Je suis d'autant plus satisfaite d'une telle transformation qu'elle était attendue depuis longtemps. Depuis ma nomination, en novembre 2005, et ainsi que le ministre de la Culture et de la communication, M. Donnedieu de Vabres, me l'avait demandé par une lettre de mission, j'ai beaucoup travaillé en ce sens, de même qu'au projet de rénovation et d'extension du musée ou encore au développement de nos ressources propres en prévision des futurs contrats de performance entre l'État et l'EPA.
Après trois ans de travail intensif, nous sommes enfin à la veille d'une mutation statutaire qui interviendra dans une situation difficile de « repli » puisque le musée doit être fermé au public pour des travaux impératifs et ses personnels partiellement redéployés pendant cette période. Nous nous sommes engagés à réaliser dans des délais particulièrement courts –estimés à 18–24 mois par l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, l'EMOC – des travaux à hauteur de 23 millions d'euros dont nous devons financer les deux tiers. À ce jour, nous avons réuni 12 millions d'euros – ce qui permet de garantir la première tranche de rénovation et de mise aux normes de l'Hôtel Salé –, mais nous travaillons encore à trouver les fonds nécessaires à l'extension du musée. Je ne vous cache pas que la situation est très tendue financièrement, techniquement, administrativement et scientifiquement. Si cette perspective de modernisation de notre statut, de nos espaces et de nos moyens est pleinement soutenue par la direction des Musées de France (DMF) qui est notre tutelle, la RMN, quant à elle, a décidé d'en ignorer les aléas comme de prendre en compte les difficultés de gestion qui en découlent au quotidien en matière de programmation culturelle, d'information et d'accueil des publics.
Si le Louvre pourrait avoir valeur paradigmatique pour les musées nationaux, le musée Picasso est en revanche unique en son genre puisqu'à l'exception du Musée national d'art moderne fusionné dans l'entité du Centre Pompidou et qui bénéficie à ce titre d'un statut particulier depuis sa création, il est le seul d'entre eux spécifiquement dédié à l'art moderne. Parmi les 15 musées nationaux à statut de SCN, il est par ailleurs le seul à recevoir près de 500 000 visiteurs chaque année, son patrimoine étant exceptionnel et d'un intérêt mondial.
Néanmoins, force est de constater que nous ne disposons pas des moyens nécessaires (administratifs, techniques et financiers) qui nous permettraient d'assumer pleinement notre rôle comme notre mission de rayonnement international. En effet, sans en avoir de retour véritablement significatif (environ 90 000 euros annuels), le musée fait bénéficier bon an mal an la RMN de 3 millions d'euros grâce à sa billetterie et à son chiffre d'affaires commercial (librairie, produits dérivés, concession restaurant), ce dernier étant d'ailleurs insuffisant au regard de notre potentiel. La RMN ne voulant considérer que le domaine des « expositions temporaires » (une exposition est coproduite annuellement par le musée et la RMN), rien n'est fait pour accroître la fréquentation générale du musée et des collections permanentes ; le bâtiment n'a bénéficié d'aucun investissement en maintenance (c'est au contraire le musée qui doit prendre en charge l'entretien des espaces mis à la disposition de la RMN) ; 65 % de nos visiteurs viennent de l'étranger sans qu'aucun service public digne de ce nom ne leur soit dédié ; 35 000 à 50 000 jeunes et scolaires français et européens sont reçus par le musée sans qu'un véritable service d'accueil et éducatif ne leur soit consacré ; les actions commerciales, enfin, sont globalement médiocres.
Avec 800 000 euros octroyés par l'État et dépensés dès le 1er janvier – puisqu'ils ne couvrent que les seules charges fixes – le musée national Picasso se trouve dans un état de pauvreté endémique. Par ailleurs, il ne bénéficie d'aucune véritable dotation culturelle et scientifique.
Pour toutes ces raisons, le passage au statut d'EPA était une question vitale pour l'avenir du musée.