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Intervention de Laurent Toulemon

Réunion du 26 mars 2009 à 9h15
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Laurent Toulemon, responsable de l'unité de recherche fécondité, famille, sexualité à l'INED :

Là encore, il faut savoir quel est l'objectif poursuivi.

S'il est de favoriser la scolarité future, les études semblent montrer que les enfants scolarisés très tôt ont un avantage dans le primaire, mais que celui-ci diminue pendant le secondaire et qu'on n'en voit plus vraiment de traces à long terme.

Si l'objectif est celui explicitement affiché, quand a été mise en place l'école gratuite, laïque et obligatoire, de promouvoir l'égalité des chances, le fait d'avoir une école maternelle précoce générale est un élément important de lutte contre les inégalités.

Chercher à savoir si la scolarisation à deux ans a ou non une incidence sur le nombre de naissances n'est pas une bonne façon de poser le problème.

La question principale concerne le retour à l'emploi après l'interruption, que celle-ci soit d'un an, de deux ans ou de trois ans. Les femmes les plus fragiles vis-à-vis du marché du travail, qui sont celles qui s'arrêtent, craignent, en le faisant, de fragiliser encore plus leur situation et de se retrouver dans une sorte de trappe à pauvreté. La situation est, cependant, moins noire que ce qu'on craignait après l'effet d'aubaine de l'APE qui a entraîné une baisse des taux d'activité féminine sans augmentation de la fécondité.

Concernant les pères, je ferai deux observations.

Les hommes ont une très forte réticence à s'occuper des enfants et ils se sentent obligés de travailler afin de nourrir la famille. D'ailleurs, leurs carrières professionnelles ont tendance à s'améliorer quand ils ont des enfants. Ils s'investissent plus dans le travail et moins dans les tâches ménagères alors que le fardeau de celles-ci augmente. Quand les couples ont un enfant et, encore plus quand ils en ont deux, l'homme s'éloigne de la maison pour travailler davantage. Est-ce parce qu'il fuit les contraintes ou parce qu'il prend ses responsabilités de père plus à coeur ? C'est difficile à dire.

La Suède mène en ce domaine une politique volontariste par le biais de l'imposition individuelle. Quand il s'est agi de discuter du congé parental, les hommes se sont débrouillés pour affaiblir les mesures proposées. Le congé qui n'est pas pris par le père est perdu, mais ce qui est pris par le père soit est pris tout de suite et intégralement, soit est pris par petits morceaux sur une longue durée, ce qui est beaucoup moins douloureux sur le plan de l'activité professionnelle.

Des discussions ont eu lieu en Allemagne. L'idée que l'État pouvait obliger les hommes à s'arrêter de travailler a vraiment été perçue comme une atteinte aux libertés individuelles. Les Allemands considèrent que c'est au couple de décider qui doit s'arrêter de travailler. Ils ne reconnaissent aucune légitimité à l'État à décider de mettre les hommes à la maison pour pouvoir mettre les femmes au travail.

En France, le congé de paternité a eu un succès beaucoup plus fort que prévu, mais ce n'est pas la même chose de s'arrêter pendant quinze jours ou de s'arrêter pendant un an.

En Suède, les hommes étaient assez nombreux à prendre leur congé de paternité mais, quand la crise est arrivée dans les années 1990, ils sont très vite retournés au travail car ils avaient peur que les conditions de retour à l'emploi soient difficiles. Était-ce une décision des couples, qui mettaient en avant le salaire de l'homme, ou était-ce une décision des hommes ? C'est difficile à savoir. Ce sur quoi je veux insister, c'est que, si l'on veut mettre les hommes à la maison, il faut engager une politique très volontariste parce que, en amont comme en aval, les réticences sont extrêmement importantes.

En Italie, les hommes politiques un peu âgés et conservateurs font reposer la responsabilité de la situation sur les jeunes qu'ils traitent de génération parasite qui veut rester tranquillement chez papa et maman et profiter du beurre et de l'argent du beurre. De leur côté, les jeunes font valoir qu'il y a des contraintes de logement et d'emploi qui ne leur permettent pas de travailler dans des conditions satisfaisantes pour faire des enfants. Là encore, il est difficile de faire la part des choses.

Les problèmes de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle se posent surtout pour les femmes. Un élément de réponse est certainement d'imposer aux hommes de participer davantage aux tâches ménagères mais, d'une part, c'est un travail de longue haleine et, d'autre part, il ne faut pas espérer que cela ait un impact sur la fécondité.

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