La première question appelle une réponse en trois temps.
En ce qui concerne le rythme des rotations de troupes projetées en Opex, la France observe une pratique quasi-constante, reposant sur des rotations de 4 mois. Certaines opérations conduites sous l'égide de l'Organisation des Nations-Unies, notamment au Cambodge, reposaient toutefois sur des rotations de 6 mois.
Tel est également le cas des troupes françaises en Afghanistan. Cela s'explique par un souci d'efficacité opérationnelle. La nature spécifique des opérations conduites en Afghanistan, ainsi que la nécessaire acculturation de nos troupes, impliquent un délai de rotation suffisamment long. Le retour sur expérience de l'opération « Dinner out », conduite sous la responsabilité du colonel Nicolas Le Nen, pendant 10 jours, a confirmé la pertinence du délai de rotation de 6 mois. Menée après 3 mois de présence des troupes sur le sol afghan, cette opération ne pourrait être répétée si le délai de rotation était ramené à 4 mois.
La présence des troupes pendant 6 mois est continue, sans permission. L'instauration d'une permission nécessiterait un accroissement de plus de 20 % des effectifs mobilisés, ce qui n'est pas envisageable. La durée du délai de rotation et l'absence de permission ont justifié des mesures d'accompagnement.
D'une part, le contrat moral avec nos soldats est que les troupes présentes pendant 6 mois en Afghanistan ne sont pas projetées vers un théâtre d'opérations extérieures pendant les 12 mois qui suivent leur retour en France. D'autre part, des mesures d'accompagnement psychologique ont été prises. Ainsi, sera expérimenté en juin un « sas de désengagement », dont l'objet est de permettre aux troupes quittant l'Afghanistan de se réhabituer à un rythme de vie classique, sans menace permanente pour leur sécurité. L'expérimentation de juin consistera à faire transiter par Chypre, pour 48 heures, 80 personnes en provenance des OMLT (Operational Mentoring Liaison Team) d'Afghanistan.
Deuxième aspect de votre question, l'impact des opérations extérieures sur les recrutements ne suscite pas d'inquiétude. Un équilibre s'est établi entre le caractère dissuasif des pertes enregistrées, notamment lors de l'accrochage d'OUZBIN en août 2008, et l'intérêt de connaître les réalités d'un théâtre d'opérations. Parmi les partants, les non-renouvellements d'engagements sont souvent dus aux contraintes de la vie militaire, en particulier la mobilité géographique et la disponibilité. Ce dernier point est important puisqu'il n'existe pas de volontariat pour les opérations extérieures : une fois choisi ce métier, on ne choisit pas ses missions, principe sans cesse rappelé à nos militaires.
Les suppléments de rémunérations sont les mêmes pour toutes les opérations extérieures, quel qu'en soit le lieu. Il ne saurait y avoir, ici, le théâtre des seigneurs de la guerre, et, là, celui des valets d'armes. En Afghanistan, les conditions d'engagement sont d'une intensité majeure. Mais celles subies au Tchad en février 2008 l'étaient tout autant. La solde est donc la même sur tous les théâtres d'opérations extérieures. En tout état de cause, le traitement d'un militaire français en Opex est largement supérieur à celui d'un militaire britannique : dans le cas d'un général de brigade, sur six mois après retenues diverses, 72 090 euros pour le français et 55 463 euros pour le Britannique ; pour un militaire du rang, 18 558 euros pour le français et 12 901 euros pour le Britannique. En métropole la comparaison de la solde est par contre largement en faveur du Britannique.
La situation des rémunérations en opérations extérieures dans l'armée de terre française est donc bonne. D'ailleurs, on ne trouve pas, sur le blog du CEMAT, de courriers portant sur les rémunérations en opérations extérieures. En revanche, les personnels estiment que les opérations extérieures apportent une expérience professionnelle enrichissante et irremplaçable, qui permet de « bien vivre son métier ». Le gain financier apparaît comme la juste prise en compte des exigences du service, car il faut aussi « vivre de son métier ».
Enfin, les achats de matériels faits directement par les personnels, un problème récurrent dans les armées, correspondent à plusieurs types de situation. Il peut s'agir d'une initiative individuelle pour améliorer son équipement, voire pour disposer d'un équipement valorisant, comme celui des forces spéciales françaises ou celui d'unités américaines côtoyées sur le terrain.
L'autre cas est celui de l'abus de pouvoir, à savoir une obligation d'achat imposée par le commandement quel que soit son niveau. L'état-major de l'armée de terre interdit et combat en permanence cette pratique. Il revient en effet à la République d'équiper ses soldats.