Je soulignerai d'emblée que la collectivité ne renfloue pas les hôpitaux en déficit. En réalité, alors que l'ONDAM hospitalier est respecté, le déficit – qui représente 600 à 700 millions d'euros chaque année, soit 1,5 % seulement de la masse budgétaire malgré l'importance de la somme – est pris sur la substance des hôpitaux, c'est-à-dire sur leurs réserves et leurs fonds de roulement, ce qui présage pour les années à venir des difficultés en termes d'investissement. En effet, l'investissement hospitalier est en partie financé par les établissements eux-mêmes, à partir de l'amortissement ou des excédents d'exploitation. La diminution de la capacité d'autofinancement des hôpitaux est masquée par les apports en capital des plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012 – qui, je le rappelle, figurent dans l'ONDAM sous forme de prise en compte des surcoûts liés aux emprunts, alors que le secteur privé bénéficie de dotations en capital. Sans ces aides, les hôpitaux ne pourraient plus investir. Cependant, si modeste soit-il, un déficit est toujours excessif.
Bien que nos concurrents privés affirment que la convergence entre public et privé doit être accélérée parce que les hôpitaux publics sont plus chers, l'avenir nous montrera que l'hôpital public est sous-financé par rapport au poids de ses missions de service public.
Le seul moyen de rester dans les limites des enveloppes qui nous sont accordées consiste à réduire l'emploi. De fait, la masse salariale représente aujourd'hui de 68 % à 70 % de nos charges et les 7,5 % à 8 % liés au coût des médicaments progressent à un rythme très supérieur à celui de l'inflation, balayant les effets des économies réalisées sur les fonctions logistiques ou de support. La seule variable d'ajustement est donc la masse salariale. Cette question est moins taboue qu'elle ne l'était voilà encore quelques années. La réduction de l'emploi doit cependant, pour être indolore, se faire le plus intelligemment possible, c'est-à-dire par la réorganisation des activités, notamment médicales. C'est là une question de volonté – et c'est précisément là que l'on rencontre des blocages politiques, parce que l'hôpital est un symbole, qu'il est le plus gros employeur local et parce qu'il est encore politiquement incorrect de toucher à l'emploi. Si donc les professionnels ont compris que la réduction de l'emploi était la seule solution pour tenir les budgets, il n'est pas certain que la collectivité nationale en soit déjà consciente. Le différentiel qui se creuse chaque année entre l'augmentation des charges et celle de l'ONDAM hospitalier confirme toutefois que, faute de pouvoir limiter l'activité dans le cadre de la tarification à l'activité – la T2A –, il faut jouer sur les moyens humains.
Nous sommes entrés dans une spirale inflationniste. De fait, l'ONDAM définit chaque année une augmentation des tarifs et du volume d'activité prévisionnel. Un établissement qui n'atteint pas l'augmentation prescrite – fixée par les pouvoirs publics à 1,7 % – ne percevra pas la partie de l'ONDAM correspondante, tandis que ses dépenses continueront à courir, ce qui le mettra dans une situation budgétaire difficile.
Je ne suis pas certain qu'il soit raisonnable d'obliger les hôpitaux à développer leur activité. Jean Leonetti, président par intérim de la FHF, soulignerait sans doute à ce propos l'importance de l'évaluation de la pertinence des actes et des interventions. Dans certains secteurs, comme la chirurgie, l'activité est en effet trop importante. On fait des choses inutiles et il y a là une source de vraies économies. Cependant, la suppression des activités inutiles se traduit par une diminution du chiffre d'affaires – à moins qu'elle ne s'accompagne d'une augmentation des tarifs.
Aujourd'hui, cette question n'intéresse personne. Les statistiques comparant les taux de césarienne par département, que nous avons publiées en décembre dernier, révèlent des écarts choquants, mais rien n'a été fait depuis – même s'il est probable que les professionnels ont modifié certains comportements. Comment expliquer que les arthroscopies du genou soient plus fréquentes dans un département plat qu'en Savoie ou en Haute-Savoie ? Cela révèle des comportements inacceptables, mais c'est là encore un sujet tabou. Les abus sont bien plus nombreux dans les cliniques privées que dans les hôpitaux, et l'on y opère des malades qui ne devraient pas être opérés. Il y a là des excès, et même des scandales.
L'évaluation de la pertinence des actes et des interventions est sans doute le dossier de santé publique de demain, pour des raisons tant financières que de santé publique. Je rappelle à ce propos que, voilà une trentaine d'années, les statistiques de prévalence par département de cette intervention grave qu'est l'hystérectomie totale ont fait apparaître des différences considérables, ce qui est monstrueux.
Quant à la maîtrise des dépenses, la seule solution est, je le répète, compte tenu de la contrainte économique, de toucher à l'emploi – en le faisant le plus intelligemment possible. Dans cette perspective, la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) devrait permettre de rationaliser l'offre de soins hospitalière dans le secteur public. De fait, à la différence d'un établissement privé, un hôpital public ne peut pas se contenter de fermer lorsqu'il connaît des difficultés.
La Fédération hospitalière de France vise non seulement à défendre le service public auprès des pouvoirs publics, mais aussi et surtout à animer le milieu, car le service public sera d'autant plus fort qu'il s'adaptera à l'évolution des besoins de la population et à l'évolution de la médecine. Elle cherche donc à développer une stratégie de groupe, qui permet d'élaborer un projet médical commun pour chaque territoire de santé, d'éviter les doublons et de réaliser des économies sur les fonctions de support, grâce aux gains de productivité réalisés sur la logistique.
La situation de déficit, même si elle n'est pas dramatique compte tenu des masses financières en jeu, ne nous satisfait pas. La seule solution est, je le redis encore, de réduire de la manière la plus indolore possible la masse salariale, en l'accompagnant d'une réorganisation de nature à éviter les drames et les conflits sociaux qui pourraient naître d'une restructuration hâtive et non réfléchie.