J'observe que la marine nationale retient une approche de ses interventions à l'extérieur très différente de celles des autres armées et fixe une ligne de partage beaucoup plus nette de ce qui relève des Opex et de ce qui n'en relève pas.
N'y a-t-il pas un risque de céder à la facilité en faisant l'impasse sur l'ISSE et de continuer à payer l'indemnité maritime, ce qui aboutit à minorer les surcoûts remboursés au titre des Opex ?
Le vice-amiral Xavier Magne. Au contraire, la facilité serait de basculer le maximum de coûts sur l'ISSE, ce qui se traduirait au plan budgétaire par une majoration des dépenses supportées par le BOP Opex. Une telle facilité serait cependant susceptible de générer des effets pervers : en effet, le financement des Opex en gestion est gagé par une diminution des autres dépenses du budget de la Défense nationale, qui est une enveloppe fixe. Ainsi, le maintien en condition opérationnelle des matériels (MCO) est très tendu pour toutes les armées, tandis que les crédits d'investissement sont fréquemment mis à contribution pour financer ces Opex. De surcroît, les gestionnaires succombent à la tentation constante de favoriser les personnels, donc de recourir plus largement à l'ISSE. Nous-mêmes avons dû entrer dans cette logique. En effet, nos marins comparent toujours leur situation avec celles de leurs homologues de l'armée de terre et de l'armée de l'air, qui sont favorisés.
Il faudrait s'interroger sur le fondement même des régimes indemnitaires : l'ISSE, qui est, rappelons-le, une indemnité de sujétion pour services extérieurs qui a pour but de compenser non pas tant la sujétion des militaires que celle de leur famille qui, en l'absence du chef de famille, doivent continuer à vivre de façon décente. Je pense au cas récent d'un officier-marinier dont l'épouse avait dû changer, en son absence, le chauffe-eau en panne : s'il n'avait pas été en mer, il aurait pu effectuer lui-même la réparation et réaliser ainsi de substantielles économies.
Il convient d'observer que le régime de rémunération des militaires aux États-Unis et au Royaume-Uni est singulièrement différent du nôtre puisqu'il n'y a pas d'écart significatif de rémunération, pour les militaires restés au pays et ceux qui sont projetés en opérations extérieures. En contrepartie, la solde normale est surévaluée. La France a choisi la « prime aux bons élèves ».