus la technicité de l'intervention s'accroît, plus le lien entre qualité et volume se renforce, avec des effets de seuil pour les opérations les plus complexes, notamment les greffes, à savoir que la qualité n'est obtenue qu'à partir d'un certain volume.
Si l'on veut voir diminuer le poids de l'hôpital, une deuxième question se pose alors : celle de la part de la chirurgie et de la médecine ambulatoires. La France se distingue en effet par un faible taux de prise en charge en chirurgie ambulatoire : 30 %, contre 80 % dans d'autres pays. La Haute Autorité de santé est ainsi prête à favoriser le développement de la chirurgie ambulatoire, dans le cadre notamment de la convention de partenariat passée avec l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), par le biais de l'évaluation des actes et des procédures, de la définition de check-list, de la promotion des bonnes pratiques, etc. MM. Jean-Michel Dubernard et Jean-Paul Guérin vous en parleront plus longuement, puisqu'ils ont participé ici même au colloque consacré à la chirurgie ambulatoire, intitulé « La chirurgie ambulatoire : enjeux et perspectives », organisé sous la présidence du Professeur Olivier Jardé, député de la Somme, avec le concours de la Haute Autorité de santé, de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux et de l'Association française de chirurgie ambulatoire (AFCA).
Cette question nous interroge sur la finalité de la T2A : celle-ci conduit-elle plutôt à rendre transparente la facturation, afin de connaître le juste coût, ou à changer les pratiques ? Ainsi, en surfacturant très nettement les soins palliatifs et la dénutrition sévère, la V11, dernière version de la T2A, incite les hôpitaux à prendre en charge les personnes en fin de vie ou sévèrement dénutris. Il apparaît donc que la T2A est à la fois un moyen d'appréhender le juste coût et un levier. À cet égard, une incitation tarifaire serait à même de valoriser la chirurgie ambulatoire, puisqu'il vaut mieux actuellement, du point de vue du tarif, hospitaliser les patients plus de vingt-quatre heures.
Ces considérations relatives à la chirurgie ambulatoire pourraient être étendues à la médecine ambulatoire dans son ensemble, notamment à la cancérologie ambulatoire, où la marge de progression est significative.
La troisième question est celle de la place de l'hôpital au sein du parcours de soins. Il serait aujourd'hui préférable d'évaluer ce parcours pour chaque pathologie, depuis les premiers symptômes jusqu'à la fin de la prise en charge, plutôt que d'analyser, secteur par secteur, les actes du médecin traitant, du spécialiste, de l'hôpital, etc. C'est ce qu'a fait la Haute Autorité de santé pour l'infarctus du myocarde ou l'accident vasculaire cérébral (AVC). Considérer ainsi le parcours de soins maladie par maladie, et non plus structure par structure, constitue une véritable révolution culturelle dans l'organisation des soins, dans notre pays du moins, car d'autres nous ont précédés : je pense notamment aux bundles, les « bouquets », qui décrivent la prise en charge du patient tout au long du parcours de soins.
Nous sommes prêts à inscrire notre travail avec les futures agences régionales de santé (ARS), dans cette nouvelle perspective, non seulement en adaptant les indicateurs actuels de comparaison de structures permettant de réexaminer les process – du médecin traitant ou de l'hôpital, sujet qui nous préoccupe aujourd'hui –, mais également en élaborant des indicateurs de résultat mesurant un parcours de soins dans son ensemble, maladie par maladie. Il s'agirait, par exemple, d'établir un indicateur de mortalité ou de morbidité pour l'infarctus du myocarde, pour l'accident vasculaire cérébral, etc.
Quatrième question : peut-on ou non accroître les bonnes pratiques, conformément à la mission assignée à la Haute Autorité de santé ? Celle-ci ne se contente pas de favoriser les bonnes pratiques : elle se mobilise pour que les professionnels s'approprient ce travail. Ainsi, nous avons fait en sorte que les recommandations soient plutôt faites par les professionnels eux-mêmes – la Haute Autorité de santé se réservant la labellisation –, dans le cadre de collèges de bonnes pratiques – désormais conseils nationaux : celui de la médecine générale regroupe quarante-sept organisations.
Nous avons également assuré, par le biais de 102 organismes agréés, la mise en oeuvre effective du concept du développement professionnel continu (DPC), avec 25 000 médecins concernés, qui rassemble la formation médicale continue (FMC) et l'évaluation des pratiques professionnelles (EPP). Toutefois, si la méthodologie et l'évaluation de ce nouveau dispositif relève de la mission de la Haute Autorité de santé, sa mise en oeuvre doit être assurée par les professionnels eux-mêmes.
Toujours dans le cadre de l'évaluation des bonnes pratiques, nous travaillons à l'amélioration de la sécurité des soins, au moyen notamment du dispositif d'accréditation des médecins exerçant dans des spécialités à risque, et nous avons établi non seulement des revues de mortalité et de morbidité, mais également des check-lists, relatives notamment à la sécurité des soins au bloc opératoire.
Par ailleurs, nous nous demandons si le développement professionnel continu n'aurait pas vocation à s'adresser aux autres professions, notamment aux cadres soignants. Le rôle de ces derniers doit-il en effet se limiter à l'organisation des plannings ou ne doit-il pas être axé sur la prestation de soins ?
En conclusion, l'évolution de la médecine, qui ne cesse de gagner en complexité, nous conduit à nous interroger sur le parcours de soins et la place de l'hôpital dans ce parcours. C'est ce que fait la Haute Autorité de santé, en collaboration avec les agences régionales de santé, l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, et d'autres organismes compétents dans le domaine de l'hôpital.